À la veille de la fin des « 100 jours », Emmanuel Macron cherche une voie de sortie à la crise qui a frappé de nombreux quartiers en France. Une semaine après la mort du jeune Nahel tué par un policier à bout portant, l'accalmie semble se confirmer. Les émeutes et violences des premiers jours ont laissé place au bilan et la concertation.
« Les violences se tarissent. On observe une baisse des violences depuis dimanche », a déclaré le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, lors d'un point presse à l'issue du Conseil des ministres, ce mercredi 5 juillet.
Après avoir reçu plusieurs centaines de maires mardi à l'Elysée, le chef de l'Etat a esquissé quelques pistes pour la reconstruction. Le gouvernement a notamment prévu de faire passer une ordonnance, afin d'accélérer la reconstruction des bâtiments publics.
« Une circulaire a été travaillée cette nuit. Elle permet de répondre à 90% des situations. Toutes les communes qui ont connu de dégradations vont pouvoir reconstruire rapidement », a poursuivi Olivier Véran. S'agissant de la loi d'urgence annoncée par le chef de l'Etat, elle pourrait être présentée « rapidement ».
Le bilan s'alourdit de jour en jour
Au dernier comptage, le ministère de l'Economie a recensé 436 commerces touchés, contre 250 ce week-end. Les banques ont également été la cible de nombreuses attaques, avec 370 agences dénombrées, selon leur fédération. Depuis quelques jours, les estimations sur le chiffrage total des dégâts fleurissent de toute part. Le Medef a évoqué le chiffre d'un milliard d'euros, tout en expliquant qu'il était trop tôt pour évoquer un montant « précis ».
De leur côté, les assurances ont estimé les coûts des premiers dégâts à 280 millions d'euros. Selon Florence Lustman, présidente de France Assureurs, qui s'est exprimée sur France Info lundi, « à date », 5.800 sinistres ont été déclarés. Du côté de Bercy, l'entourage de Bruno Le Maire n'a pas avancé de chiffrage : « C'est trop tôt pour les estimations ».
Les économistes n'ont, pour l'instant, pas avancé d'impact précis sur le produit intérieur brut (PIB) ou l'activité. « L'effet des émeutes sur l'économie ne devrait pas être énorme », a estimé l'économiste responsable de la Recherche macro chez Natixis, Jean-François Robin, lors d'une récente réunion avec des journalistes. « Le coût est plutôt réputationnel sur le tourisme ou les Jeux olympiques », a-t-il ajouté.
A l'étranger, le gouvernement redoute que l'image de la France se dégrade, alors que les touristes commençaient à revenir en nombre dans l'Hexagone depuis la fin du Covid. Le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, a d'ailleurs donné un entretien à la chaîne américaine CNN, mardi soir. Objectif affiché, tenter de rassurer les touristes outre-Atlantique.
Pas de nouveau « quoi qu'il en coûte »
Après avoir dépensé des milliards d'euros pour faire face aux ravages de la pandémie et de la crise énergétique, le gouvernement veut à tout prix éviter l'option du « quoi qu'il en coûte ».
« Les propositions devront éviter deux écueils. Le premier serait de considérer que les émeutes seraient un appel à plus de dépense publique dans les quartiers. Je crois les citoyens ne les comprendraient pas. Ces mesures seraient ni justes, ni efficaces », a déclaré Olivier Véran ce mercredi.
Sans surprise, le gouvernement veut poursuivre sa politique de réduction de la dépense publique, comme il l'a exposée lors des récentes assises des finances publiques. « Il ne faut pas juste rénover les bâtiments et les MJC », assure toutefois l'économiste de Natixis, Jean-François Robin. « Il va forcément falloir faire un vrai plan banlieue » , ajoute-t-il. Une option pour l'instant écartée par l'Elysée.
Un guichet unique dans toutes les préfectures
Face aux difficultés des entreprises et des collectivités, l'exécutif a annoncé la présence d'un guichet unique dans chaque préfecture. En outre, les dirigeants pourront bénéficier d'une annulation des charges.
« A titre exceptionnel, pour les commerçants les plus touchés et en grande difficulté, ils pourront bénéficier au cas par cas d'une annulation des cotisations sociales et des prélèvements fiscaux », a indiqué Bercy.
En clair, les organismes de recouvrement, comme les Urssaf, vont devoir évaluer les marges de manœuvre financières de chaque entreprise et leur capacité à régler leurs échéances. Du côté des collectivités, il est encore difficile d'avoir un bilan exhaustif des dégâts. « A ce stade, plus de 500 communes ont connu des scènes d'émeutes », a précisé Olivier Véran.
La planification écologique reléguée
Depuis le début des émeutes, le gouvernement a surtout mis l'accent sur les mesures régaliennes dans l'espace public, ainsi que le numérique. Emmanuel Macron tente de temporiser avant de faire potentiellement d'autres annonces. Lors du compte-rendu du Conseil des ministres, aucune piste de réflexion sur la doctrine du maintien de l'ordre ou la relation troublée entre la police et les banlieues n'a été évoquée.
Parmi les autres urgences à régler, le chef de l'Etat devait présenter ce mercredi les grandes pistes de la planification écologique, orchestrée par le secrétaire en charge de ce dossier brûlant, Antoine Pellion, depuis un an. Mais le chaos des derniers jours a complètement chamboulé l'agenda de l'exécutif. Interrogé par La Tribune, l'entourage du chef de l'Etat n'a, pour l'instant, pas apporté de nouvelle date sur cette feuille de route. Une réunion au palais de l'Elysée a bien eu lieu en fin de matinée. Aucune annonce officielle n'était toutefois prévue, au grand regret de plusieurs conseillers. Le bilan des 100 jours à l'aube du 14 juillet pourrait s'avérer plus sombre qu'anticipé.