Inflation : les recommandations de France Stratégie pour lutter contre la pauvreté

L'Hexagone compte actuellement 10 millions de pauvres, dont deux millions vivent dans l'extrême pauvreté. Face à la hausse galopante des prix, France Stratégie (institution rattachée à Matignon) plaide pour la réindexation des minima sociaux et des aides au logement sur le taux de l'inflation. Les experts recommandent également de relancer rapidement le chantier du revenu universel d'activité (RUA).
Grégoire Normand
Le taux de non recours au RSA en France s'élève à 34%.
Le taux de non recours au RSA en France s'élève à 34%. (Crédits : Reuters)

Flambée des prix de l'essence à la pompe, hausse continue des prix de l'alimentaire dans les supermarchés....les Français subissent de plein fouet les effets néfastes de l'inflation sur leur porte-monnaie. Pour la première fois depuis 2013, le pouvoir d'achat des ménages pourrait reculer de 1% en 2022, selon la dernière note de conjoncture de l'Insee. Alors que le gouvernement présente cette semaine son projet de loi sur le pouvoir d'achat en pleine canicule, le comité d'évaluation de la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté a tiré la sonnette d'alarme ce lundi 18 juillet.

« Il ne faut pas que les personnes vivant juste au-dessus du seuil de pauvreté retombent dans la pauvreté. Le nombre de personnes âgées en situation de pauvreté a augmenté de 25% entre 2018 et 2019 en raison de la sous-indexation », a prévenu Louis Schweitzer, président du comité d'évaluation de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté lors d'un point presse.

Indexation des minima sociaux et des aides au logement

Dans leur épais rapport de 190 pages dévoilé lundi, les chercheurs ont fait 24 recommandations à Matignon pour tenter de limiter la progression de la pauvreté. Sur ce total, les experts recommandent notamment d'indexer sur l'inflation les minima sociaux, les aides au logement (APL), les prestations familiales sous conditions de ressources. Cette indexation permettrait ainsi aux ménages du bas de la distribution d'amortir une partie de tous ces chocs qui s'accumulent depuis la pandémie. De son côté, l'exécutif a prévu des mesures temporaires, mais elles sont très loin de compenser l'inflation prévue par l'Insee à 5,5% cette année, surtout que la hausse des prix risque d'abord de se répercuter sur les ménages les plus pauvres, sans compter l'impact de la transition énergétique.

Dans le projet de loi présenté à l'Assemblée nationale, figurent quelques mesures comme les revalorisations anticipées de 4% des pensions de retraite et des prestations sociales, l'augmentation de 3,5% du traitement des agents publics, un chèque alimentaire sous conditions de ressources de 100 euros, auxquels s'ajouteront 50 euros par enfant. On y trouve également la prolongation de la remise carburant de 18 centimes et du bouclier tarifaire sur l'énergie, la suppression de la redevance audiovisuelle ou encore le triplement de la prime Macron (défiscalisée et exonérée de cotisations sociales).

« Je suis soulagé que certaines prestations soient revalorisées, mais ces revalorisations sont inférieures aux conséquences de cette inflation. Le panier des personnes en pauvreté est bien plus impacté que celui des autres catégories. Il y a un impact très fort sur le pouvoir d'achat des personnes en situation de pauvreté », a poursuivi Louis Schweitzer.

Lutter contre le non-recours

L'un des autres axes de bataille mis en avant est la lutte contre le non-recours aux prestations sociales en France. Bien que les études soient peu présentes sur ce sujet en France, de récents chiffres du service de statistiques du ministère de la Santé (Dress) et la Caisse nationale d'allocation familiale (CNAF) ont montré que le taux de non-recours au RSA s'élevait à 34% en 2018, soit 1,76 million de foyers. « Il y a plusieurs facteurs qui peuvent expliquer ce phénomène comme la fracture numérique, la gêne que ces démarches peuvent engendrer », souligne Louis Schweitzer.

Le comité suggère de maintenir une présence physique dans les services publics, l'automaticité des ouvertures de droits, le repérage des potentiels bénéficiaires grâce au data-mining. Lors de la campagne présidentielle, Emmanuel Macron a affirmé qu'il voulait lutter contre le non recours aux prestations sociales.

Déployer rapidement un revenu universel d'activité

Dans les cartons du gouvernement depuis juin 2019, le revenu universel d'activité (RUA) peine à émerger. Les multiples reports sont perçus comme « un recul » par France Stratégie. Les concertations sur ce dispositif, qui vise « à rendre le système plus lisible, plus juste et plus incitatif à la reprise d'activité, en regroupant ou en harmonisant le plus grand nombre possible de prestations », ont été suspendues au moment du premier confinement. France Stratégie considère que l'exécutif doit accélérer la publication d'un rapport qu'il lui a été remis et reprendre les concertations au plus vite.

10 millions de pauvres en France

Malgré un système de protection sociale parfois jugé « généreux » au regard d'autres pays étrangers, la France compte environ 10 millions de pauvres. Pour parvenir à ce chiffre, les experts prennent en compte les 9,2 millions de personnes qui vivent sous le seuil de pauvreté avec moins de 1.102 euros par mois et résidant dans un logement ordinaire, et aussi ceux vivant en collectivité, ou dans les Outre-Mer, les personnes sans domicile et les étudiants. Toutes ces dernières catégories passent souvent sous les radars dans le chiffrage global. Or, la situation dans certains territoires, ou pour certaines catégories, est parfois bien plus grave que la moyenne nationale.

Sur ces 10 millions de personnes, 2 millions vivent dans une situation de grande pauvreté. Cela signifie qu'elles vivent avec un revenu inférieur à 50% du revenu médian et sont parfois incapables de subvenir à certaines dépenses au quotidien pourtant indispensables. Pour rappel, le taux de pauvreté fixé à 60% du revenu médian s'élève à 14,6% de la population en France. Après avoir bondi en 2018 de 0,6 point et baissé en 2019 de 0,2 point, la pauvreté n'aurait pas augmenté en 2020 (dernier chiffre disponible) mais serait plus intense. « L'écart entre les revenus des pauvres et ceux des autres catégories aurait augmenté », précise Louis Schweitzer. Avec l'onde de choc de la guerre en Ukraine, cette situation pourrait encore empirer dans les mois à venir.

Grégoire Normand
Commentaires 7
à écrit le 19/07/2022 à 13:47
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France Stratégie ou la propagande macronique financée par nos impôts...

à écrit le 19/07/2022 à 7:30
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Il y a un souci car l'aide ne semble que pécuniaire. Dans ce contexte d'inflation, elle est nécessaire, mais il faut trouver a terme un moyen de rendre les gens plus indépendants. C'est une question de dignité, de diminution des charges sociales et d...

à écrit le 18/07/2022 à 19:44
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Visiblement, le gouvernement espère que les associations caritatives fairont le boulot a leur place! Car ils ne prennent que le dessus du panier, cela permet de mieux inverser le "ruissellement"!

à écrit le 18/07/2022 à 19:42
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Commencer par arrêter de faire venir des pauvres par cargos entiers en France, par exemple ?

le 19/07/2022 à 14:07
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….et donner des billets d’avion dans le sens nord-sud .

à écrit le 18/07/2022 à 19:42
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Visiblement, le gouvernement espère que les associations caritatives fairont le boulot a leur place! Car il ne prennent que le dessus du panier, cela permet de mieux inverser le "ruissellement"!

à écrit le 18/07/2022 à 19:23
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La politique des aides n’a pas résolu le problème de la pauvreté depuis plusde trente ans, ce qui choque en premier lieu c’est qu’il y a des emplois disponibles et qu’on ne trouve pas de salariés c’est un comble, il faut d’abord aider les volontaires...

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