Le sexisme ordinaire au travail recule... lentement

Selon le baromètre 2023 du collectif #StOpE, rendu public aujourd'hui, 8 femmes sur 10 au travail sont confrontées, tous les jours, à des propos indélicats, des décisions biaisées ou des doutes sur leurs compétences... Cependant, certaines entreprises agissent. C'est le cas des quelque 200 organisations qui ont rejoint #StOpE. Et les progrès, grâce à leurs actions, sont tangibles.
Une femme sur deux se dit très affectée et a déjà connu un sentiment d'injustice, de colère ou d'humiliation.
Une femme sur deux se dit très affectée et a déjà connu un sentiment d'injustice, de colère ou d'humiliation. (Crédits : Reuters)

Y a-t-il des solutions pour tordre le cou au sexisme ordinaire en entreprise - celui qui consiste, en des propos, souvent considérés comme anodins, des attitudes ou des décisions, à enfermer les femmes dans des stéréotypes de genre ? Oui, répondent les quelque 200 organisations - d'Axa à Engie, d'Orange à Fnac Darty, de Thales à la SNCF, de Sanofi à LVMH, Siemens et Sodexo, entre autres - employant plus d'un million de salariés, qui ont rejoint le collectif #StOpE (Stop au Sexisme dit Ordinaire en Entreprise), lancé en 2018 par Accor, EY et L'Oréal France. « Les grands groupes doivent donner l'exemple », tranche d'ailleurs Anne-Sophie Beraud, Senior Vice President, Diversity, Equity, Inclusion & Social Care au sein de Accor. Et ils peuvent même avoir une influence concrète, sur le terrain... Ainsi, « parmi nos 40 000 salariés, nombreux sont ceux qui travaillent chez des clients et ils sont invités à signaler des situations de sexisme ordinaire, aussi bien dans nos bureaux qu'en mission à l'extérieur », relève Eve Delahais, directrice RSE pour Capgemini France, entreprise qui a signé l'acte d'engagement #StOpE en 2019, après de premiers accords sur l'égalité professionnelle hommes/femmes, dès 2011.

Nouveau venu dans le collectif, le Crédit Mutuel Alliance Fédérale a signé en janvier dernier.

« Il ne s'agit pas tant de répondre à un problème avéré que de poursuivre l'engagement de la direction en faveur de l'égalité professionnelle femmes/hommes », explique Pascale Ruquet, responsable Pôle Diversité, Inclusion et Engagement.

Le groupe, également membre de l'Association Française des Managers de la diversité (AFMD), a lancé une première action de sensibilisation. « Nous avons aussi déjà des référents harcèlement sexuel et nous allons approfondir leur formation notamment en matière de sexisme ordinaire », ajoute-t-elle. Ces premiers pas seront suivis d'autres.

L'acte d'engagement que signent les organisations rejoignant le collectif - dont le but est aussi le partage de bonnes pratiques - consiste en effet à déployer huit actions prioritaires, dont, d'abord, afficher et appliquer le principe de tolérance zéro vis-à-vis de ce phénomène de société, qui touche évidemment aussi le monde du travail. « Et quand c'est le dirigeant qui le dit, les équipes suivent... », assure Brigitte Grésy, qui accompagne ces organisations, en tant que spécialiste des questions de sexisme au travail et également ancienne présidente du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes.

« Notre approche est claire : nous ne tolérons pas et nous ne tolérerons pas le sexisme ordinaire, renchérit Pascale Ruquet. Les réactions, féminines comme masculines, ont été quasi unanimement favorables, bien que nous ayons aussi eu quelques rares commentaires, selon lesquels nous en faisions trop... En fait, les entreprises n'en font jamais trop dans ce domaine. Et ces réactions ont permis de lancer un débat collectif et constructif. »

Ensuite, il s'agit de former à l'identification de ces comportements sexistes au quotidien, à la prise de conscience de leurs impacts et à la façon de réagir, afin de les prévenir. Capgemini a ainsi mis en place des référents spécifiques, vers lesquels témoins et victimes de sexisme ordinaire peuvent se tourner. Le groupe offre aussi des outils d'alerte, sur lesquels chacun et chacune peut exprimer son ressenti.

« Il s'agit de créer un espace de confiance, explique Eve Delahais. Nous avons également formé nos top et middle managers aux biais inconscients dans ce domaine. En outre, nous sensibilisons nos recruteurs et dès l'onboarding, la question est abordée avec les nouvelles recrues. » Enfin, l'acte d'engagement implique de mettre en place des indicateurs de suivi pour mesurer les effets de la politique menée.

Des progrès mesurés

C'est précisément ce dernier engagement qui fait l'objet du baromètre 2023, coordonné par l'AFMD et administré par BVA, rendu public aujourd'hui par le collectif, après une première prise de pouls, en 2021. L'enquête, à laquelle près de 90 000 personnes, réparties dans 15 organisations signataires de #StOpE, ont répondu, montre que, comparé à une moyenne nationale, le sexisme ordinaire recule dans les entreprises qui ont mis en place des actions dans le cadre de leur engagement avec #StOpE. Ainsi, 41 % des femmes et 51 % des hommes estiment que, sur les trois dernières années, les propos et comportements sexistes ont diminué au sein de leur entreprise, soit 13 points de plus que la moyenne nationale, qui est de 29 % pour les femmes et 37 % pour les hommes. Et la moitié des personnes interrogées se déclarent plus attentives aux propos et comportements sexistes, soit deux fois plus que la moyenne nationale. Enfin, en deux ans, la part des salariés et salariées ayant bénéficié d'une formation sur le sexisme ordinaire a plus que doublé dans les entreprises membres du collectif. La moitié a en effet été sensibilisée, contre moins d'un quart en moyenne nationale.

« Nous constatons une meilleure identification des comportements, de même qu'une meilleure réaction des managers comme des équipes, qui savent mieux répondre au sexisme ordinaire. La pédagogie est très importante, ainsi que le rôle de témoin. Si, dans une réunion ou ailleurs, des propos ou des comportements sexistes sont relevés, déconstruits et condamnés comme tels, il y a ensuite de fortes chances pour que les contrevenants ne le refassent pas à l'avenir... », assure Anne-Laure Thomas, directrice Diversités, Équité et Inclusion chez L'Oréal en France et co-présidente de l'AFMD, qui coordonne l'initiative #StOpE.

Difficultés quotidiennes

Reste que malgré les progrès dans certaines entreprises, les données du baromètre #StOpE 2023 illustrent aussi les difficultés quotidiennes des femmes face au sexisme ordinaire au travail. Ainsi, 79 % d'entre elles estiment que « les femmes sont régulièrement confrontées à des attitudes ou des décisions sexistes dans le monde du travail », un constat qui n'est partagé que par 57 % des hommes et qui stagne, d'ailleurs, par rapport au baromètre 2021. En outre, face aux comportements sexistes au travail, une femme sur deux se dit très affectée et a déjà connu un sentiment d'injustice, de colère ou d'humiliation, tandis que quatre femmes sur 10 ont fait l'expérience de compliments sur leur physique ou leur tenue vestimentaire qui les ont mises mal à l'aise... Par ailleurs, une femme manager sur deux déclare avoir été confrontée à des attentes de qualités et de comportements managériaux spécifiques - écoute, bienveillance, etc. - du fait de son genre, quand ce n'est pas une remise en question de ses compétences... Au point que 93 % des femmes et 89 % des hommes interrogés reconnaissent les effets délétères - déstabilisation, perte de confiance en soi, isolement, santé dégradée... - du sexisme ordinaire au travail.

Enfin, les résultats 2023 montrent également que les femmes de moins 35 ans font autant, voire davantage, face au sexisme ordinaire que les plus âgées... Signe, peut-être, qu'elles y sont plus sensibles, mais aussi que le sexisme ambiant ne faiblit pas. « Les dernières études nationales montrent effectivement une résurgence du phénomène parmi les jeunes, que de récentes études ont prouvé. Ce qui signifie que nous ne devons jamais relâcher l'attention portée au sexisme ordinaire, et continuer à lutter contre de tels comportements », confirme Eve Delahais. « Gender fatigue », peut-être, mais aussi, sans doute, crainte de certains hommes de se voir ravir des postes par des femmes... « C'est pour cela qu'il faut travailler sur toutes les évolutions de carrière, celles des femmes comme celles des hommes », conclut Brigitte Grésy. Une façon, là aussi, de réduire le sexisme au quotidien...

Commentaires 5
à écrit le 18/06/2023 à 17:09
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...et le sexisme anti LGBT ?

à écrit le 15/06/2023 à 11:14
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Je me demande si aujourd'hui ,un couple sur deux se forme au sein d'une entreprise ,comme on entendait dans la presse a une époque.

le 15/06/2023 à 15:07
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Bien vu car justement il y a quelques jours j'ai entendu que c'était bel et bien terminé les rencontres au boulot c'est internet qui forme les couples dorénavant les salariés sont beaucoup trop stressés et divisés sur leur lieu de travail devenu part...

à écrit le 15/06/2023 à 9:08
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Demandez donc une réponse à l'IA, elle vous en trouvera une radicale ! ,-)

à écrit le 15/06/2023 à 7:25
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Notre système économique et salarial est basé sur la concurrence entre les individus, principe de division de la classe productrice existant depuis que l'oligarchie existe, notre système néolibéral lui promeut la manipulation et le narcissisme comme ...

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