Les compteurs de la crise sanitaire s'affolent à nouveau. Dans plusieurs pays européens, les gouvernements durcissent les mesures de restriction face à la flambée des contaminations. En Autriche, l'exécutif a remis en place un confinement pour ses 9 millions d'habitants quand l'Allemagne met la pression sur la vaccination. Au ministère de l'Intérieur place Beauvau, Gérald Darmanin a exigé plus de fermeté pour le contrôle du pass sanitaire dans les restaurants lundi après-midi en envoyant une missive dans les préfectures. "Nous sommes dans une repris de la pandémie. Il faut que le pass sanitaire soit appliqué. C'est la meilleure assurance vie pour les restaurateurs et pour les hôteliers", a déclaré le ministre de l'Economie Bruno Le Maire lors d'un déplacement au congrès de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (UMIH) à Strasbourg ce mardi 23 novembre. Le porte parole du gouvernement Gabriel Attal a de son côté parlé "d'une hausse fulgurante" de la cinquième vague.
Dans ce contexte sanitaire troublé, le gouvernement est à nouveau sur une ligne de crête entre la préservation de la reprise économique et la limitation des contaminations au sein de la population. "Si les autorités françaises semblent pour l'heure écarter la possibilité d'introduire elles-mêmes des restrictions, l'évolution du virus dans les prochaines semaines jouera un rôle déterminant sur l'activité économique à court terme", a expliqué l'économiste de Markit Joe Hayes dans un communiqué.
A quelques mois de l'élection présidentielle, l'épidémie pourrait à nouveau redevenir la boussole de l'activité économique. Pour l'instant, le gouvernement ne s'est pas prononcé en faveur du télétravail mais la dégradation de la situation sanitaire pourrait obliger l'exécutif à changer de cap. Dans son dernier avis dévoilé ce lundi 22 novembre, le conseil scientifique préconise de mettre en place rapidement une dose de rappel pour les 40 ans et plus et de généraliser le rappel à la population adulte en général "afin de freiner l'épidémie et réduire le nombre de formes graves". Le prolongement de la hausse d'admissions en soins critiques est très scruté par l'exécutif qui pourrait obliger les autorités à mettre en place de nouvelles mesures.
La croissance des services en plein boom
Cette cinquième vague surgit alors que le secteur privé connaît une hausse de son activité. Selon le dernier indice PMI du cabinet Markit dévoilé ce mardi 23 novembre, la croissance a bondi de près de deux points entre novembre et octobre passant de 54,7 à à 56,3. Un chiffre supérieur à 50 signifie que l'activité progresse, alors qu'à l'inverse elle se contracte si le chiffre est inférieur à ce seuil. Cette bonne performance s'explique en grande partie par une santé vigoureuse des services.
L'indice qui mesure l'activité dans le tertiaire s'est redressé à 58,2 points, soit un plus haut depuis près de quatre ans. L'accélération de la vaccination au cours de l'été et la levée des mesures prophylactiques depuis le mois de mai ont permis aux activités du tertiaire à forte interaction sociale de retrouver des couleurs. Compte tenu du poids des services dans l'économie tricolore (près de 75%), cette accélération en novembre pourrait tirer la croissance du produit intérieur brut (PIB) jusqu'à la fin de l'année si l'épidémie ne s'emballe pas à nouveau.
L'industrie manufacturière toujours sous pression
L'appareil productif hexagonal est, lui, toujours sous tension. Malgré la hausse de l'activité enregistrée par le cabinet Markit en novembre, l'industrie manufacturière est toujours empêtrée dans une crise liée aux pénuries depuis maintenant de longs mois. L'allongement des délais de livraison particulièrement tenace pèse en particulier sur l'industrie automobile toujours confrontée à des difficultés d'approvisionnement de semi- conducteurs.
A cela s'ajoute la hausse prolongée du prix des matières premières particulièrement complexe à gérer pour les industriels. En effet, toutes les entreprises n'ont pas forcément les mêmes marges de manœuvre pour absorber ces coûts. En Allemagne, les prix à la production ont atteint un sommet de 18,4% sur un an en octobre. L'indice des prix à la consommation pourrait grimper à 6% si les industriels répercutent la hausse des prix sur les consommateurs, expliquent les économistes de Saxo Bank dans une note. Il faut néanmoins rappeler que l'inflation était au plus bas depuis un an au moment où les mesures de confinement se multipliaient partout sur le Vieux continent.
"Un effet d'apprentissage"
S'il est encore un peu tôt pour mesurer les conséquences économiques de la cinquième vague, l'expérience peut permettre d'anticiper certaines répercussions. D'abord, la vaccination de la population française qui frôle les 75% pourrait changer la donne sanitaire. Contrairement au printemps et à l'automne 2020, les autorités sanitaires peuvent adapter leurs mesures en fonction de ce taux. Sur le plan économique, les entreprises et les salariés ont bénéficié "d'un effet d'apprentissage" de la pandémie. Les différentes enquêtes de conjoncture menées par l'Insee et d'autres instituts de prévision ont montré que l'impact économique des différents confinements diminuait depuis deux ans. A Bercy, l'entourage du ministre de l'Economie se veut rassurant. "Si on se remémore les chiffres de croissance lors des différents confinements, on a tiré les leçons de la crise sanitaire. On a appris à vivre avec le virus et dorénavant on a le pass sanitaire", explique un proche de Bruno Le Maire.
Des perspectives assombries en Europe
En zone euro, la croissance de l'activité s'est de nouveau accélérée en novembre après trois mois de ralentissement, selon l'indice PMI composite du cabinet Markit. L'indicateur très observé dans les milieux économiques et financiers a augmenté à 55,8, après 54,2 en octobre. La croissance avait fléchi depuis août (59) tout en restant robuste. En dépit de cette accélération, les économistes de Markit ont pointé la détérioration de la situation sanitaire dans l'union monétaire. Alors que l'Europe est redevenue l'épicentre de la crise sanitaire, un manque de coordination des Etats européens pourrait déboucher sur une nouvelle période de marasme économique.