La pandémie a fait disjoncter les chaînes de valeur mondiale. Les mesures drastiques de confinement décidées par les grandes puissances industrielles ont provoqué un brutal coup d'arrêt des échanges de biens à l'échelle de la planète. En Chine, plusieurs grands ports ont arrêté leurs activités et des méga-usines ont réduit fortement leurs productions pendant les périodes de confinement. Du côté de la France, la mise sous cloche de l'économie pour tenter de réguler la propagation du virus a entraîné des pertes colossales dans de nombreux secteurs économiques. Si l'industrie n'a pas été la plus touchée, beaucoup de grands groupes ont dû faire face à de vastes difficultés d'approvisionnement. C'est notamment le résultat de décennies de désindustrialisation, d'une division internationale du travail accrue, et d'une montée en puissance de la mondialisation économique. En outre, la sévérité des mesures de confinement (blocage des frontières, limitation de la circulation) dans certains pays a stoppé net les importations de nombreux produits et composants.
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Une dépendance multipliée par 10 en 20 ans
Les multiples délocalisations et la fragmentation des chaînes de valeur mondiales ont rebattu les cartes de la globalisation. La dépendance de la production française à l'égard de la Chine a ainsi été multipliée par 10 entre 1995 et 2014 selon une étude du centre d'études prospectives et d'informations internationales (CEPII) publiée le 10 juillet dernier. La part de l'offre chinoise est passée de 0,09% à 0,85% dans la production hexagonale d'après les calculs des auteurs Ariell Reshef et Gianluca Santoni.
Du côté de la demande, la dépendance a été multipliée par 6, passant de 0,12 à 0,72. "Ce qui a porté la part de la Chine dans la dépendance de la production française à l'offre et à la demande étrangère d'environ 1 % à environ 6 %" relèvent les économistes du centre de recherches basé à Paris. La hausse de la part des intrants chinois dans les chaînes de production tricolores est spectaculaire sur cette période mais elle reste minoritaire au regard d'autres zones géographiques.
La France reste surtout dépendante de ses partenaires de l'Union européenne
L'économie hexagonale reste avant tout dépendante des autres pays de l'Union européenne. En effet, même si elle a tendance à diminuer, la part de la production européenne dans la production française demeure prépondérante. "En 2014, la part de l'Union européenne comptait pour 50% de la dépendance de la production française à l'offre étrangère, et pour 47% de celle à la demande. Mais son importance relative a diminué : en 1995, la part de l'Union européenne était en effet respectivement de 58% et 52%"expliquent les économistes. Le divorce entre le Royaume-Uni et l'Union européenne, et les âpres discussions qui ont suivi sur les conditions du Brexit, ont mis en lumière cette extrême dépendance de l'économie britannique à l'égard de l'Europe.
Par ailleurs, la construction européenne et les traités européens qui ont instauré la libre-circulation des biens sur le Vieux continent ont amplement contribué à mettre en oeuvre cette dépendance. La crise sanitaire et la fermeture des frontières a cependant mis un coup de projecteur sur les faiblesses de ce modèle actuellement remis en question par de nombreux spécialistes du libre-échange.
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Le risque d'une seconde vague menace la reprise dans l'industrie
Depuis plusieurs jours, des signaux se multiplient pour alerter des risques d'une seconde vague en Europe. Plusieurs clusters en France et en Europe ont été repérés et des mesures de confinement à l'échelle locale ont parfois été décidées ou sont en réflexion. Si la plupart des pays semblent mieux préparés à affronter une seconde vague d'épidémie, une nouvelle fermeture des frontières à l'échelle européenne pourrait plomber la reprise de l'activité dans l'industrie. Tout va dépendre du degré de sévérité des mesures prises par les pouvoirs publics pour limiter la propagation du virus et des avancées de la recherche pour trouver un vaccin.