La semaine de quatre jours, une fausse bonne idée ?

Plusieurs centaines d'entreprises et d'administrations ont adopté la semaine de quatre jours en Europe. Cette organisation a largement permis d'améliorer la productivité et le bien-être des salariés. Mais la généralisation de cette organisation peut virer au fiasco dans certaines entreprises si une phase de test n'est pas respectée.
Grégoire Normand
Les questions de la qualité de vie et du sens au travail sont revenues au centre des débats depuis la pandémie en 2020.
Les questions de la qualité de vie et du sens au travail sont revenues au centre des débats depuis la pandémie en 2020. (Crédits : Reuters)

Des Etats-Unis au Royaume-Uni en passant par l'Islande ou l'Espagne, l'idée d'une semaine de quatre jours de travail gagne du terrain. Dans ces pays, de nombreuses entreprises du secteur privé, mais aussi des administrations publiques, ont expérimenté pendant plusieurs mois ce mode d'organisation. En Belgique par exemple, les salariés peuvent décider de faire leur semaine à temps complet sur quatre jours.

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En Europe, le député européen et économiste Pierre Larouturou (Nouvelle Donne) a décroché un projet pilote au Parlement à Strasbourg pour mieux faire connaître cette expérience.

En France, si environ 400 entreprises et 17.000 l'ont déjà testée, le Medef et la CPME y ont récemment mis leur veto. Ainsi, dans ce contexte, la généralisation d'une semaine de quatre jours n'a sans doute rien d'une évidence. Tout va dépendre du secteur, de la taille de l'entreprise et du type d'emploi.

« La clé, c'est la productivité  »

Depuis la pandémie, la productivité en France et en Europe a marqué le pas sans que les économistes puissent y apporter une réponse vraiment claire. Entre la rétention de main d'oeuvre dans les entreprises, les aides au chômage partiel, l'embauche massive d'apprentis, les économistes ont avancé plusieurs facteurs ces derniers mois. Or, face à cette chute préoccupante, la semaine de quatre jours pourrait être une solution.

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C'est par exemple l'idée défendue par l'économiste Pedro Gomes, enseignant à l'université de Birbeck à Londres et conseiller du gouvernement portugais sur les questions de travail. « La clé de la semaine de 4 jours est la productivité », a-t-il expliqué lors d'une conférence organisée par le conservatoire national des arts et métiers (CNAM) ce mercredi 31 mai. « Les personnes plus reposées travaillent mieux les autres jours ».

Ce spécialiste de la question du travail a accompagné le gouvernement portugais pour l'expérimenter entre juin et septembre 2023. Il considère que l'entreprise doit modifier « ses processus d'organisation en baissant la durée des réunions très chronophages, en adoptant des technologies ». Selon l'économiste, la semaine de quatre jours permet plus de valeur ajoutée « en réduisant les coûts intermédiaires comme les factures d'énergie ou l'absentéisme ». En outre, cette organisation permet de « baisser l'épuisement professionnel et le stress ». Mais, il reconnaît que certaines entreprises comme certains salariés freinent des quatre fers. « La période de test est cruciale », souligne-t-il.

Des entreprises pionnières en France

Les questions de la qualité de vie et du sens au travail sont revenues au centre des débats depuis la pandémie en 2020. Sans connaître de grandes vagues de démissions comme aux Etats-Unis, l'Europe a enregistré des départs de milliers de salariés dans des secteurs déjà sous tension comme dans les hôtels, la restauration ou le bâtiment. En conséquence, certaines entreprises ont sauté le pas. C'est, notamment, le cas d'IT Partner, spécialisée dans la cybersécurité. « Au début, les gens n'étaient pas emballés, avoue le PDG Abdénour Ainseba. Lorsque j'ai présenté cette idée au Comex, certains sont tombés des nues ».

Et les résultats « la première année n'étaient pas très bons auprès de nos clients. Mais comme nous avons communiqué sur cette expérience, nos clients nous ont accompagnés ». La période la plus compliquée « à gérer a été l'été, entre la semaine de quatre jours et les congés payés, on a frôlé la catastrophe ». Mais après une année, son entreprise a trouvé « son rythme de croisière ».« Les gens ne font pas vraiment plus d'heures, mais ils ont réduit la pause méridienne. En revanche, les journées sont intenses », concède-t-il.

Toujours dans la région Rhône-Alpes, l'entreprise Elmy, fournisseur d'électricité verte aux entreprises et aux particuliers a tiré un bilan plutôt positif. « Globalement, nous avons pensé que la semaine de quatre jours allait apporter un meilleur équilibre vie pro/vie perso. La prise de recul permet d'innover et plus de créativité », a expliqué la DRH Camille Darde.

Dans cette entreprise qui compte environ 120 salariés, la semaine de quatre jours s'est traduite « par une réduction de 39 heures à 35 heures par semaine pour les cadres et de 35 heures à 32 heures pour les employés, le maintien à 100% du salaire, et pas d'impact sur les congés ». En revanche, les enquêtes menées en interne auprès des équipes ont montré que plus de quatre salariés sur 10 travaillaient sur leur journée off entre 1h30 et 3h30.

Le « flop » de l'Ursaff en Picardie

Dans certains secteurs, l'expérience peut se transformer en calvaire. Annoncée en grande pompe par le gouvernement au printemps, la semaine de 4 jours à l'Ursaff de Picardie a fait « un flop ». « On est passé à côté d'un sujet sur les personnes à temps partiel », concède Anne Sophie Rousseau.

Au premier janvier 2023, seules trois personnes avaient adopté la semaine de quatre jours sur plus de 300 salariés sachant que les cadres sont exclus du champ (54 cadres au forfait et 40 managers). « Les journées de neuf heures de travail par jour empêchent les personnes d'aller chercher des enfants à l'école ou aux crèches. Elles sont quand même très longues et il y a moins de souplesse. Il y a un caractère très rigide de la semaine de quatre jours », ajoute-t-elle.

Les personnes qui l'ont adoptée avaient « soit des enfants très grands, soit pas d'enfant ». Mais l'organisme de collecte des cotisations ne compte pas baisser les bras. L'objectif est « de poursuivre l'expérimentation ». « Lancer une campagne en mars n'est pas l'idée du siècle. On va rouvrir une campagne début septembre pour trouver une organisation par rapport à l'école. Il s'agit aussi d'assouplir certaines règles ». Sur le terrain, les retours d'expérience peuvent donner des sueurs froides aux entreprises et aux administrations. Mais les directions qui ont témoigné disent qu'il est difficile de revenir en arrière.

Grégoire Normand
Commentaires 6
à écrit le 22/06/2023 à 12:52
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Hâte de voir l état de forme d un salarié d ans un travail de jardinier, de maçon ou sur un chantier de BTP et bien d autres.. avec des journées de 8h45, déjà au bout de 4h la baisse d intensité physique se fait ressentir.

à écrit le 01/06/2023 à 15:24
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Il n'y a qu'en France que nous déclinons continuellement en termes de compétitivité économique, tout en prenant des vacances extraordinaires et en ne travaillant que 35 heures, pour finalement proposer de travailler encore moins, seulement 4 jours ! ...

à écrit le 01/06/2023 à 10:22
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La question est de savoir si l'on dépense globalement moins d'énergie en permettant à plus de monde de travailler ! ;-)

à écrit le 01/06/2023 à 3:07
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Ou comment reprendre la main sur le télétravail des bureaucrates... Pour l'ouvrier, le technicien, le commerçant,l'infirmière, le routier, cela est quasi impossible, on voulait même pendant un moment, les faire bosser le dimanche et la nuit, alors 4...

à écrit le 01/06/2023 à 2:58
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Comment expliquer qu'un petit pays a fort pouvoir exportateur ait adopte depuis longtemps les horaires differes, les semaines raccourcies etc ? La reponse est structurelle. En France l'encadrement est une cata qui date de l'an deux. Tout est a jeter,...

à écrit le 31/05/2023 à 20:44
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Bonjour, Bon diverses remarques : L'humain (e) n 'est pas fait pour travailler comme une bête... Mais , la vie est si chère qu'ils faut travailler énormément pour avoir un minimum... Donc se qu'ils faut s'est du travail bien payé et beaucoup moins...

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