Le permis de conduire à 17 ans risque-t-il d'augmenter les inégalités ?

L'âge du permis de conduire passera à 17 ans dès janvier 2024 a annoncé Elisabeth Borne dans ses mesures phares pour la jeunesse présentées ce mercredi. Une mesure destinée à favoriser l'accès à la mobilité en particulier pour les apprentis. Mais cette annonce risque d'augmenter les inégalités d'accès au permis et inquiète quant au risque accidentogène. Explications
La mesure sera mise en place en 2024 et s'accompagne d'une aide de 500 euros étendue aux élèves des lycées professionnels.
La mesure sera mise en place en 2024 et s'accompagne d'une aide de 500 euros étendue aux élèves des lycées professionnels. (Crédits : DR)

Abaisser l'âge du permis de conduire à 17 ans. C'est la mesure phare annoncée par la première ministre Elisabeth Borne mardi soir au média en ligne Brut. Une annonce en amont de la présentation de sa feuille de route pour la jeunesse ce mercredi. Cet abaissement profitera notamment aux étudiants en apprentissage devant se rendre à leur entreprise en voiture. Les jeunes pourront donc conduire à 17 ans à partir de janvier 2024 prochain. Mais les professionnels du secteur craignent que cette mesure ne soit encore plus discriminante sur l'accessibilité au permis et pointent les errances dans sa mise en place.

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Une possible augmentation du permis de conduire

Première inquiétude de cette annonce : un effet rebond sur les inscriptions au permis. « Après les annonces d'hier, nous avons vu une explosion ce matin de 25 % des inscriptions au code chez les jeunes de 16 ans, confirme Benjamin Gaignault, co-fondateur d'Ornikar, le spécialiste de l'auto-école en ligne, estimant que près de 700.000 potentielles nouvelles personnes pourraient s'inscrire désormais ». Un boom qui inquiète les auto-écoles quant à la disponibilité du calendrier pour les examens de conduite.

S'il y a davantage d'inscriptions au permis, les délais de passage à l'examen pourront s'allonger. Or, plus ce délai s'allonge, plus il faudra d'heures de conduite pour remettre à niveau le candidat. Des heures supplémentaires facturées entre 35 euros et 60 euros.

« Le gouvernement avait réussi ces dernières années à abaisser le temps de passage de l'examen de 6 mois à 3 mois. Avec l'arrivée des jeunes de 17 ans, les délais vont exploser et les prix avec. Ils viennent de saborder quatre années de travail ! », se désole Benjamin Gaignault.

Une idée reprise par le syndicat de mobilités Mobilians qui demande au gouvernement l'embauche d'examinateurs supplémentaires afin d'anticiper ces éventuels retards. Quelque 200 inspecteurs devraient être débauchés selon eux. Aujourd'hui, ils sont de 1.250 à exercer sur le territoire national.

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Portabilité du CPF

Une augmentation du prix du permis et du temps de passage à l'examen réfutée par l'association 40 millions d'automobilistes : « Cette mesure ne veut pas dire que tous les jeunes passeront l'examen à 17 ans et 1 jour ! » Si tous ne s'accordent pas sur les conséquences de l'abaissement de l'âge à 17 ans, ils sont néanmoins unanimes sur le manque d'ambition quant au financement de ce permis.

En effet, d'après le ministère de l'Intérieur, le code et le permis de conduire coûtent en moyenne 1.800 euro et ce prix peut grimper au-dessus des 2.000 euros en cas d'échec à l'examen. Or, même si l'âge est abaissé, seuls ceux dont les parents pourront financer un tel prix pourront s'offrir le luxe de conduire à 17 ans. Elisabeth Borne a bien annoncé étendre l'aide de 500 euros, destinée actuellement aux apprentis, à tous les élèves des lycées professionnels. Insuffisant pour le secteur.

« Il ne faut pas que cet abaissement soit taxé de mesure pour les riches avec ceux qui pourront entrer dans l'enceinte de l'école avec leur voiture et les autres. Nous souhaitons la portabilité du compte de formation CPF des parents aux enfants afin de financer une partie de ce permis. C'est indispensable », souligne Patrice Bessone, président Education et sécurité au sein de Mobilians.

Autre injustice dénoncée, le prix des assurances. Celles-ci pourraient freiner l'accès aux plus jeunes, craignant également l'augmentation du risque d'accidents. Si, toutefois, les assurances acceptaient de prendre en charge les mineurs, le prix sera certainement très élevé, creusant là encore une inégalité.

Enfin, dernier argument avancé par les détracteurs de ce projet : la sécurité routière. L'année dernière, 3.267 personnes sont décédées en 2022 selon l'Observatoire national interministériel de la sécurité routière. Un résultat légèrement supérieur de 0.7 % à l'année 2019, dernière année de référence avant la pandémie de COVID.

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Plus de risques sur la route ?

Parmi les tués, la tranche d'âge la plus touchée en 2022 reste les 18-24 ans avec 111 morts par million d'habitants contre 52 tués par million pour les 35-44 ans et les 65-74 ans, toujours selon l'Observatoire. L'abaissement de l'âge inquiète, mais les professionnels du secteur se veulent rassurant en pointant du doigt la mise en place de la conduite accompagnée à 16 ans qui offre de bien meilleurs résultats quant à la sécurité routière. Les syndicats avancent également la mise en place d'une telle mesure dans d'autres pays de l'Europe comme au Royaume-Uni où l'âge est déjà à 17 ans et le nombre d'accidents n'a pas augmenté.

Mais si passer le permis à 17 ans n'apparaît pas être plus dangereux, l'acceptabilité d'une telle mesure dans la population reste compliquée. « Nous voulions plutôt abaisser l'âge du permis pour ceux qui sont en conduite accompagnée dans un premier temps afin que cette mesure soit plus facile à faire passer », regrette Pierre Chasseray, délégué général de l'association 40 millions d'automobilistes.

 Afin de rassurer l'opinion publique quant à l'application de cette mesure, Elisabeth Borne souhaite mettre en place un « pré-code », soit une première sensibilisation au code de la route pour les collégiens. Ce dispositif, un équivalent de l'Attestation scolaire de sécurité routière (ASSR) numéro 3, serait dispensé par les professeurs. Une nouvelle qui risque de faire réagir au sein de l'éducation nationale...

Commentaires 7
à écrit le 22/06/2023 à 12:56
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Je croyais qu’il suffisait de traverser la route pour trouver du travail? Pas besoin de permis pour cela… Non plus sérieusement voilà une mesure qui risque d'augmenter la mortalité sur les routes. Plus d'accident signifie aussi à terme une hausse des...

à écrit le 22/06/2023 à 11:10
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Les jeunes peuvent déjà utiliser des véhicules motorisés à partir de 14 ans : scooter, voiturette, vélo électrique, trottinette... L'état devrait d'abord se préoccuper de sa responsabilités des infrastructures de transports collectifs. Le problème de...

à écrit le 22/06/2023 à 10:41
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"devant se rendre à leur entreprise en voiture" ça veut dire que les transports en commun, c'est pas ça ? Un simple constat de l'offre en place (ça ne suit pas les idéaux qu'on affiche, se passer de la voiture individuelle, peut-être en 2100 ?). Ne p...

à écrit le 22/06/2023 à 9:42
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Si l'adolescent a les moyens par son travail de se payer le permis et la voiture, je n'y vois pas d'inconvenient ! ,-) Mais vous avez tendance a inverser la notion de responsabilité !

à écrit le 22/06/2023 à 8:35
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Et quel taux d'accidents supplémentaires prévoit-on, entre stupéfiants, alcool, sorties de boîtes, sans compter le nombre de ceux qui rouleront sans assurance ? Déjà que la situation actuelle n'est pas brillante ...

à écrit le 22/06/2023 à 7:21
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2000 euros c'est aberrant et si on rajoute la sur prime d'assurance à payer jeune conducteur ça peut monter jusqu'à 3000 et faut se payer la bagnole et faut payer le plein. Parce que des millions de jeunes quand ils traversent la route il n'y a rien ...

à écrit le 21/06/2023 à 21:56
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le code et le permis de conduire coûtent en moyenne 1.800 euros et ce prix peut grimper au-dessus des 2.000 euros en cas d'échec à l'examen. C'est purement scandaleux, un véritable raquette En Amérique du Nord un permis coûte environ 25 euro et il...

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