Érosion du littoral : pourquoi le recul du trait de côte est un sujet délicat pour le gouvernement

Au coeur de la promesse du président-candidat Macron de « planification écologique », le gouvernement vient de présenter celle pensée pour la mer et les littoraux. Le secrétaire d'Etat Hervé Berville va piloter une concertation d'ici à l'été 2023. Parmi les sujets sur la table, le recul du trait de côte, pour lequel une solution - et surtout un consensus - doit être trouvée pour la loi de finances 2024. Explications.
César Armand
(Crédits : Regis Duvignau)

C'était il y a près de six mois. A la veille de la présentation du gouvernement Borne par le secrétaire général de l'Elysée, l'association des maires de France (AMF) et l'association nationale des élus du littoral (ANEL) annonçaient avoir saisi le Conseil d'Etat afin de « garantir la sécurité juridique [...] et l'accompagnement des maires ». En cause : une ordonnance du 6 avril 2022 relative à l'aménagement durable des territoires littoraux exposés au recul du trait de côte facilitant la relocalisation progressive de l'habitat et des activités affectées par l'érosion. Suivie le 30 avril d'une liste publiée au Journal officiel d'une liste de 126 communes dont « l'action en matière d'urbanisme et la politique d'aménagement doivent être adaptées aux politiques hydrosédimentaires entraînant l'érosion du littoral ».

Sauf que c'est aux communes concernées d'établir « un plan de prévention des risques littoraux » ainsi qu'une « carte locale d'exposition de leur territoire au recul du trait de côte ». Pour les associations plaignantes, les élus locaux ont été consultés « à la hâte et sans véritable information sur le diagnostic de leur exposition à l'érosion littorale, ni sur les servitudes d'inconstructibilité auxquelles elles seront soumises, ni sur le financement futur des mesures ». « L'ordonnance opère un transfert de charges masqué de l'Etat vers les communes, sans les ressources financières dédiées, alors que l'impact financier de l'érosion du littoral est estimé à plusieurs dizaines de milliards d'euros », assènent-elles encore.

50 parcs éoliens offshore d'ici à 2050

La plus haute juridiction administrative française n'a pas encore rendu son avis, mais le gouvernement vient de relancer, ce 5 décembre, le Conseil national de la mer et des littoraux (CNML). Comprenant 52 membres, il comprend 26 élus locaux, 5 représentants d'établissements publics, 6 représentants d'entreprises, 5 syndicalistes, 7 membres d'associations de fondations et 3 personnalités qualifiées, le CNML est associé à l'élaboration, à la mise en œuvre, au suivi et à l'évaluation de la Stratégie nationale pour la mer et le littoral « document de référence pour la protection du milieu, la valorisation des ressources marines et la gestion intégrée et concertée des activités liées à la mer et au littoral », décrit le gouvernement sur son site Internet.

Une stratégie qui rime désormais avec la « planification écologique » voulue par le chef de l'Etat Emmanuel Macron et pilotée par la Première ministre Elisabeth Borne. Conformément à la promesse du président-candidat de déployer 50 parcs éoliens offshore d'ici à 2050, le secrétaire d'Etat chargé de la Mer, Hervé Berville, vient de réunir le Conseil national de la mer et des littoraux à l'hôtel de Ségur.

D'ici à l'été 2023, l'ex-député (LREM) des Côtes d'Armor va mener une concertation informelle, façade par façade, avec les acteurs publics et privés concernés, sur la planification maritime. Il s'agit d'évoquer, pêle-mêle, la protection des océans et de la biodiversité, les enjeux de transport maritime, les enjeux économiques et touristiques, ainsi que les enjeux énergétiques en mer et sur la partie littorale.

« Nous allons reprendre tous ces enjeux et voir comment accélérer, mais aussi regarder les points de blocage en associant les élus locaux concernés, les professionnels, les associations de protection de l'environnement, les partenaires sociaux et les personnalités qualifiées pour assurer la cohabitation des usages », explique le cabinet d'Hervé Berville.

Un groupe de travail spécifique au recul du trait de côte

En partenariat avec la Commission nationale du débat public (CNDP), le Conseil national de la mer et des littoraux se déclinera en groupes thématiques et en ateliers territoriaux « ouverts au plus grand nombre », poursuit l'équipe du secrétaire d'Etat à la Mer. Interrogé par La Tribune, ce dernier confirme que le recul du trait de côte est « complètement intégré » à la démarche, même si le sujet du littoral relève, spécifiquement, de la secrétaire d'Etat chargée de l'Ecologie, Bérangère Couillard.

« Un groupe de travail spécifique est justement prévu avec les élus locaux pour quantifier les besoins, apporter des financements et définir un calendrier », dit encore le cabinet d'Hervé Berville.

Une solution doit être trouvée pour le budget 2024

D'autant qu'un Comité interministériel de la mer (CIMer) est également prévu en mai-juin prochain sous la présidence de la locataire de Matignon sur cette question précise. Dans l'intervalle, l'association nationale des élus du littoral (ANEL) continuera de faire pression sur l'exécutif, d'autant qu'ils sont censés trouver une solution ensemble pour le budget 2024.

« Soit nous serons paralysés par la multiplication des contentieux car les enjeux sont importants pour les propriétaires [des terrains exposés, Ndlr] ; soit les collectivités seront paralysées par le manque de moyens du fait de l'absence de solidarité nationale », s'impatiente le président de l'ANEL.

« Il y a transfert de charges et de compétences, mais pas de transferts de moyens », assène encore le maire (LR) des Sables-d'Olonne (Vendée).

Comme l'an dernier, la députée (Renaissance) de Gironde a tenté de faire voter, dans le budget 2023, une taxe de 0,01% sur les transactions immobilières pour verser, selon elle, près de 35 millions d'euros, chaque année, aux communes concernées par l'érosion du littoral. Passé contre l'avis du gouvernement en séance publique, l'amendement n'a, en revanche, pas été retenu lors de l'adoption de la loi de finances par 49-3.

César Armand
Commentaires 10
à écrit le 07/12/2022 à 8:19
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Déjà quand j'étais enfant dans les années 50, il se disait qu'une ligne de maisons le long de la côte sableuse (sud de la Loire) avait disparu suite à l'érosion

à écrit le 06/12/2022 à 20:32
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Le déplacement du trait de côté va conduire à des soucis inattendus routes coupees cimetières à déplacer, deltas effacés, ligne de train à déplacer aucun travaux ne peut résoudre le problème. Construire des digues comme au pays bas n est pas une s...

à écrit le 06/12/2022 à 19:24
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La france disparaît environnementallement,cultuellement, culturellement etc

à écrit le 06/12/2022 à 14:32
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La mer monte inexorablement et va détruire le littoral tel que nous le connaissons. C'est écrit dans les prévisions des scientifiques, et ça ne peut donc qu'arriver. Mais alors, pourquoi ce rush vers les maisons au bord de la mer, qui n'ont jamais ...

à écrit le 06/12/2022 à 11:45
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Un remblai pour la lgv bordeaux-dax/toulouse est plus urgent que les diques protectives vers la cote de les Landes.

à écrit le 06/12/2022 à 11:02
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Quelle chance fabuleuse les francais ont d'avoir un type comme le poudre qui peut quand il le decide d'influer sur les forces de la nature. Longue vie au monarque.

à écrit le 06/12/2022 à 9:42
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Le niveau de la mer monte depuis 20000 ans quelque soit les mesurettes.. Pour mémoire l'entrée de la grotte Cosquer (Cassis) ou des gens sont passés est désormais sous 36 mètres de flotte. Arrêtons le déni, quant aux nombreuses maisons secondaires do...

à écrit le 05/12/2022 à 21:26
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Faut-il vraiment se sentir concerné par ce "sujet délicat" ? Je connais des tas de gens qui n’embêtent personne ; qui, à 100 mètres d’altitude, ne vivent pas les pieds dans l’eau et qui n’ont jamais particulièrement recherché le soleil comme les tou...

le 06/12/2022 à 8:48
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Tout a fait. le changement climatique est un theme connu depuis au moins 10 ans. SI vous achetez un terrain ou une maison au bord de l eau, c est votre choix et votre probleme quand l eau sera dans votre salon ! pourquoi le contribuable du massif cen...

à écrit le 05/12/2022 à 17:21
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On se rappellera que les communes gèrent l’EROSION, et que l’état couvre les risques de SUBMERSION.. Une fois que l’on a compris cela...

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