Emplois d'avenir et contrats d'insertion : un bilan contrasté

Le nombre de contrats aidés avait déjà commencé à baisser l'année dernière, avec 402.500 personnes sous contrat fin 2016 contre 439.600 fin 2015, selon une étude du ministère du Travail publiée ce mardi. Le manque de formation suivie par les bénéficiaires, souvent peu qualifiés, peut constituer une véritables limite de ce dispositif censé favoriser l'insertion professionnelle à long terme.
Grégoire Normand
Les contrats uniques d’insertion (CUI) et les emplois d’avenir sont des contrats particuliers, gérés et subventionnés par l’État, qui ont pour objectif de favoriser l’embauche et l’accompagnement dans l’emploi rappelle le ministère.
Les contrats uniques d’insertion (CUI) et les emplois d’avenir sont "des contrats particuliers, gérés et subventionnés par l’État, qui ont pour objectif de favoriser l’embauche et l’accompagnement dans l’emploi" rappelle le ministère. (Crédits : (c) Copyright Thomson Reuters 2013. Check for restrictions at: http://about.reuters.com/fulllegal.asp)

Le débat sur les emplois d'avenir risque d'être relancé. La ministre du Travail Muriel Pénicaud avait clairement critiqué ces types de contrat dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale au début du mois d'août dernier.

"Les études de la Dares, l'OCDE, comme celles de la Cour des comptes, montrent trois choses. Premièrement, les contrats aidés sont extrêmement coûteux pour la nation. Deuxièmement, ils ne sont pas efficaces dans la lutte contre le chômage. Troisièmement, ils ne sont pas un tremplin pour l'insertion professionnelle."

Alors que le gouvernement ne cesse de remettre en cause l'efficacité des emplois d'avenir et des emplois aidés pour enrayer le chômage chez les jeunes, le service de statistiques du ministère du Travail vient de publier un bilan plus nuancé de ces dispositifs pour l'année 2016.

Une baisse du nombre de bénéficiaires

A la fin de l'année 2016, les contrats aidés ont bénéficié à 402.500 personnes, soit une une baisse de 8% par rapport à 2015. Cette diminution est particulièrement visible dans le secteur marchand. Le nombre de bénéficiaires est en baisse de 26,8 % par rapport à 2015. Pour le secteur non-marchand, la baisse est plus modérée (-3%). Le nombre de bénéficiaires est passé de 347.000 à 341.000.

 en milliers.

Selon les experts, la hausse des bénéficiaires de CUI-CAE (*) a compensé en partie la baisse des effectifs en emploi d'avenir (-21,5 %).

"Cette baisse est due à des recrutements moins nombreux et à l'arrivée à terme des premiers contrats arrivant à 3 ans, durée préconisée pour les jeunes entrants en emploi d'avenir."

Les effectifs de contrats aidés devraient baisser drastiquement fin 2017 et au-delà, le gouvernement d'Edouard Philippe ayant réduit les prescriptions à 310.000 nouveaux contrats cette année, puis 200.000 en 2018. Le gouvernement compte créer un nouveau type de contrat aidé, avec "plus d'accompagnement et plus de formation", sur la base d'un rapport qui sera rendu en fin d'année.

Un bilan nuancé sur l'emploi

Au niveau des conséquences sur l'emploi, les conclusions de l'auteur de l'étude de tous ces dispositifs sont bien plus prudentes que celles de Muriel Pénicaud. Pour la Dares, "l'augmentation du nombre de bénéficiaires permet, à court terme, des créations nettes d'emploi et une baisse du nombre de demandeurs d'emploi." Par ailleurs, l'organisme public affirme "qu'une part plus ou moins importante des embauches n'aurait pas eu lieu sans l'aide de l'État". Evidemment, les conséquences de ce type de contrat sur l'emploi varie en fonction de plusieurs facteurs.

"L'estimation de ces effets théoriques sur l'emploi repose sur le lien entre l'emploi et le coût du travail. [..] Les effets sur l'emploi d'un contrat aidé sont d'autant plus élevés que la baisse du coût du travail induite par les aides est importante. L'ampleur de ces effets dépend également des spécificités des contrats et des contraintes qui leur sont éventuellement associées en matière de formation".

Mais dans une approche à court terme, l'auteur du document souligne que "la diminution du nombre de bénéficiaires de CUI et d'emplois d'avenir aurait engendré 11.000 suppressions d'emploi et augmenté le nombre de demandeurs d'emploi de 4.000 en 2016". Avec le projet du gouvernement de diminuer les emplois d'avenir, la liste des demandeurs d'emploi à s'inscrire à Pôle emploi devrait mécaniquement s'allonger.

A titre de comparaison, l'augmentation du nombre de contrats aidés et d'emplois d'avenir en 2015 auraient entraîné la création de 17.000 postes et la baisse du nombre de demandeurs d'emploi de 14.000.

Des taux d'insertion variables selon les secteurs

Les conséquences de ces contrats sur l'insertion professionnelle des bénéficiaires peuvent être favorables. "En 2016, 43 % des personnes sorties d'un CUI-CAE et 66 % des personnes sorties d'un CUI-CIE sont en emploi six mois après la fin de l'aide." Dans le secteur non marchand, ce taux d'insertion est en hausse par rapport à 2015 (+3 points). Le taux d'insertion dans l'emploi durable est également plus élevé (+2 points). A l'inverse, le taux d'insertion est moins favorable dans le secteur marchand. "Les taux d'insertion dans l'emploi et dans l'emploi durable baissent respectivement de 2 points et 3 points."

Des formations encore minoritaires

La formation peut être un levier majeur d'insertion professionnelle des personnes en contrats aidés ou en emploi aidé. L'un des objectifs des contrats d'insertion est de proposer des formations et fait même partie des engagements de l'employeur, rappelle le ministère.

"lls (Les engagements de l'employeur, Ndlr.) doivent comprendre des actions de formation, réalisées prioritairement pendant le temps de travail, ou en dehors de celui-ci, qui concourent à l'acquisition de cette qualification ou de ces compétences et les moyens à mobiliser pour y parvenir.[...] Ces actions de formation privilégient l'acquisition de compétences de base et de compétences transférables permettant au bénéficiaire de l'emploi d'avenir d'accéder à un niveau de qualification supérieur."

Les personnes sans diplôme ou qui ont été jusqu'au niveau BEP-CAP représentent 44,1% du total des emplois d'avenir dans le secteur marchand selon les derniers chiffres de la Dares. Mais cet objectif de formation semble loin d'être rempli. Si la volonté de former les bénéficiaires de ces contrats "est généralisée" dans l'ensemble des secteurs,  ces intentions ne sont pas forcément suivies d'actions concrètes.

"Toutes les intentions de formation déclarées ne sont pas forcément réalisées par la suite. Ainsi, seulement 48% des personnes sorties d'un CUI-CAE et 24% de celles sorties d'un CUI-CIE ont été formées pendant leur contrat aidé."

Pourtant, 86% des recrutements ont concerné des chômeurs de longue durée, des seniors, des bénéficiaires de minima sociaux ou des jeunes peu qualifiés. Sur le plan de la formation, le bilan pour l'année 2016 est donc mitigé.

Les zone prioritaires visées

Les régions frappées par des taux de chômage élevés sont particulièrement visées par tous ces dispositifs. Pus le taux de chômage de la région est élevé, plus le nombre de contrats aidés pour 1.000 habitants est grand selon les résultats obtenus par le ministère.

"Les Hauts-de-France ont le taux de chômage le plus important, à hauteur de 12,1% et le plus grand nombre de contrats aidés pour 1.000 habitants, alors que le plus bas taux de chômage se trouve en Pays de la Loire, à hauteur de 8,4%, où la proportion de contrats aidés est également la plus faible."

Par ailleurs, la part des zones prioritaires parmi les recrutements est de 33% en 2016, soit 1,6% de plus qu'en 2016. "Cela est principalement dû à l'extension des recrutements en CUI-CIE aux départements d'outre-mer. En 2016, 10 % des CUI-CIE ont été signés dans les DOM." Cette hausse est également marquée dans les quartiers classés comme prioritaires. La part des personnes issues de ces zones géographiques est 12,6% à 15,6% dans le secteur marchand. Dans le secteur non marchand, la part des personnes vivant dans une zone prioritaire parmi les nouveaux bénéficiaires diminue de 0,9 point et atteint 33%.

Le tertiaire en avant

Les services sont prédominants dans les embauches des contrats aidés des secteurs marchand et non marchand. Dans le secteur marchand, les principaux métiers exercés se trouvent dans le commerce et l'hôtellerie.

"Dans le secteur non marchand, les catégories de métiers les plus présentes sont les services à la personne et le support à l'entreprise. 44% des recrutements se font par des associations ou fondations."

 > Lire aussi : Baisse des contrats aidés : cinq points pour comprendre la problématique

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(*)Le contrat unique d'insertion (CUI) associe formation et/ou accompagnement professionnel pour son bénéficiaire et aide financière pour l'employeur. Il vise à faciliter l'embauche des personnes ayant des difficultés à trouver un emploi. Le contrat d'accompagnement dans l'emploi (CUI-CAE) s'adresse au secteur non marchand. Le contrat initiative emploi (CUI-CIE) concerne le secteur marchand.

Grégoire Normand
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