
Décarboner ne se fera pas sans incidences économiques : c'est ce qu'il ressort d'un rapport de France Stratégie publié ce lundi 22 mai. « La décarbonation va appeler à un supplément d'investissement » de 66 milliards d'euros, et ce, par an, affirme le document dont la rapporteure est l'inspectrice générale des finances Selma Mahfouz.
« Pour atteindre nos objectifs pour 2030 » de réduction de 55% des émissions par rapport à 1990 « et viser ainsi la neutralité en 2050, il va nous falloir faire en dix ans ce que nous avons eu de la peine à faire en 30 ans », souligne le rapport. « Malgré des progrès récents, nous ne sommes pas encore sur la trajectoire de neutralité climatique », est-il encore écrit.
Le document souligne que la décarbonation reposera à 85% « sur la substitution de capital aux énergies fossiles », que ce soit pour créer des réseaux de bornes de recharge, isoler les bâtiments ou construire de nouvelles centrales nucléaires. Et seulement à environ 15% sur des efforts de sobriété, comme baisser la température des pièces chauffées ou se déplacer moins.
Ce rapport, commandé par Élisabeth Borne à l'économiste Jean Pisani-Ferry, est publié alors que la cheffe du gouvernement présente justement ce lundi son plan pour accélérer la baisse des émissions de gaz à effet de serre de la France d'ici 2030.
La croissance et l'endettement vont en pâtir
Les années qui viennent sont qualifiées de « décennie de toutes les difficultés » en raison de besoins massifs pour financer aussi bien les nouvelles mobilités, que l'industrie verte, l'isolation des bâtiments ou encore pour compenser l'effondrement du puits de carbone forestier français.
Or, les investissements indispensables pour limiter le réchauffement ne permettront pas de produire davantage, ou plus efficacement. Ils vont au contraire dans un premier temps entraîner un ralentissement de la croissance.
Pour soutenir les ménages tout comme les entreprises face aux besoins d'investissement et aux effets inflationnistes de la transition, « les finances publiques vont être appelées à contribuer substantiellement à l'effort » et donc à alourdir l'endettement de l'État. Le risque que fait peser la transition énergétique sur la dette publique « est de l'ordre de 10 points de PIB en 2030 (ndlr : soit au moins 280 milliards d'euros), 15 points en 2035, 25 points en 2040 », d'après le rapport qui juge toutefois qu'il « ne sert à rien de retarder les efforts au nom de la maîtrise de la dette publique ».
Faire contribuer les plus aisés
Pour Jean Pisani-Ferry, « cet endettement est légitime », a-t-il déclaré lors d'une présentation à la presse. Retarder les investissements ne ferait en effet qu'augmenter l'effort à fournir par la suite par la France pour atteindre les objectifs climatiques.
« Un accroissement des prélèvements obligatoires sera probablement nécessaire », selon les auteurs qui estiment que cet accroissement « pourrait être assis sur le patrimoine financier des ménages les plus aisés ».
Si le rapport considère que les idées de quota individuel de voyages en avion ou de comptes carbone individuels « sont loin d'être directement applicables », il prévient que « la question du juste partage des sacrifices est aussi essentielle que celle qu'a posée, en son temps, la participation de chacun à la défense du territoire national ».
Le rapport alerte ainsi sur le fait que le coût économique de la transition « ne sera politiquement et socialement accepté que s'il est équitablement réparti ». Rien que pour les « classes moyennes », l'investissement est « de l'ordre d'une année de revenu », ont calculé les auteurs, entre « rénovation du logement et changement du vecteur de chauffage d'une part, acquisition d'un véhicule électrique en lieu et place d'un véhicule thermique d'autre part ».
(Avec AFP)
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