Déficit public : les conseils de trois anciens ministres des Finances

Où trouver les économies budgétaires ? Faut-il augmenter les impôts ? Valérie Pécresse, Michel Sapin et Jean Arthuis livrent, à La Tribune Dimanche , leur expertise.
Valérie Pécresse, Michel Sapin et Jean Arthuis
Valérie Pécresse, Michel Sapin et Jean Arthuis (Crédits : © LTD / Elodie Grégoire/ABACA - Damien Grenon/Photo12 - Alexis Sciard/ IP3)

Valérie Pécresse, ex-ministre du Budget (2011-2012) : « Je propose un comité de la hache »

« Les "quoi qu'il en coûte" sanitaires et énergétiques ont accru les mauvaises habitudes de l'État, de vouloir tout faire, de souvent mal faire. Nous sommes aujourd'hui au pied du mur. Pour se relever, il faut oser des choix forts et ambitieux, loin des coups de rabot ponctuels qui ne règlent rien. À l'État omniprésent je préfère l'État qui se recentre sur ses prérogatives fondamentales au cœur du pacte républicain : éduquer, soigner et protéger.

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À l'État boulimique et hyperactif je préfère l'État adepte de la simplification qui ose la débureaucratisation. C'est pourquoi je propose un « comité de la hache » qui fasse l'inventaire de toutes les normes et procédures mais également de l'utilité des différents opérateurs publics qui agissent pour le compte de l'État avec un objectif simple : diviser par deux tous les codes administratifs, par trois le nombre de structures, et digitaliser massivement. C'est possible. Je l'ai fait à la Région Île-de-France depuis 2016 en divisant par deux le nombre d'organismes associés qui dépensaient près de 50 % de leur budget en frais de fonctionnement.

À l'État jacobin je préfère l'État décentralisateur qui lâche prise sur tous les domaines pour préférer une approche au plus près des usagers dans une logique de résultats. Les compétences croisées et les doublons tuent l'action publique à petit feu, car ils cumulent illisibilité, surcoûts et inefficacité. Je suis pour une règle simple : une collectivité, une compétence, un impôt afin de privilégier un pilotage unique et une responsabilité accrue sur l'économie, l'emploi, le logement, la solidarité ou l'environnement.

Face à une administration étatique si rétive aux changements, il vaut mieux accepter de fermer une structure lourde et obsolète pour réinventer au niveau local une nouvelle organisation plus agile, digitale, utilisant l'IA et en prise avec le terrain.

Enfin, il nous faudra maîtriser la masse salariale étatique, qui ne cesse de croître. Cela passe par une nouvelle gestion des ressources humaines, avec la généralisation de CDI dans les trois fonctions publiques, qui permette à la fois la flexibilité des recrutements en fonction des besoins et, en contrepartie, la sécurité professionnelle pour les agents, aujourd'hui trop souvent précarisés en CDD.

Depuis plusieurs décennies, la France vit à crédit, finançant son absence de réformes par la morphine des déficits et de la dette. Bientôt la facture devra être remboursée et elle fera mal. Plus nous attendons, plus nous exposons notre modèle social à une cure d'austérité drastique. Le moment est venu de choisir : la réforme ou la faillite. »

* Présidente de la Région Île-de-France

Michel Sapin, ex-ministre des Finances (2014-2017) : « Envisager la contribution des plus riches »

« Le gouvernement croit toujours que la croissance va l'aider à résorber les déficits et la dette. Et cette croyance est tenace ! Or l'économie française ne connaît plus de forte expansion depuis les Trente Glorieuses. Il faut cesser d'imaginer que nous reverrons les hausses de PIB du siècle passé. C'est un discours pour endormir les enfants.

La question de fond est donc la suivante : la France peut-elle rester le mauvais élève de la zone euro sans recevoir une mauvaise note de ses créanciers ? Nous parvenons encore à nous endetter car nous sommes un grand pays avec une balance des paiements favorable.

Mais il ne faut pas basculer de l'autre côté du cheval, comme d'autres pays qui ont subi des crises financières. Or cela risque d'arriver. Et puisque la croissance ne suffit pas, il faut faire des efforts. Certains pensent qu'on pourrait se passer de faire des économies et qu'il suffirait uniquement de taxer les riches. C'est une illusion : un effort doit être demandé à tous, il ne peut être accepté que s'il est justement partagé.

S'agissant des dépenses, le président de la République a poursuivi le "quoi qu'il en coûte" après le Covid et dans des domaines sans rapport avec la pandémie. Cela a mis à l'esprit des Français que nous n'avions pas de problème d'argent.

Aujourd'hui, le gouvernement rabote 10 milliards d'euros à la hâte. C'est la pire manière de faire des économies car, d'après mon expérience, les ministères parviendront toujours d'une manière ou d'une autre à récupérer leurs crédits ces prochains mois. La seule solution est d'engager une vraie maîtrise des dépenses, y compris sociales, sur le moyen terme. S'agissant des impôts, seule une hausse de la TVA et de la CSG rapporterait des sommes suffisantes, car tous les Français les payent. Mais, à l'heure actuelle, une augmentation serait injuste car elle toucherait principalement les plus modestes et creuserait encore plus les inégalités.

Il faut donc envisager la contribution des plus riches, sans tomber dans la stigmatisation des hauts revenus. En 2012, avec François Hollande, nous l'avons fait en alignant la fiscalité du capital sur celle du travail. À peine élu, Emmanuel Macron a remplacé cela par une flat tax, impôt profondément injuste. Il est encore temps de revenir sur cette faute originelle. »

Jean Arthuis, ex-ministre des Finances (1995-1997) : « Le coup de rabot ne change rien »

« Je préconise d'abord d'établir la vérité des comptes devant les Français. Il faut présenter à l'opinion la situation réelle des finances publiques, de manière globale et intelligible, en faisant apparaître les dépenses et les recettes par nature. Étonnamment, dans la sphère publique, les redditions de comptes sont illisibles, contrairement à ce qui se passe dans le monde des entreprises ou des associations. Le Parlement est certes saisi chaque année d'une loi de règlement, formelle et absconse, qui présente l'arrêté des comptes annuels. Qui s'en soucie ? Personne. En 2022, ce texte a été rejeté. Cela a-t-il eu une conséquence quelconque ? Aucune. C'est pourtant le seul et unique moment de vérité budgétaire dans le calendrier annuel. Cela est très grave. Je considère qu'en escamotant la reddition des comptes, on porte atteinte à l'idée même de démocratie.

Au plan national comme dans les collectivités territoriales, les débats politiques se concentrent sur les projets de budget. Les parlementaires consacrent près d'un trimestre à l'examen des projets de lois de finances. Ces textes sont propices aux annonces et ils sont souvent fondés sur des hypothèses de croissance trop optimistes. Nos pratiques s'égarent parfois aux confins de l'illusionnisme. Au surplus, la crise du Covid a fait croire à l'argent magique. Veillons à ne pas sombrer dans un monde où nul n'est plus responsable de rien.

Dans un rapport que j'ai remis au Premier ministre Jean Castex, en mars 2021, la commission sur l'avenir des finances publiques a souligné que le "coup de rabot" n'était pas la méthode la plus intelligente pour réduire les crédits. Elle ne change rien, en effet, à la structure des dépenses et elle fragilise les services publics. Malgré cela, on y a toujours recours. La bonne méthode consisterait à établir un plan de transformation sur plusieurs années. Établir la vérité permettrait d'identifier les priorités : réguler les dépenses sociales comme le RSA ou l'assurance chômage, revoir les prélèvements sur le travail qui constituent d'authentiques impôts de production.

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Autant que nos finances publiques, nous devons redresser notre balance commerciale, car depuis plusieurs décennies nous consommons plus que ce que nous produisons. Réindustrialisons, privilégions les investissements d'avenir, notamment la formation professionnelle. Il faut prendre la mesure de notre vulnérabilité et considérer qu'on ne renforcera pas notre système productif en augmentant les impôts, au contraire. C'est un grand chantier qu'il faut lancer, il est urgent de s'y atteler. Lucidité, pédagogie et courage sont requis. »

Commentaires 13
à écrit le 18/03/2024 à 14:38
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Les conseils de responsables ayant fait leur carrière sur le clientélisme boomer endettant le pays depuis un demi-siècle...

à écrit le 18/03/2024 à 10:23
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Bonjour, les conseils des anciens ministres, MDR, .. ils est tellement simple de donner des conseils lorsqu' ils ne sont plus aux affaires... D'ailleurs la bon questions est de savoir depuis quand n'avons nous pas eux un budget a l'équilibre... Bo...

le 18/03/2024 à 17:41
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Les derniers excédents remontent aux années 70, mais les déficits servent à enrichir la croissance en emplois car le privé compétitif français est très pauvre en emplois et trop d'individus sans emplois, en politique, c'est une grenade dépouillée, à ...

à écrit le 17/03/2024 à 19:09
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j'ai pas lu l'article, tout le monde a des idees quand il n'est plus en place, apres n'avoir rien fait!!!! Moscovici en est le meilleur exemple!!!!!!!!!!!! sinon, Sapin a tout fait pour envoyer l'economie au tas, et viens expliquer les traditionnelle...

à écrit le 17/03/2024 à 18:43
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La solution SAPIN le MATRAQUAGE FISCAL et pendant ce temps l’état verse de l’argent à une fondation qu’il connaît bien et aux ONG NORMAL !!!

à écrit le 17/03/2024 à 18:13
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Etaler le programme des EPR2 de sorte que le génie civil d'un réacteur ne commence que quand celui du précédent se termine. Embaucher à tour de bras pour mener plusieurs chantiers en parallèle relève de la folie furieuse. Ces réacteurs entreront en f...

à écrit le 17/03/2024 à 17:58
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Ils prétendent donner des conseils alors qu'ils n'ont rien fait et ont au contraire augmenté l'endettement de la France ? Se rendent-ils compte qu'ils se sont montrés malfaisants ?

à écrit le 17/03/2024 à 14:19
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On demande l'avis de barbiers alors que nous avons besoin d'un médecin.

le 17/03/2024 à 15:35
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plutot un chirurgien ce qui est des ex rien de bon leur billan est une cata

à écrit le 17/03/2024 à 13:37
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Demander à des hauts-fonctionnaires comment réduire les dépenses, c'est comme demander à un toxicomane de gérer votre patrimoine ...., cela n'a aucun sens ...

le 17/03/2024 à 16:11
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le sommet est un miracle l'actuel ministre des finances en fonction depuis 7ans dans son livre a paraitre en avril. devoile ces solutions et peut faire de la france un pays prospere le peuple a deux solutions croire ou pas et vous

à écrit le 17/03/2024 à 9:31
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Alors si je résume ces gens qui ont non seulement échoué à résorber la dette mais l'ont copieusement augmenter seraient de bons conseils ? Ouais ouais bien sûr... ^^

à écrit le 17/03/2024 à 9:31
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Alors si je résume ces gens qui ont non seulement échoué à résorber la dette mais l'ont copieusement augmenter seraient de bons conseils ? Ouais ouais bien sûr... ^^

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