L'onde de choc de l'inflation continue de se propager dans les rouages de l'économie. Deux ans jour pour jour après l'éclatement de la guerre en Ukraine, la croissance du produit intérieur brut (PIB) peine à retrouver de l'élan. Après une croissance de 0,9% en 2023, le rythme de l'activité tricolore devrait rester poussif au cours du premier semestre, entre 0,1% et 0,2% selon le dernier point de conjoncture de l'Insee.
Dans ce contexte troublé, les entreprises françaises continuent d'affronter une crise de la demande. « Le contexte macroéconomique, la conjoncture et la géopolitique n'entament pas la motivation des entrepreneurs. En revanche, l'inflation, le pouvoir d'achat et l'énergie affectent leur activité », estime Guillaume Pepy, président d'Initiative France, un réseau d'entrepreneurs implanté sur tout le territoire, qui s'exprimait lors d'un point presse ce mardi.
L'indice des prix a certes ralenti en 2023 sous l'effet de la hausse des taux d'intérêt, mais il demeure bien plus élevé que lors des deux décennies précédentes. En février, l'inflation est d'ailleurs repassée pour la première fois sous le seuil symbolique des 3%. Et celle-ci pèse sur le pouvoir d'achat des Français. Dans une note très détaillée récemment dévoilée, l'OFCE a, en outre, rappelé que le revenu issu des salaires a décroché dans la dynamique globale de pouvoir d'achat des Français. « Ce n'est pas le salaire qui explique le pouvoir d'achat, mais les créations d'emplois et les revenus du patrimoine », avait également expliqué l'économiste Mathieu Plane, lors d'une audition au Sénat.
Le pouvoir d'achat, premier facteur de la baisse d'activité chez les TPE
Or, interrogés sur les facteurs contribuant actuellement à miner leur activité, les entrepreneurs du réseau associatif citent, justement, en premier lieu, le pouvoir d'achat (49%). L'envolée des prix alimentaires et ceux de l'énergie a freiné les dépenses de consommation des Français les plus modestes en 2022 et 2024. Compte tenu du poids de ces deux postes dans leur budget, beaucoup ont dû faire des choix pour pouvoir boucler leur fin de mois. Cette poussée fièvre a particulièrement frappé les commerçants (60%). « L'inflation a embêté l'activité des commerces de proximité en 2023 », a rappelé Valérie Gonzales, entrepreneuse dans la friperie et l'épicerie installée dans Les Landes. « J'ai vu en 2023 le chiffre d'affaires descendre progressivement. Mais en même temps, j'ai vu une hausse phénoménale de l'activité colis », a-t-elle poursuivi.
Parmi les autres raisons évoquées par les entreprises, arrivent ensuite la hausse du coût des matières premières (39%) et la hausse du coût de l'énergie (34%). Là encore, la guerre en Ukraine a fait grimper les prix de nombreuses matières premières sur les marchés mondiaux. À cela se sont ajoutées les hausses des prix des énergies fossiles et celles des tarifs de l'électricité. Résultat, beaucoup d'entrepreneurs (39%) ont dû rogner sur leurs marges ou ont enregistré une baisse de leur chiffre d'affaires (35%). Et 63% des répondants ont répercuté totalement (12%) ou un peu (51%), la hausse des coûts des matières premières sur leurs prix.
L'incertitude pèse sur 2024
Croissance mondiale atone, élections européennes, guerre en Ukraine...les chefs d'entreprise interrogés sont plongés dans un épais brouillard. « Pour 2024, le mot clé est l'incertitude. Les entrepreneurs ne savent pas à quelle sauce ils vont être mangés », insiste Guillaume Pepy. Sur le total des personnes interrogées, un quart anticipe une situation économique dégradée de leur entreprise. 40% espèrent que cette situation financière va se stabiliser. Enfin, 36% pensent que leur activité sera meilleure cette année.
En dépit de ces incertitudes, 79% déclarent qu'ils ne prévoient pas de fermer leur entreprise. 14% ne savent pas. Et 7% envisagent de baisser le rideau à court ou moyen terme. Les trois principaux facteurs cités sont : la faiblesse de l'activité (18%), de la rémunération (18%) ou du manque d'équilibre vie professionnelle/vie personnelle (17%). S'agissant des priorités, un très grand nombre cite avant tout qu'ils veulent assurer la croissance de leur entreprise. « Malgré le contexte, les entrepreneurs accompagnés veulent continuer de créer des emplois », observe Guillaume Pepy. Une gageure au moment où l'économie française marque le pas.
Méthode : enquête menée en ligne du 23 novembre au 20 décembre 2023, par questionnaire auto-administré et diffusé auprès des entrepreneurs financés et accompagnés par les associations du réseau Initiative France. 2.069 entrepreneurs et entrepreneuses ont répondu à l'enquête.