Revitalisation des petites et moyennes villes : les dispositifs gouvernementaux revus et corrigés par le Sénat

Face à la dévitalisation des centres-villes et des centres-bourgs, les dispositifs « Action Coeur de ville » et « Petites villes de demain » ont-ils apporté des solutions pertinentes et efficaces ? Le dispositif fiscal « Denormandie dans l'ancien » est-il suffisamment connu et utilisé dans le logement ? Si les délégations aux collectivités territoriales et aux entreprises du Sénat remettront leur rapport final le 27 septembre, une consultation réalisée par OpinionWay pour le Sénat donne déjà de premiers éléments de réponse.
César Armand
(Crédits : Reuters)

Un « agenda territorial », un « nouvel acte de décentralisation » et « une relation fondée sur le respect, le dialogue et l'action ». C'est la triple promesse faite par la Première ministre aux élus locaux lors de son discours de politique générale. Elisabeth Borne veut en effet « laisser des marges de manœuvre aux territoires » et « concentrer les moyens et les responsabilités à l'échelle des bassins de vie ».

« Etat et collectivités doivent se donner une lecture commune des défis à relever, des leviers à activer, des moyens nécessaires », a-t-elle encore ajouté.

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Sans attendre des actions plus concrètes et alors que la présidente de l'association d'élus Villes de France et patronne de l'Agence nationale de la Cohésion des territoires, Caroline Cayeux, vient tout juste d'être nommée au poste de ministre des Collectivités territoriales, la délégation aux collectivités territoriales et celle aux entreprises du Sénat viennent de faire un point d'étape sur la revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs, objet de dispositifs gouvernementaux depuis 2018. Ils ont ainsi lancé une consultation réalisée par OpinionWay pour le Sénat. Un bilan nécessaire quatre ans après la proposition de loi sénatoriale Bourquin-Pointereau proposant de créer des « opérations de sauvegarde économique et de redynamisation » (« OSER »). Cette dernière a en effet nourri le projet de loi (gouvernemental) sur l'évolution de l'aménagement et du numérique (Elan) et inspiré les programmes « Action Cœur de ville » (5 milliards d'euros) et « Petites villes de demain » (3 milliards d'euros).

Des mesures « pertinentes et efficaces »

Ce qui ressort de cette consultation est un bilan plutôt positif et la dévitalisation des petites et moyennes villes n'apparaît plus comme une fatalité. La majorité des responsables politiques locaux jugent, en effet, les mesures de la loi Elan « pertinentes et efficaces ».

Par exemple, les opérations de revitalisation des territoires (ORT), des conventions signées entre la commune, l'intercommunalité et l'Etat pour définir le projet urbain, économique et social d'un territoire, ont contribué, « peu ou prou » à revitaliser leur centre-ville ou centre-bourg. 66% des élus concernés estiment être « bien accompagnés par l'Etat » dans la mise en œuvre et le suivi de ces opérations.

Le « Denormandie dans l'ancien » méconnu et sous-utilisé

Précisément, ces ORT permettent de revitaliser leur parc de logements et leur parc de locaux commerciaux et artisanaux via l'accès « prioritaire » aux aides d'Action Logement, de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) ou de la Banque des territoires (groupe Caisse des Dépôts) ou l'éligibilité au dispositif « Denormandie dans l'ancien ».

« Prenons l'exemple d'une opération de 200.000 euros à Beauvais avec 150.000 euros d'achat et 50.000 euros de travaux. Si vous louez votre bien pendant douze ans, vous déduisez 42. 000 euros de votre impôt sur le revenu », expliquait à La Tribune l'ancien ministre du Logement (2017-2020) qui a donné son nom à cet avantage fiscal.

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Il reste néanmoins « trop peu connu et sous-utilisé », pointent les sénateurs. Aussi, appellent-ils à « conduire une évaluation précise de ce dispositif et de ses effets sur la revitalisation » et à « faire connaitre largement cette mesure auprès des élus et des investisseurs potentiels ».

Un accompagnement « insuffisant » pour les communes hors programme

En réalité, de cette consultation, il en ressort que l'accompagnement de l'Etat est jugé « insuffisant » par les responsables politiques des communes hors programme pour améliorer la revitalisation de leur centre-ville. Si 51% des 234 villes moyennes et 1.635 petites villes bénéficiaires des dispositifs « Action Cœur de ville » et « Petites villes de demain » ont un meilleur ressenti, ils ne sont que 25% parmi les autres élus locaux.

« Il faut aussi trouver des solutions : mieux faire connaitre la Loi, bien sûr, mais peut être aussi, donner des moyens à ces villes de conserver le dynamisme de leur centre-ville, de maintenir leurs commerces. C'est critique pour les petites communes rurales, où « un petit commerce en moins », ça veut souvent dire « plus de petit commerce du tout » ! » écrivent les parlementaires.

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 Les « dark stores » dans le rapport final du 27 septembre

Autre sujet et non des moindres : les « dark stores », ces anciens locaux commerciaux reconvertis en entrepôts de stockage. Considérés comme des « entrepôts » au sens du code de l'urbanisme d'après une note du gouvernement publiée le 18 mars, ils ne sont pas soumis aux règles de l'aménagement commercial. Le porteur de projet n'a donc à présenter qu'une analyse d'impact sur l'écosystème économique environnant, mais les élus peuvent déterminer les zones autorisées pour ces entrepôts et donc réguler leur implantation.

Sauf que le Sénat considère que les élus ne s'emparent pas suffisamment des outils juridiques existants et propose d'organiser, une fois par an, à l'initiative du préfet, une réunion d'information ouverte à toutes les parties prenantes. Une recommandation qu'il prévoit déjà d'intégrer dans rapport final prévu le 29 septembre.

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Au moins quatre faiblesses et trois demandes

Dans ce document définitif, les deux délégations pointeront aussi quatre faiblesses: difficultés d'accès au financement, aides insuffisantes pour le commerce, complexité de la mise en œuvre et inadéquation parfois entre objectifs locaux et objectifs nationaux.

De la même façon qu'elles formuleront au moins trois demandes : faciliter l'accès à du financement de projets d'investissements, donner de la visibilité pluriannuelle et coordonner l'ensemble des partenaires financiers.

Autant de messages envoyés au préfet Rollon Mouchel-Blaisot, directeur du programme « Action Cœur de ville », qui planche actuellement sur l'acte II 2023-2026, date des prochaines échéances municipales.

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César Armand
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