Fraudes aux finances publiques : derrière les montants record, des recouvrements minimes

Le Premier ministre Gabriel Attal a vanté un montant record de fraudes fiscales de 15 milliards d'euros détectés et des redressements d'entreprises au sommet. Derrière ce bilan, les sommes effectivement recouvrées demeurent limitées au regard des montants.
Grégoire Normand
Thomas Cazenave et Gabriel Attal lors de la présentation du bilan du plan de lutte contre les fraudes à Bercy ce mercredi 20 mars.
Thomas Cazenave et Gabriel Attal lors de la présentation du bilan du plan de lutte contre les fraudes à Bercy ce mercredi 20 mars. (Crédits : Reuters)

Le gouvernement veut montrer qu'il sort les gros bras sur la traque aux fraudeurs. Réunis à Bercy ce mercredi 20 mars devant un parterre de journalistes et de fonctionnaires, le chef du gouvernement Gabriel Attal et le ministre des Comptes publics Thomas Cazenave ont dressé le bilan du plan de lutte contre les fraudes aux finances publiques. « La lutte contre la fraude est une question d'ordre, de sécurité et de souveraineté. La fraude est un poison lent. Il est nécessaire d'appliquer un traitement de choc », a déclaré Gabriel Attal sur un ton ferme.

En pleine réforme des retraites, l'ancien ministre du Budget avait déroulé lors d'une vaste opération de communication son plan de bataille pour diminuer ce fléau. A l'époque, Gabriel Attal avait accordé quatre entretiens à des chaînes de télévision et de radio en une journée. L'exécutif tentait de faire oublier la séquence chaotique des retraites. Initialement prévue ce mardi 19 mars, la présentation de ce bilan a été décalée au lendemain d'un déplacement surprise d'Emmanuel Macron à Marseille sur le trafic de drogues.

« Présente à cette conférence de presse, je suis atterrée
par un tel niveau d'autosatisfaction, alors que le plan fraudes et sa mise en œuvre ne sont absolument pas à la hauteur de l'enjeu », a immédiatement réagi Charlotte Leduc, députée La France insoumise (LFI), auteure d'un rapport sur la fraude fiscale dévoilée à l'automne.

Record de fraudes détectées et de redressements...

Dans son allocution, le Premier ministre a dressé un bilan flatteur de la politique anti-fraude mise en oeuvre en 2023. « Il y a un an, j'avais présenté un plan de lutte contre les fraudes avec plus de moyens pour plus de résultats. Les engagements pris ont été tenus, et les résultats sont là », a affirmé Gabriel Attal. Le locataire de Matignon a notamment mis l'accent sur les 15 milliards d'euros de fraudes fiscales mis en recouvrement et la hausse des contrôles fiscaux (+25%).

Quant aux perquisitions fiscales, elles auraient augmenté de 30%. S'agissant de la fraude sociale, il a évoqué un montant record de 2 milliards d'euros détectés « grâce à deux records ». « La détection et le recouvrement de la fraude aux prestations a dépassé le milliard et la fraude aux cotisations a, elle aussi, dépassé le milliard d'euros».

...mais peu de détails sur les sommes effectivement recouvrées

Ces chiffres spectaculaires sont cependant à relativiser. En effet, les montants détectés ne signifient pas que les sommes sont effectivement recouvrées par les services de l'Etat. Lors de leur conférence de presse, les deux ministres ont notamment insisté sur la fraude aux cotisations sociales collectées par les Urssaf. Les sommes effectivement détectées ont atteint « un sommet » comme l'ont rappelé il y a une semaine la direction générale de l'Urssaf et Thomas Cazenave. « Le bilan de la lutte contre le travail dissimulé en 2023 est historique », a déclaré Thomas Cazenave.

Les redressements ont atteint 1,2 milliard d'euros en 2023, « c'est 50% de plus par rapport à 2022 ». Mais les sommes recouvrées sont bien moindres, « autour de 80 millions d'euros ». Le montant recouvré ne représente que 8% des sommes détectées par les Urssaf. « L'enjeu pour nous est de mieux recouvrer les sommes dues », avait expliqué le ministre des Comptes publics. Lors d'une réunion avec des journalistes, le ministre a notamment évoqué « des procédures qui sont utilisées pour éviter de payer les cotisations comme les liquidations. C'est un moyen de contourner ». Interrogé sur le montant des sommes recouvrées pour la fraude fiscale lors du point presse ce mercredi, le Premier ministre a botté en touche.

Dans le viseur du gouvernement, figure la transmission universelle du patrimoine qui serait également un moyen de contourner le paiement des cotisations. « La transmission universelle de patrimoine est un outil pour échapper aux obligations », a précisé Thomas Cazenave. Le gouvernement a prévu un décret pour serrer la vis sur ce type de pratique.

Lire aussiTravail au noir : record de redressements en 2023, l'Urssaf veut frapper encore plus fort

...et des annulations de pénalités « record »

Dans sa stratégie, l'exécutif a fortement insisté sur les dossiers les plus lourds. « Il s'agit d'être intraitable sur les gros schémas de fraude pour alléger la pression sur le petit contribuable », a affirmé Gabriel Attal. Le Premier ministre a annoncé sa feuille de route : « être intraitable sur les gros schémas de fraude pour alléger la pression sur le petit contribuable ».

Derrière cette ligne directrice, il existe des risques de passer à travers des fraudes plus complexes. Le syndicat solidaires Finances publiques avait mis en garde l'année dernière contre ce risque. « Ces mesures faussement justes laisseraient entendre que la fraude se concentre uniquement sur les gros patrimoines et chiffres d'affaires ». L'organisation recommande de « conserver un contrôle fiscal sur tout le territoire, de tous types de contribuables et de ne pas créer de zones blanches propices au développement des schémas de fraude ».

La Cour des comptes critique le plan du gouvernement

Lors de la présentation à Bercy, Gabriel Attal a également défendu que ces résultats étaient le fruit « d'un renforcement des moyens humains et techniques ».« Je m'étais engagé à renforcer les moyens humains : 281 agents ont été recrutés l'an dernier, et 350 supplémentaires le seront en 2024 ». Dans un rapport dévoilé en novembre dernier, la Cour des comptes avait pourtant souligné que les effectifs annoncés par Gabriel Attal au printemps étaient loin de compenser les coupes dans les effectifs de contrôles sur les dix dernières années. « Les ministres continuent à mentir sur les effectifs dédiés au contrôle fiscal. Ils affirment que ces effectifs augmentent. Pourtant la DGFiP m'a confirmé à l'automne 2023 que 200 postes allaient encore être supprimés au cours de l'année 2024 », a précisé Charlotte Le Duc.

Bercy a certes augmenté les investissements dans les outils numériques pour améliorer la détection des fraudes. Cette stratégie a permis des gains d'efficacité. « Il reste cependant impossible d'estimer, fût-ce approximativement, quelle proportion de la fraude réelle cette stratégie technologique permet de détecter », pointe la Cour des Comptes. Le gouvernement attend les conclusions du comité d'évaluation des fraudes prévues en juin. Une échéance décisive pour la lutte contre la fraude fiscale.

Lire aussiFraude fiscale : dans un rapport au vitriol, la Cour des comptes pointe les lacunes du plan de lutte du gouvernement

Grégoire Normand
Commentaires 8
à écrit le 21/03/2024 à 9:21
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C'est l4UERSS empire de la corruption prévu pour durer mille ans. Et c'est vachement long mille ans...

à écrit le 21/03/2024 à 9:11
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Qui fraude ? Les chefs d'entreprises qui votent Macron.

à écrit le 21/03/2024 à 5:14
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Il est nécessaire de sanctionner bien plus lourdement la fraude fiscale afin de dissuader les entreprises et les particuliers de s'y adonner. VOLER L'ARGENT PUBLIC doit être autant sinon plus puni que voler l'argent privé.

à écrit le 20/03/2024 à 23:20
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Fraude fiscales et sociales des entreprises et particuliers en France en 2023 selon la cour des compte 234 milliards.. un record en Europe on a dépassé les italiens… bref beaucoup se plaignent d être les plus taxes d Europe la réalité c est que tous...

le 21/03/2024 à 8:14
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On pourrait ajouter que dans les pays nordique, un politicien condamné pour corruption est interdit à vue de se représenter à une élection et à ce rythme, Jérôme Cahuzac est bien parti pour être à nouveau ministre...

à écrit le 20/03/2024 à 23:19
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Fraude fiscales et sociales des entreprises et particuliers en France en 2023 selon la cour des compte 234 milliards.. un record en Europe on a dépassé les italiens… bref beaucoup se plaignent d être les plus taxes d Europe la réalité c est que tous...

à écrit le 20/03/2024 à 19:32
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En matière de Finances Publiques, on en est toujours à: il fallait un calculateur, ce fut un baladin qui l'obtint.

le 21/03/2024 à 8:34
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La France est un pays latin et dans les pays latins, l'état doit généralement être dispendieux pour maintenir la paix civile car les milieux d'affaires y sont généralement arriérés et la mondialisation tend à favoriser les vieux rentiers au détriment...

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