Couper les réseaux sociaux : « Ce n'est absolument pas sur la table », rétropédale la majorité

Face aux maires des 220 communes touchées par les émeutes, le chef de l'Etat a déclaré envisager de « réguler ou couper » l'accès aux réseaux sociaux lors de situations de crise. Une solution extrême, uniquement appliquée dans le monde par des régimes autoritaires... Embarrassée voire consternée, la majorité présidentielle affirme que cette option n'est « absolument pas sur la table ». D'après le député Renaissance Eric Bothorel et le cabinet du ministre du numérique Jean-Noël Barrot, le Président a juste voulu « ouvrir le débat sur la limitation de certaines fonctionnalités des réseaux sociaux ».
Sylvain Rolland
(Crédits : STEPHANIE LECOCQ)

Le Président aurait-il dû tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de s'exprimer ?  Emmanuel Macron a déclaré, devant les 220 maires dont les communes ont été touchées par les émeutes, envisager de « réguler ou couper » l'accès aux réseaux sociaux à l'avenir dans des situations similaires. « Nous avons besoin d'avoir une réflexion sur l'usage des réseaux sociaux chez les plus jeunes. [...] Sur les interdictions que l'on doit mettre. [...] Et quand les choses s'emballent, il faut peut-être se mettre en situation de les réguler ou de les couper », a ainsi affirmé le chef de l'Etat. Mais sa propre majorité le désavoue.

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« Ce n'est pas une option qui est sur la table », rectifie le député Eric Bothorel, élu (Renaissance) des Côtes d'Armor, à La Tribune. Sur Twitter, ce spécialiste du numérique, qui avait été envisagé pour le poste de ministre du Numérique en 2022, s'était immédiatement insurgé de la proposition d'Emmanuel Macron, refusant d'abord de croire que l'information était correcte, puis estimant que couper les réseaux sociaux serait « une erreur ». Ce serait « renoncer à l'idée que la démocratie soit plus forte que les outils qu'on détourne contre elle », indique-t-il.

D'autres sources de La Tribune, à Bercy ou proches du pouvoir, rétropédalent également. « Macron a bien dit ça devant les maires, mais je peux vous certifier que ce n'est absolument pas envisagé », confirme un proche du pouvoir. Du côté de Bercy, on tente un délicat jeu d'équilibriste. « Le Président s'est réjouit de ne pas en être arrivé à ces mesures radicales et ce n'est pas quelque chose qu'on souhaite faire à l'avenir », répond le cabinet du ministre délégué à la Transition numérique, Jean-Noël Barrot.

Une mesure prisée des pays autoritaires

Si la proposition ne passe pas, c'est parce que couper l'accès aux réseaux sociaux est une mesure extrême que seuls des Etats autoritaires ont déjà mis en place par le passé, à l'image de la Chine lors des émeutes de Hong-Kong. L'accès à l'information est un droit fondamental. Brider cet accès est un outil de censure et de contrôle social, par ailleurs interdit par le droit international.

La France a même soutenu, en 2016, une résolution du Conseil des droits de l'homme qui « condamne sans équivoque les mesures qui visent à empêcher ou à perturber délibérément l'accès à l'information ou la diffusion d'informations en ligne, en violation du droit international des droits de l'homme, et invite tous les États à s'abstenir de telles pratiques et à les faire cesser ».

D'où le tollé provoqué par Emmanuel Macron dans l'opposition de gauche, mais aussi dans les rangs de la Macronie. « Je suis consterné par le choix des mots », déclare, sous couvert d'anonymat, un élu de la majorité présidentielle :

« C'est purement démagogique, voilà. C'est des choses qui participent à une surenchère sécuritaire et que l'extrême-droite pourrait dire, mais ça vient du Président... Envisager de bloquer l'accès à l'information, même dans un contexte exceptionnel et avec les meilleures intentions, ce n'est pas démocratique. Point final. Il ne faut pas aller sur ce terrain-là », soupire-t-il, visiblement agacé.

Une « expression malheureuse » de Macron ?

Embarrassée, la Macronie tente de relativiser les propos de son chef. « Le Président a dit qu'il ne faut rien exclure par principe, cela ne veut pas dire qu'il veut le faire », nuance un participant à la réunion des maires. « Il faut se laisser une porte ouverte si c'est trop compliqué pour les plateformes de modérer, mais ce n'est pas parce que c'est techniquement envisageable que c'est souhaitable », ajoute le cabinet de Jean-Noël Barrot.

De son côté, Eric Bothorel a joint l'Elysée ce mercredi matin pour obtenir des éclaircissements. « Il semblerait que l'expression ait été malheureuse. Dans la tête du Président il n'a jamais été question de bloquer les réseaux sociaux. On va s'en tenir au travail de Jean-Noël Barrot, dans le cadre de la loi Numérique, qui a proposé de créer un groupe transpartisan pour débattre des enjeux autour des suppressions de contenus », explique-t-il.

Pour le député, le mot « couper » faisait plutôt référence à la limitation de certaines fonctionnalités des réseaux sociaux pendant des émeutes. A l'image de la Snap Map, une carte interactive et en temps réel de l'activité sur Snapchat, qui a pu être utilisée par les émeutiers pour s'organiser. De plus, « même les pays autoritaires s'aperçoivent que couper l'accès aux réseaux sociaux est inefficace », poursuit-il. Et de prendre l'exemple de Hong-Kong, où des messageries alternatives nées de la révolte et fonctionnant uniquement avec le Wi-Fi, avaient réussi à contourner le contrôle chinois.

Quoi qu'il s'en soit, entre ces propos polémiques et la dénonciation d'un autre temps de l'influence des jeux vidéo sur les émeutes, les sorties populistes d'Emmanuel Macron sur l'aspect numérique des émeutes contrastent fortement avec l'expertise dont il fait habituellement preuve sur le sujet.

Sylvain Rolland

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Commentaires 16
à écrit le 06/07/2023 à 7:24
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"Une solution extrême, uniquement appliquée dans le monde par des régimes autoritaires..." "Hé les gars j'ai eu une nouvelle idée ! Elle est géniale vous allez l'adorer !" LOL

à écrit le 05/07/2023 à 20:22
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Jupiter la du recevoir un coup de fil de ces potes d outre atlantique.. genre "touche pas au Grisbi"

à écrit le 05/07/2023 à 17:56
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Il faut que les services de l'armée détournent les videos qui trahissent les mensonges de nos force de l'ordre sinon on ne s'en sortira pas ! Quand il n'y a pas d'image, pas de problème, la parole d'un policier est d'or ! C'est la vérité révélée ! q...

à écrit le 05/07/2023 à 17:01
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Le problème c’est que les messageries qui vous permettent de notifier plus de 100 personnes ce n’est plus un outils social puisque rarement on connaît autant de personnes personnellement mais plutôt un outil de propagande donc limitons le nombre de ...

à écrit le 05/07/2023 à 16:56
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on arrive au point de non retour, ils ont cassé les bâtiments public, brulé les commissariats, attaqué des prisons . les étapes au dessus c'est la révolutions, le chaos et l'anarchie . La police est désarmées . le mort de 27 ans à Marseille va aug...

le 05/07/2023 à 17:17
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Vous avez tout à fait raison.

le 06/07/2023 à 9:40
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"La police est désarmées " Ok faudra que tu le dises à la maman du jeun de 17 ans... non seulement ils sont armés mais j'ai appris en plus qu'ils avaient des balles perforantes tant qu'à faire ! Au secours.

à écrit le 05/07/2023 à 16:31
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Comme d’habitude le en même temps une technique pour ne rien faire , heureusement que dans les entreprises on prend des décisions

à écrit le 05/07/2023 à 15:34
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Non seulement il n'y a plus de pilote dans l'avion mais l'équipage est dingue.

le 05/07/2023 à 17:20
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Le plus grave est que ça fait plusieurs années qu'il n'y a plus de pilote dans l'avion.

à écrit le 05/07/2023 à 15:17
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Il n'y a eu ni couvre-feu ni état d'urgence ni loi martiale malgré les faits très graves qui se sont produits depuis 5 jours. Macron a laissé faire sciemment pour après venir nous faire les poches pour ses amis constructeurs

à écrit le 05/07/2023 à 14:44
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Ridicule encore une fois, c'est techniquement pas possible, même si bloquer les ip pour des ados illetres à ne pas stigmatiser ça risque de marcher quand même...peut être qu'il faudrait relire pourquoi internet a été créé..

le 05/07/2023 à 20:20
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Cree par les services de recherche du Pentagone pour l US air force .. Que des anges aussi de l autre coté de l atlantique Mais le truc leur a glisser des mains j ai l impression

à écrit le 05/07/2023 à 14:26
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Oui je confirme, la majorité s'est ridiculisée sur la scène internationale, puisque ses premières entre-lignes non mesurées ont déjà fait le tour du monde. Il faut dire qu'après la suppression des accès aux sites sur l'information internationale (Rus...

à écrit le 05/07/2023 à 13:55
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Nous sommes les premiers à donner des leçons au reste du monde quand il s'agit des droits et des libertés, mais nous sommes particulièrement excellents, depuis plusieurs années, et ça s'est amplifié avec l'élection de M. Macron, quand il s'agit de re...

à écrit le 05/07/2023 à 13:24
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On nous parle d'une "majorité" pour nous convaincre que les français sont derrière eux, mais il y a comme un doute et pas de solution !;-)

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