Budget : Bercy au pied du mur

Économies, impôts, dette... Le gouvernement va exposer son cadrage financier pour les années à venir. Il se divise sur la répartition des efforts à mener d’ici à 2027.
Thomas Cazenave et Bruno Le Maire dans les couloirs du ministère de l’Économie.
Thomas Cazenave et Bruno Le Maire dans les couloirs du ministère de l’Économie. (Crédits : © LTD / Lionel Préau/RIVA PRESS)

L'heure de vérité sonne pour l'exécutif. Mercredi, Bruno Le Maire doit dévoiler le nouveau programme de stabilité de la France, avant sa présentation en Conseil des ministres la semaine suivante. L'enjeu n'a jamais été aussi lourd. Sous pression, le numéro deux du gouvernement va mettre à jour les prévisions de dépenses publiques, prélèvements, déficit et dette pour la fin du quinquennat. En temps ordinaire, ce document destiné à Bruxelles n'intéresse que les passionnés. Mais la dégradation soudaine des comptes fin 2023, le débat sur les hausses d'impôts et la menace d'une rétrogradation par les agences de notation lui confèrent un caractère politique inflammable - qui plus est en période électorale.

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L'équation a rarement été aussi compliquée. Malgré le plongeon des recettes, Bercy maintient l'objectif de ramener le déficit public sous la barre de 3 % du PIB à l'horizon 2027 - le seuil de tolérance européen. Il en va du bilan d'Emmanuel Macron après dix années au pouvoir, et de la crédibilité du pays auprès de ses partenaires européens comme de ses créanciers.

Sauf que la marche à gravir est devenue très haute, le trou s'étant creusé à 5,5 % l'an dernier à cause d'un manque inattendu de recettes fiscales. Pour atteindre son objectif en 2027, le gouvernement doit désormais trouver autour de 65 milliards d'euros en trois ans et demi, en supposant par ailleurs que les recettes de la croissance couvrent la hausse naturelle des dépenses. Un tel montant représente l'équivalent du budget annuel de l'Éducation nationale (premier poste de dépense de l'État). Le récent chiffrage choc de la Cour des comptes (50 milliards) qui a secoué la majorité est déjà périmé.

Positions divergentes

Qui va payer? Et quand? À la veille du week-end, Bercy, Matignon et l'Élysée restaient sur des positions divergentes. Les uns plaident pour un effort d'économies puissant et rapide. La posture dure pourrait rassurer les agences de notation et épargner l'humiliation d'une baisse de la note du pays. Fitch et Moody's doivent se prononcer le 26 avril puis Standard & Poor's le 31 mai, neuf jours avant le scrutin européen. Mais cela nécessite d'expliquer dès cette semaine  où sera porté le fer, au risque de susciter un torrent de critiques des oppositions.

Les autres militent pour un étalement des mesures. « On risque de le payer cher politiquement si on n'atteint pas des objectifs trop ambitieux à court terme. À la même époque l'an prochain, on serait à nouveau obligés de faire des coupes dans l'urgence », explique une source ministérielle.

Dans l'entourage du président de la République, on souligne que les efforts doivent être répartis sur une base large pour être partagés le plus possible. Sous-entendu, pas question d'infliger des mesures ponctuelles à tel secteur ou telle catégorie de la population. Une façon de se distinguer du discours de Bercy, Bruno Le Maire projetant par ailleurs dans son dernier ouvrage le remplacement de l'État-providence.

Pour préparer le terrain, le ministère de l'Économie avait lancé l'an dernier une batterie d'études ciblées, les « revues de dépenses ». Leurs conclusions ne seront pas connues avant l'été. Mais, d'ores et déjà, une série de pistes ont été énoncées, touchant surtout la sphère sociale. S'agissant de l'assurance chômage, le gouvernement entend réduire les conditions pour bénéficier d'une allocation, baisser la durée d'indemnisation des demandeurs d'emploi, revoir les spécificités du régime des seniors... Aucun chiffrage précis n'a été présenté, mais plusieurs milliards d'euros pourraient être récupérés.

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En outre, la réforme de l'allocation de solidarité spécifique (ASS), annoncée par le Premier ministre lors de son discours de politique générale, devrait être mise en  œuvre. Versée aux chômeurs en fin de droits, elle est perçue par le gouvernement comme une « trappe à inactivité », car elle « prolonge les aides après la fin de l'assurance chômage ». Dans cette logique, sa suppression progressive doit encourager les demandeurs d'emploi à court de droits à revenir sur le marché du travail. Sa disparition pourrait représenter un peu plus de 2 milliards d'euros de dépenses en moins.

Autre piste, les retraites complémentaires. Bercy cherche toujours à piocher dans les caisses excédentaires de l'Agirc-Arrco afin de financer les plus petites pensions. Malgré l'opposition des syndicats et du patronat, entre 0,5 et 1 milliard d'euros pourraient être prélevés. Les prévisions financières feront aussi la part belle aux effets de la réforme des retraites de l'an dernier.

L'objectif d'un déficit public sous la barre de 3 % du PIB est maintenu

Par ailleurs, le gouvernement entend réduire les dépenses de l'Assurance maladie. Les leviers potentiels sont nombreux. Le programme de stabilité pourrait mentionner une hausse des franchises médicales, une coupe dans les remboursements des frais de transport pour les malades, l'instauration de nouveaux jours de carence en cas d'arrêts de travail...

Dans un autre champ, les collectivités locales suscitent aussi de fortes attentes de la part de Bercy. Leurs dépenses progressent davantage que prévu. Les associations d'élus locaux ont rendez-vous mardi avec Bruno Le Maire pour un « haut conseil des finances publiques locales ».

Reste l'épineuse question des augmentations d'impôts. Gabriel Attal a demandé aux parlementaires de la majorité de coordonner leurs propositions en touchant uniquement « les rentes ». Même si le gouvernement la justifie sur un plan politique ou moral, il s'agira bien d'une hausse des prélèvements obligatoires.

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Commentaires 3
à écrit le 08/04/2024 à 15:43
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pas touche à ce qui ne vous appartient pas : exemple AGIRC-ARCCO. On ne finance pas ses mesures en piquant de l'argent aux autres.

à écrit le 08/04/2024 à 15:43
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pas touche à ce qui ne vous appartient pas : exemple AGIRC-ARCCO. On ne finance pas ses mesures en piquant de l'argent aux autres.

à écrit le 08/04/2024 à 7:55
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Le gouvernement qui aura le plus creusé la dette alors que yavait Sarkozy comme concurrent quand même ! Chapeau les gars ! ^^ Bon ils savent faire pire on en était persuadé mais un jour saurons ils nous prouver qu'ils savent faire mieux ? On attend.

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