"La loi Engagement et proximité aurait pu aller plus loin" (Philippe Laurent, AMF)

Après des mois de grand débat national et notamment 96 heures de débat entre le président de la République et les maires, le projet de loi Engagement et proximité est censé redonner du pouvoir aux élus locaux. Le secrétaire général (UDI) de l'association des maires de France (AMF) Philippe Laurent reste toutefois sur sa faim.
César Armand
Philippe Laurent est, notamment, maire de Sceaux (Hauts-de-Seine) et secrétaire général de l'association des maires de France (AMF).
Philippe Laurent est, notamment, maire de Sceaux (Hauts-de-Seine) et secrétaire général de l'association des maires de France (AMF). (Crédits : DR)

LA TRIBUNE -  Le projet de loi Engagement et Proximité vous satisfait-il ?

PHILIPPE LAURENT -  Cela répond à un certain nombre de nos demandes. En cela, c'est positif. Nous ne sommes pas contre mais nous estimons qu'il n'y en a pas assez. Pour y remédier, nous allons déposer des amendements via les sénateurs. 
Par exemple, nous aurions aimé que ce projet de loi aille plus loin dans la souplesse de la répartition des compétences des intercommunalités. Il y a très peu d'avancées à part sur l'eau et l'assainissement. Cela relèvera toujours des communautés, mais elles pourront les déléguer aux communes. Je pense que c'est plutôt tordu comme truc ! Certes, cela répond à une préoccupation qui avait conduit à des gestion et des prix très différenciés... En revanche, nous ne comprenons pas pourquoi l'intérêt communautaire va être supprimé. Depuis la loi Chevènement de 1999, nous pouvions par exemple déléguer une partie de la voirie à l'intercommunalité, ce qui ne sera plus possible demain. Ce gouvernement s'obstine à ne pas vouloir cette souplesse !

Avec ce texte, la commune pourra avoir une autorité fonctionnelle sur un équipement de l'intercommunalité, comme les horaires d'ouverture d'une bibliothèque. C'est insuffisant ?

Ce sera une question de négociation et d'intelligence collective. Dans les intercommunalités à 7-8 maires, ça ira encore, mais là où il y a 80 maires, une technocratie s'est installée avec l'inévitable bureaucratisation. Ce n'est pas un problème de volonté, mais un problème systémique.

Collectivement, nous avons dit au gouvernement : "foutez-nous la paix !". Nous ne lui demandons pas de revoir leur périmètre des intercommunalités, car ce serait se lancer dans des usines à gaz. En revanche, il aurait pu davantage encourager la création de communes nouvelles.

Et le fait que la commune puisse choisir son intercommunalité ?

Vous verrez que cela sera peu utilisé...

Le gouvernement veut pourtant "remettre le maire au cœur". Ces déclarations ne vous convainquent pas ?

Nous avons le sentiment que nos dirigeants, à commencer par le président de la République, ont une vision romantique du maire. Jamais, les collectivités locales ne sont considérées comme des partenaires économiques avec qui il faut négocier des politiques publiques. Les projets de loi sur l'école de la confiance ou sur l'économie circulaire sont arrivés en Conseil des ministres sans négociations.
Ils ne prennent pas en compte l'institution communale car ils n'ont non cette culture de décentralisation réelle des responsabilités.

C'est toutefois un problème culturel qui ne date pas de la majorité actuelle. Ils parlent de territoires, mais ce n'est pas le bon terme ! Lorsque le gouvernement organise une conférence nationale des territoires, et non une conférence nationale des collectivités territoriales, c'est encore une marque du fait qu'ils ne considèrent que le phénomène territorial. Pourquoi ne l'ont-ils pas appelé "conférence nationale des exécutifs nationaux et territoriaux" par exemple ?

Le projet de loi de décentralisation qui arrivera au premier trimestre 2020 juste avant les élections municipales sera-t-elle la preuve d'amour que vous attendez ?

Nous ne savons pas encore ce qu'il y a dedans... Le vrai problème actuellement, c'est la suppression de la taxe d'habitation. Par quoi va-t-elle être compensée ?

César Armand
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