Présidence du Medef : Saubot et Roux de Bézieux se renvoient la balle de l'unité

Sur les 10 candidats sur la ligne de départ, ils ne sont plus que deux, Alexandre Saubot et Geoffroy Roux de Bézieux, à briguer le 3 juillet la présidence du Medef. Une élection décisive pour l'avenir du paritarisme en France. Vendredi, Alexandre Saubot a lancé à son rival un appel au "rassemblement" derrière sa candidature. Geoffroy Roux de Bézieux ne semble pas prêt cette fois à lâcher l'affaire et lui rendu la pareil sur Twitter...
Philippe Mabille
(Crédits : Charles Platiau)

[article actualisé vendredi 22 juin à 15:00]

C'est la dernière ligne droite pour la succession de Pierre Gattaz à la présidence du Medef. Lors de l'assemblée générale qui réunira les 561 votants, ce sera finalement un choix sans surprise entre les deux vice-présidents « sortants » de l'organisation patronale : Geoffroy Roux de Bézieux, 55 ans, qui a été en charge de l'économie, de la fiscalité et du numérique et un temps président de l'Unedic, face à Alexandre Saubot, 53 ans, le négociateur social ancien président de l'UIMM (patronat de la métallurgie, les anciens « maîtres de forges »).

Deux profils différents, l'un plus libéral, l'autre plus social, l'un en apparence plus proche des services, l'autre de l'industrie, même si ces frontières ne signifient plus grand-chose dans le monde des années 2020. Deux personnalités très différentes aussi. Le premier est un entrepreneur très énergique (c'est un adepte du triathlon Ironman) qui a fondé Virgin Mobile et dirige aujourd'hui un fonds d'investissement, Notus Technologies, actionnaire entre autres d'Oliviers&Co ; le second, plus policé, plus "patronal", dirige Haulotte, l'entreprise familiale, une ETI spécialisée dans les matériels d'élévation (500 millions de chiffre d'affaires).

C'est au finish que la course va se jouer. Sur les dix candidats qui se sont déclarés, il n'en reste plus que deux à briguer ce poste exposé, où il n'y a souvent que des coups à prendre, vu la mauvaise image du Medef dans l'opinion, bénévole (il n'est pas rémunéré) et dont le mandat est désormais limité à un seul, pour 5 ans. Tous les autres patrons qui ont espéré pouvoir briguer le poste ont jeté l'éponge, le dernier en date étant l'Alsacien Olivier Klotz, président du Medef Alsace et président délégué du Medef Grand Est, qui a annoncé ce mercredi 20 juin son « ralliement plein et entier » à la candidature d'Alexandre Saubot. Frédéric Motte, président du Medef Hauts de France, avait fait de même il y a trois semaines.

De son côté, Geoffroy Roux de Bézieux, arrivé en tête lors du vote, consultatif, du conseil exécutif le 11 juin, avec 22 voix, a aussi aligné les ralliements : Jean-Charles Simon ancien DG du Medef, a été le premier à le soutenir, voyant en lui le seul défenseur des idées « libérales ». Ont suivi Dominique Carlac'h et Patrick Martin, du Medef Auvergne Rhône-Alpes, qui a appelé au rassemblement du Medef autour de Geoffroy Roux de Bézieux, tout en avertissant du risque d'une "division" de l'organisation patronale.

Le match est très serré

De fait, le match pourrait être serré et l'on évoque déjà le spectre inédit d'un deuxième tour lors de l'assemblée générale qui se tiendra à la Mutualité le 3 juillet. Pour éviter cela, Alexandre Saubot a lancé vendredi matin un "appel au rassemblement" en demandant à Geoffroy Roux de Bézieux de se joindre à sa candidature. Un appel que son rival, qui avait lors de la précédente élection renoncé en se ralliant à Pierre Gattaz ne semble pas prêt à entendre. Sur Twitter, il épond du tac au tac : Cher @asaubot, la voie du rassemblement est ouverte depuis le vote clair du conseil exécutif... rejoins-nous pour que nous fassions l'union qui permettra au Medef de parler d'une voix unie et forte. GRDB". Dans un communiqué, GRBD souligne que sa candidature est dans une forte "dynamique" : " Aujourd'hui, 16 fédérations et 55 territoires représentants plus de 170 voix soutiennent officiellement la candidature de Geoffroy Roux de Bézieux à la présidence du MEDEF", fait savoir son équipe de campagne.

Alexandre Saubot est soutenu par l'industrie, avec l'UIMM (la toute puissante métallurgie, qui rassemble notamment l'industrie auto), mais aussi L'UIC Chimie, le GIFAS (Groupement des industries aéronautiques et spatiales) mais aussi la Fédération nationale des travaux publics (FNTP) la Fédération du commerce et de la distribution (FCD) et, à la surprise générale, la Fédération bancaire française (FBF), qui avait soutenu Geoffroy Roux de Bézieux lors de la dernière élection, qui a tourné casaque. Certains y voient un signe que la banque, menacée par les Fintech, soit rattrapée par le syndrome de la sidérurgie des années 2000 que lui avait prédit Alain Minc. Pour la FBF, c'est « le candidat le plus rassembleur » et le plus « rassurant ». Alexandre Saubot a aussi reçu le soutien de la fédération de la propreté et de Prism'emploi, la fédération des professionnels et du recrutement. Dans un texte publié ce mercredi dans La Tribune, une cinquantaine de patrons apportent leur soutien à Alexandre Saubot.

En face, Geoffroy Roux de Bézieux est notamment soutenu, cette fois, par la puissante Fédération française des Assurances (FFA - 33 voix, qui fut présidée par le très libéral Denis Kessler), par l'ANIA, la Fédération des industries agroalimentaires et par la FFB (fédération française du Bâtiment), la Fédération française des industries de santé (FEFIS) et celle des entreprises de services aux particuliers (FESP - 1 voix). Dans les autres fédérations de services, la confusion la plus totale règne : le Syntec (16 voix) est apparu divisé : Viviane Chaine-Ribeiro (qui aurait pu se présenter, mais atteinte par la limite d'âge comme Jean-Dominique Senard) le soutient, à titre personnel, mais Syntec Numérique a annoncé mercredi 6 juin soutenir Alexandre Saubot. Signe que le choix entre les deux candidats ne fait pas l'unanimité, le GPS (Groupement des professions de services) s'est lui aussi fracturé, mais à la majorité, il a donné mandat à son président de se prononcer en faveur de Geoffroy Roux de Bézieux lors du cote consultatif du 11 juin.

Un ralliement surprenant

Le ralliement d'Olivier Klotz à Alexandre Saubot peut surprendre dans la mesure où le candidat alsacien avait mené une campagne assez libérale, réclamant de profondes réformes du Medef. On l'aurait donc plutôt vu associé à Geoffroy Roux de Bézieux. Alexandre Saubot a pris plusieurs engagements et pourrait lui confier la responsabilité du lobbying du Medef à Bruxelles. « Il nous faut défendre un nouveau modèle d'organisation patronale, fondé sur un syndicalisme de service, à tous les niveaux, ont déclaré Alexandre Saubot et Olivier Klotz hier lors d'une conférence de presse commune. Chaque entrepreneur ou chaque entreprise, confrontée à une question ou à une difficulté particulière, devra trouver au sein du réseau une réponse adaptée. Notre mouvement renforcera son organisation pour traiter les sujets intéressant directement les entrepreneurs : leur fiscalité, leur protection sociale, leur santé, leur responsabilité pénale, et l'assistance en cas d'échec ».

Autres engagements : défendre la nécessité de construire avec l'Etat "un pacte pluriannuel de stabilité règlementaire" pour les entreprises et surtout "privilégier un Medef d'influence, plutôt qu'un Medef de gestion". Il s'agit d'une clarification importante de la ligne supposée d'Alexandre Saubot sur l'avenir du paritarisme, qu'il a longtemps défendu, tout en le critiquant. "Le rôle du Medef national sera demain moins de négocier des grands accords que de donner des outils aux Medef territoriaux et aux branches, sur tous les sujets stratégiques (comme la transformation numérique), pour accompagner les évolutions économiques", indiquent-ils de concert. "Le Medef doit se retirer des institutions où la tutelle de l'État est omniprésente et sa présence moins légitime que par le passé. Et il doit se recentrer sur les institutions où le paritarisme conserve un rôle stratégique parce qu'il apporte une valeur ajoutée significative aux entreprises", poursuivent-ils avant de conclure : « Nous devons rapidement nous assurer de l'équilibre financier des organismes que nous gérons, ainsi que leur imposer, dans certains cas, un retrait progressif du secteur concurrentiel », précisent Alexandre Saubot et Olivier Klotz.

La victoire des idées de Denis Kessler ?

Quel que soit le vainqueur, Saubot ou Roux de Bézieux, de très profonds changements sont à attendre dans le paritarisme avec la possible sortie du Medef des organismes où il n'a pas la maitrise réelle de la gestion. Dans tous les cas, le nouveau président du Medef conviendra plutôt bien à Emmanuel Macron qui avec ses réformes de l'assurance chômage, de la formation et des retraites est en train de remettre à plat le monde des ordonnances de 1945. In fine, ce sera alors, quelque part, la victoire des idées de Denis Kessler, adepte lorsqu'il coprésidait le Medef qu'il a créé avec Ernest-Antoine Seillière sur les décombres du CNPF et la tempête des lois Aubry sur les 35 heures, de la Refondation sociale. Certes, ce ne sera pas exactement la même refondation que celle qu'il préconisait - il voulait des partenaires sociaux libérés de la tutelle de l'Etat -, ce sera même plutôt l'inverse, avec un Etat en première ligne, mais le résultat sera bien le même. Que ce soit avec Alexandre Saubot ou avec Geoffroy Roux de Bézieux, c'est aussi un Medef différent qui sortira du scrutin du 3 juillet. Tous deux l'ont d'ailleurs dit : le Medef joue sa survie dans cette élection. A l'image des partis politique, il lui faut se transformer, ou disparaître.

Philippe Mabille
Commentaire 1
à écrit le 22/06/2018 à 13:26
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