« La transition écologique est une priorité pour tous les élus locaux, une tendance lourde, assure François Baroin. Je ne connais pas un maire qui ne place pas la protection environnementale au coin de la rue, en priorité pour son prochain mandat. C'est une affaire de long terme. » À la veille du congrès annuel de l'association des maires de France (AMF), qui se tient du 19 au 21 novembre à Paris, son président l'assure :« L'évolution de la société est si forte » qu'il relève de la « responsabilité » des élus d'être « aux avant-postes ».
Malgré toutes les bonnes volontés locales et la vague écologiste qui se profile aux prochaines élections municipales, les communes peinent encore à financer seules cette transformation. Pour mener à bien leurs projets, elles doivent donc jongler entre des prêts bancaires, des subventions de l'État et des financements d'autres collectivités territoriales.
Exemple à Tramayes, petite commune d'un millier d'habitants située à 100 kilomètres au nord de Lyon, en Saône-et-Loire. Sur les 2,59 millions d'euros qu'a coûtés la rénovation de l'école, la municipalité n'a apporté que 600.000 euros en fonds propres. Elle a emprunté 900.000 euros supplémentaires et obtenu 660.000 euros de subventions auprès du département, de la région Bourgogne-Franche-Comté et de l'État, qui offre une panoplie d'aides, ici, la dotation d'équipement des territoires ruraux et la subvention pour des projets d'investissement. Pour boucler le budget, la commune a bénéficié du fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée, ce qui lui a permis de se faire rembourser les 430 000 euros de TVA.
Mutualiser, une valeur sûre
Dans la communauté de communes du Mâconnais Charolais, dont dépend Tramayes, la construction d'une école à haute efficacité énergétique est financée à 50 % par des subventions publiques, car elle accueillera les élèves de plusieurs villes. Dans ce type de projets, la mutualisation des moyens reste une valeur sûre. L'intercommunalité permet en effet de concentrer les efforts pour viser un objectif commun au service de tous. À ce titre, le fonds de concours intercommunal est un bon outil. Sous réserve de l'accord du conseil communautaire et des conseils municipaux concernés, il permet de réaliser le financement d'équipements.
En Seine-Maritime, Caux Seine Agglo, qui regroupe 50 villes, s'en sert pour réhabiliter les bâtiments publics. « Écoles, piscines, salles de sport... L'agglomération peut participer à hauteur de 20, 30 voire 40 % du financement, à condition qu'il y ait des gains énergétiques », explique Virginie Carolo, la vice-présidente chargée de la transition écologique. « Avec les économies d'énergie générées ainsi, de l'argent revient à l'agglomération et cela crée une dynamique vertueuse », souligne-t-elle.
Pour faciliter le financement des projets locaux, l'élue, également présidente de la commission environnement de l'Assemblée des communautés de France (AdCF) rêve de récupérer une partie de la contribution climat énergie. Payée par tous ceux qui achètent des énergies fossiles, à commencer par l'essence, cette taxe carbone est perçue par l'État. Ce dernier est censé la flécher vers la transition écologique. Mais en réalité, elle finance majoritairement d'autres programmes, comme le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE). Dans ces conditions, l'AdCF demande que pour tout plan climat-air-énergie territorial finalisé dans une intercommunalité, l'État l'accompagne en donnant dix euros par habitant. Plutôt que d'augmenter les moyens des collectivités, le gouvernement semble avoir trouvé la parade : déléguer la responsabilité de la rénovation énergétique aux fournisseurs d'électricité ou de gaz.
En septembre dernier, la ministre de la Transition écologique et solidaire, Élisabeth Borne, a lancé le service d'accompagnement pour la rénovation énergétique (Sare). En contrepartie d'un financement pris en charge, a minima, à moitié par les territoires, l'État apporte 200 millions d'euros, via les certificats d'économie d'énergie. Un dispositif qui contraint les énergéticiens qui réalisent des travaux d'amélioration écologique à obtenir de réelles économies d'énergie, sous peine de pénalités financières.
Tout sauf les partenariats public-privé
Dans les faits, malgré toutes les aides, crédits d'impôt, prêts et primes, « il faut de l'acharnement » pour convaincre les particuliers et les professionnels, estime le maire de Metz (Moselle), Dominique Gros.
« On n'arrive pas à déclencher des opérations massives, il reste toujours le problème du financement et de la durée de ce dernier », assure le coprésident de la commission développement durable et transition énergétique de l'association d'élus France urbaine.
« Si vous êtes propriétaire à 30 ans et que vous pouvez amortir votre investissement en vingt-vingt-cinq ans, vous y allez, mais si vous êtes une personne âgée, et que cela représente 7 à 8 % de la valeur de votre logement, vous n'en voyez pas l'intérêt... »
Par ailleurs, à défaut d'espèces sonnantes et trébuchantes, les communes peuvent toujours mettre à disposition leurs ressources les plus rares : leurs terrains. Par exemple, le bail emphytéotique permet aux collectivités de louer un de leurs biens, en échange d'un loyer symbolique pour le preneur. C'est la forme de contrat qu'a choisi la mairie de Piolenc (Vaucluse) pour sa centrale solaire flottante de 17 hectares, la plus grande d'Europe, inaugurée en septembre dernier. Elle alimentera en électricité les 5 200 habitants de la ville.
Pendant cinquante ans, le partenaire Akuo Energy versera, chaque année, 25.000 euros à la ville. Dès l'octroi du permis de construire, validé en conseil municipal, le fournisseur d'énergie verte a en outre versé 400.000 euros. La moitié vient nourrir le projet, les 200.000 restants financent une piste cyclable entre la commune et la ViaRhôna, un itinéraire réservé aux cyclistes entre le lac Léman et la Méditerranée. Le projet prévoit aussi une ferme pour fournir des produits biologiques aux cantines scolaires. Exploitée par des agriculteurs locaux, elle est financée en partie par les recettes de la centrale solaire.
Quelle que soit la solution retenue, une option n'a plus le vent en poupe : les partenariats public-privé (PPP). Il est vrai que rémunérer un acteur privé sous forme de redevance tout au long de l'exploitation de l'ouvrage ne vient qu'alourdir des dépenses de fonctionnement, dans un contexte de baisse continue de la dotation globale... de fonctionnement.