Émeutes : « La rentrée sociale sera très compliquée si le gouvernement n'apporte qu'une réponse sécuritaire » (Marylise Léon, CFDT)

RENCONTRES ÉCONOMIQUES D'AIX-EN-PROVENCE. La Tribune reçoit en direct de son studio en plein air les décideurs économiques et politiques pendant les trois jours des Rencontres d'Aix, le Davos provençal. Ce vendredi, la secrétaire générale de la CFDT, nouvellement élue à la suite de Laurent Berger, a prédit un programme chargé à la rentrée à l'occasion de débats avec le gouvernement.
Maxime Heuze
« On se rend compte que le dialogue social fonctionne moins bien aujourd'hui qu'il y a 5 ans », affirme Marylise Léon.
« On se rend compte que le dialogue social fonctionne moins bien aujourd'hui qu'il y a 5 ans », affirme Marylise Léon. (Crédits : DR)

LA TRIBUNE - Comment se passent vos premiers pas à la tête de la CFDT ?

MARYLISE LÉON - Beaucoup de responsabilités et d'enthousiasme. L'agenda est bien chargé, mais j'ai pris soin d'aller voir des équipes, des travailleuses et travailleurs de deuxième ligne dans la grande distribution.

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Vous êtes attendue à Matignon pour un agenda social, qu'en attendez-vous ?

Nous avons rencontré Elisabeth Borne mi-mai pour un premier temps d'échange et posé deux éléments qui me semblent importants, conditions pour renouer le dialogue. En termes de méthode, comment le gouvernement est capable de faire différemment et quelles sont les thématiques qu'on va pouvoir discuter ? Nous avons défini un certain nombre de sujets sur lesquels nous allons continuer de tirer les fils comme ce qu'il se passe en entreprise sur le télétravail et comment faire de la prévoyance pour tous.

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Le premier sujet sera celui du pouvoir d'achat et le deuxième, celui du travail et des conditions de travail.

Pourquoi les salaires n'ont-ils pas été intégrés dans les discussions ?

Nous avons eu une discussion avec le patronat, car la plupart des syndicats sont d'accord pour que l'on discute de ces sujets. Les salaires, le pouvoir d'achat, c'est le sujet numéro 1 pour les travailleurs, nous défendons la question du salaire, car c'est dans les entreprises que ça se discute. Nous ne manquerons pas de dire à Elisabeth Borne que c'est un sujet qui doit faire l'affaire de négociation, notamment dans les branches. On sait qu'il y a à peu près 150 branches sous le Smic. Nous profiterons de l'occasion pour dire que le gouvernement doit être beaucoup plus incitatif.

La rentrée des classes sera marquée par l'arrivée de nouvelles têtes. Est-ce synonyme de changement ?

Cela va changer les relations entre les uns et les autres. Il va falloir que nous prenions le temps d'apprendre à nous connaître. Le propre des organisations syndicales est d'être collectif. Pour la CFDT, il n'y a donc pas de changement de ligne. Il y aura toujours autant d'exigence sur ce que nous pouvons discuter, négocier et une carte de la négociation collective que nous gardons précieusement et qui devra faire ses preuves à la rentrée.

Le pays fait face à des tensions sociales très fortes ces derniers jours, craignez-vous une rentrée sociale compliquée ?

Je pense que la rentrée sera compliquée à l'aune des moments de tensions et de violences extrêmement fortes. La rentrée sera très compliquée si le gouvernement n'apporte qu'une réponse sécuritaire abrupte. Celle-ci ne réglera en rien ce que disent les derniers événements que nous avons pu vivre et que nous devons analyser. Nous avons besoin de perspectives sur les enjeux de cohésion sociale.

Quel type de propositions allez-vous présenter lors de la prochaine rencontre avec le gouvernement ?

Cela rejoint la question de la méthode. Quelle place le gouvernement est prêt à faire à la société civile et aux organisations syndicales. Moi, je ne crois pas à l'efficacité d'un exercice vertical du pouvoir. Il y a besoin de corps intermédiaires, de personnes engagées. Nous représentons des centaines de milliers d'adhérents, de travailleurs qui ont envie de pouvoir s'engager et de s'investir dans des projets.

La bataille contre la réforme des retraites est-elle terminée ?

J'aime autant vous dire qu'elle n'est pas terminée pour ceux qui vont devoir vivre deux ans de plus au travail. Notre travail est de les accompagner et de voir comment ils peuvent, ou non, faire deux ans supplémentaires pour des questions de conditions de travail. La question du travail sera centrale. J'espère que nous pourrons ouvrir les discussions sur ce sujet.

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Vous êtes face à un patronat qui n'a pas voulu d'un index senior. Vous pensez pouvoir rouvrir ce dossier ?

C'est impératif. On ne peut pas avoir des entreprises qui se satisfont d'avoir un recul de l'âge, et qui font tout pour faire partir le plus vite possible les seniors. Il faut qu'ils prennent leurs responsabilités.

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Mais l'index senior est souvent la variable d'ajustement ?

Oui, mais ce que nous proposons, c'est de travailler sur l'emploi des seniors, avant même d'être senior. La question est celle du parcours professionnel, quels peuvent être les déroulés de carrière et apporter à chacun de véritables perspectives.

Croyez-vous que le gouvernement peut revenir sur le sujet des ordonnances ?

Il doit le faire, car on ne peut pas avoir des ordonnances qui ont eu ces effets avec un pari que les salariés allaient jouer le jeu et qui a été perdu. On se rend compte que le dialogue social fonctionne moins bien aujourd'hui qu'il y a cinq ans.

Pourtant, nous avons vu un accord entre le patronat et les syndicats sur le partage de la valeur ?

Nous demandons des discussions sur ce sujet depuis 2019, et quand le moment est venu, nous avons répondu présent et nous nous sommes engagés dans cet accord qui permet, enfin, la possibilité aux salariés de très petites entreprises et de moyennes de pouvoir bénéficier de participations.

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Maxime Heuze
Commentaires 9
à écrit le 09/07/2023 à 9:29
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"J'aime autant vous dire qu'elle n'est pas terminée pour ceux qui vont devoir vivre deux ans de plus au travail. " Pourquoi, la CFDT ne le savait pas avant d'appeler à voter Macron ,c'était pourtant la seul mesure de son programme en 2022 cette ré...

à écrit le 09/07/2023 à 6:22
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On voit dans son interview un autre niveau que certains syndicats, qui en sont encore à la lutte des classes, qui opposent public et privé, qui veulent exproprier, etc. Sur le fond de l´article : Macron est perdu, ne va apporter ni réponse sur la séc...

à écrit le 08/07/2023 à 12:40
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La vraie réponse ne serait-elle pas le départ de notre Président-le-mal-aimé, qui collectionne les crises, au point de se demander sous quelle mauvaise étoile il est né? Dommage, car il avait pris des mesures salutaires, comme la baisse des impôts; d...

le 08/07/2023 à 18:20
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Pour la baisse des impôts c'est pas réelle, juste un effet d'optique "on enlève a gauche et on les doubles a droite pour récupérer plus"... il a enlevé les taxe local, mais les foncière bondissent pour compenser en plus des produits qui ont tous fort...

à écrit le 08/07/2023 à 11:19
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Bonjour, Avant toute chose ils faut impérativement repondre a certains points : Formation des policiers, et mise en place de caméras audio embarqué, pour évité toute manipulation après 0une intervention difficile ... Contrôle des réseaux sociau...

à écrit le 08/07/2023 à 10:56
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La condition pour augmenter le pouvoir d'achat est l'augmentation de la productivité et de la compétitivité du pays. Sinon c'est l'aumentation de la dette publique et du déficit commercial qui suivront et la baisse future du pouvoir d'achat. Donc l...

à écrit le 08/07/2023 à 10:56
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La condition pour augmenter le pouvoir d'achat et l'augmentation de la productivité et de la compétitivité du pays. Sinon c'est l'aumentation de la dette publique et du déficit commercial qui suivront et la baisse future du pouvoir d'achat. Donc la...

à écrit le 08/07/2023 à 10:46
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La sécurité, l'ordre, l'immigration incontrôlée n'intéresse pas MACRON qui est en 4ème position des personnalités ayant eu les bonnes réponses aux émeutes. Bien sûr c'est Marine qui en tire le plus grand profit. Et plus ce sera le chaos en France d'i...

le 08/07/2023 à 18:27
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Macron sait qu'il n'aurait pas été réélu en 2027 au vue de ces réformes et le fait qu'il ne puisse pas se s'y présenter ouvre la porte a encore une Macronite aigue (tour de passe passe ou effet de malhonnêteté), en faisant en sorte de sa part que Mar...

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