La Cour des comptes appelle à réformer les aides au cinéma français « qui ne cessent de gonfler »

La Cour des comptes s'invite dans le débat sur le soutien public au cinéma. Les juges interrogent le montant des aides financières accordées, déplorant que trop de films ne trouvent pas leur public en salle. Un tiers des films français ont réuni moins de 20.000 spectateurs en 2019, contre un quart une décennie plus tôt.
Un tiers des films français réunissaient moins de 20.000 spectateurs en salle en 2019, contre un quart une décennie plus tôt.
Un tiers des films français réunissaient moins de 20.000 spectateurs en salle en 2019, contre un quart une décennie plus tôt. (Crédits : https://unsplash.com/photos/OaVJQZ-nFD0)

Attention, sujet explosif. Dans un rapport dévoilé ce mercredi 20 septembre, la Cour des comptes se penche sur plus d'une décennie (2011-2022) de gestion du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), institution dépendant du ministère de la Culture.

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Si son rapport est élogieux pour une institution publique qui brasse près de 700 millions d'euros de ressources annuelles pour le secteur, auquel elle a permis de passer le cap de la pandémie et de s'adapter à l'arrivée des plateformes comme Netflix, la plus haute juridiction financière appelle à « une réforme approfondie des aides » au cinéma, trop nombreuses - une centaine -  et trop complexes à son goût.

Les pouvoirs publics accusés de « casser » l'exception culturelle

Cette publication intervient à peine six mois après la polémique lancée par les propos de la réalisatrice Justine Triet. Pour rappel, cette dernière a reçu la Palme d'or à Cannes pour « Anatomie d'une chute ». Elle avait alors pris à partie les pouvoirs publics, accusés de vouloir « casser » l'exception culturelle et de sacrifier l'aide aux jeunes auteurs sur l'autel de la rentabilité.

« Ingrat et injuste », avait rétorqué la ministre de la Culture, Rima Abdul Malak, avant que le monde politique ne s'empare du sujet. La droite avait moqué une « enfant gâtée et si conformiste » (le maire LR de Cannes David Lisnard), tandis que le leader de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, avait applaudi le symbole d'une « gauche résistante ». Le film avait attiré 346.499 spectateurs pour sa première semaine d'exploitation, le meilleur démarrage pour une Palme d'or depuis « Entre les murs » de Laurent Cantet, qui avait suscité la curiosité de près de 450.000 spectateurs la semaine de sa sortie en France en 2008.

2% des films rentabilisés

Le diagnostic de la Cour des comptes est toutefois nuancé. « Nous ne sommes pas en train de préconiser qu'il y ait moins de films, mais de faire en sorte qu'il y ait moins de films qui ne rencontrent pas leur public », a martelé le premier président, Pierre Moscovici, devant la presse.

La Cour des comptes rappelle que le CNC reste garant « du modèle français, dit d'exception culturelle, combinant production indépendante et créativité ». C'est ce modèle « qui a permis le maintien d'une part de marché des films français de près de 40%, le développement d'un secteur puissant de l'animation et de séries audiovisuelles désormais dominantes sur le marché français (contrairement à ce qui était le cas il y a une quinzaine d'années) ». En revanche, les magistrats financiers pointent le fait que les aides au cinéma continuent de gonfler, pour des films français de plus en plus variés, mais qui sont aussi de plus en plus nombreux à ne pas trouver leur public en salle.

Un tiers des films français réunissaient moins de 20.000 spectateurs en salle en 2019, contre un quart une décennie plus tôt, note la Cour. Cette dernière se penche aussi sur leur rentabilité, une question brûlante pour un secteur qui relève à la fois de l'art et de l'industrie. Seuls 2% des films sont rentabilisés par leur exploitation en salle, selon les calculs de la Cour. Le rapport se penche sur l'aide la plus connue, l'avance sur recettes, qui permet de réduire les risques lors de la production d'un film. Et souligne que certains auteurs sont fréquemment soutenus, comme la documentariste Claire Simon, financée à sept reprises en dix ans, Arnaud Despleschin (cinq fois), ou Justine Triet (quatre fois).

Un constat partagé par Bercy

A ceux qui brandissent le succès des auteurs français dans les grands festivals, ou qui prônent la « valeur culturelle d'un film qui n'est pas réductible à son seul succès public », les magistrats répondent que le trop-plein de films ne leur permet pas de rester suffisamment à l'affiche pour rencontrer leur public.

« Le CNC et le ministère des Finances, sur le volet des crédits d'impôts notamment, doivent tirer les leçons de cette situation qui aboutit à financer, sur des deniers publics, un nombre toujours plus important de productions dont, pour une part croissante d'entre elles, la contribution au succès et au rayonnement du cinéma français, objectifs centraux de la politique de soutien, semble loin d'être probante », en déduisent les magistrats financiers.

Dans sa réponse à la Cour des comptes, le ministère de l'Economie et des Finances dit « partager le constat d'un niveau très élevé de films soutenus » et de « la nécessité de réformer les soutiens ». « Il faudra corriger les soutiens du CNC dont l'efficacité n'apparaît par probante », abonde la Première ministre Elisabeth Borne, « pour que la production cinématographique française soit vue par un public aussi large que possible ». Le président du CNC, Dominique Boutonnat, regrette quant à lui que « la Cour analyse quasi-exclusivement la performance (de cette politique) à la lumière du succès des films aidés en salles ».

Le retour de la publicité dans les salles obscures se poursuit

 Avec 35 millions d'euros de recettes sur le premier semestre (+20,9%), la publicité dans les salles de cinéma reste très en deçà de son niveau de 2019, avant la crise sanitaire qui avait mis à terre le secteur. Mais elle poursuit son rattrapage grâce notamment à de nouveaux annonceurs, dont l'application de partage de vidéos TikTok ou la marque de chaussures Tamaris, désireux de toucher une audience très attentive. Les grands gagnants du marché de la pub restent les moteurs de recherche, réseaux sociaux, et sites de commerce - un secteur dominé par le trio Google-Meta-Amazon - qui totalisent des recettes de 4,4 milliards d'euros. Leur progression (+5,5%) tend toutefois à ralentir, signe d'une possible arrivée à maturité.

(Avec AFP)

Commentaires 8
à écrit le 20/09/2023 à 21:06
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Mr dany boon à acheté son yatch dans un paradis fiscal pour ne pas payer la tva française, 700 000 euros c'est toujours bon à prendre mais bon, certes, les paradis fiscaux sont légals en france , on les nomme dans certains milieux qui en ont les acc...

à écrit le 20/09/2023 à 20:55
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Rendez-nous Jack Lang!

à écrit le 20/09/2023 à 20:49
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Et baisser le salaire de certains acteurs et certaines actrices outrancier pour partager les gains avec d'autres professionnels du cinéma ( techniciens...) et baisser le prix des places de cinéma. Avec neuf euros, on peut faire 3 repas.Personnellemen...

à écrit le 20/09/2023 à 19:13
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Et oui mais qui pour donner une crédibilité au Spectacle médiatique ? Qui pour nous dire que tout va bien à la télé et à la radio ? Les stars en carton pâtes fabriquées par les chaines télé ont leurs limites elles s'étalent et tournent en rond en pro...

à écrit le 20/09/2023 à 16:54
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du fait que les films sont endogamiques, pour moi le cliché fonctionne effectivement si l'on regarde entre les sommes données et la qualité des films et des acteurs ! c'est comme une famille de copain qui applique cas une idéologie du film bourgeoisi...

à écrit le 20/09/2023 à 16:15
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L'exception culturelle a bon dos. Encore un secteur massivement subventionné par le contribuable ( la classe moyenne majoritairement ) pour une cause peut-être louable mais finalement appréciée seulement par une trés faible partie de l'élite, souvent...

à écrit le 20/09/2023 à 16:07
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"Un tiers des films français réunissaient moins de 20.000 spectateurs en salle en 2019" Le montant total des crédits budgétaires attribués au secteur du cinéma pour compenser les effets de la crise sanitaire sur 2020 et 2021 s’élève à 454,6 M€ : 4...

à écrit le 20/09/2023 à 15:23
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il serait également souhaitable d'arreter les subventions aux chomeurs professionnels intermittent du spectacle .

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