C'était il y a cinq ans. Autrement dit, une éternité dans le champ de l'action politique. En novembre 2016, la ministre du Logement d'alors, Emmanuelle Cosse, estimait à 100.000 le nombre de logements vacants du parc privé immédiatement mobilisables dans les centres urbains. Pour y remédier, elle fit voter dans le projet de loi de finances 2017 une exonération fiscale tenant compte de l'effort consenti par le propriétaire sur le loyer du locataire.
Ce dispositif baptisé "Louer abordable" permet en effet à un propriétaire de louer un bien non meublé avec un loyer plafonné à un locataire sous plafond de ressource pour une durée de six à neuf ans. Le tout en location directe ou par l'intermédiaire d'une agence immobilière ou d'un administrateur de biens, mais à condition de signer une convention d'engagement avec l'Agence nationale de l'habitat.
En réalité, force est de constater que le dispositif ne prend pas. De 154.000 conventions en stock le 1er janvier 2017, leur nombre "a chuté" à 110.000 au 1er janvier 2021.Autrement dit, moins de 10.000 conventions sont signées chaque année. Soit 0,1% du parc de logements vacants estimé à 1,1 million, selon la Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages du ministère de la Transition écologique, dont dépend le ministère du Logement.
"D'un côté, il n'y a pas assez de demandes de logements dans les zones détendues, c'est-à-dire là où l'offre est supérieure à la demande ;
De l'autre, des propriétaires sont frileux au regard de l'encadrement des loyers et préfère louer à des gens qu'ils connaissent",
explique, à La Tribune, Christophe Demerson, président de l'Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI).
Pour inverser la tendance, l'actuelle ministre du Logement, Emmanuelle Wargon, veut revoir de fond en comble le dispositif dans le cadre du projet de loi de finances 2022, en cours d'examen au Parlement. A commencer par le mécanisme fiscal. Aujourd'hui, il s'agit d'un abattement fiscal. Demain, ce sera une réduction d'impôt. "Le gain sera le même pour tous les propriétaires et ne dépendra plus du taux d'imposition", assure-t-on à l'Hôtel de Roquelaure.
Exit également le zonage ABC, la zone A renvoyant à la région parisienne, la Côte d'Azur, l'agglomération genevoise ; la zone A Bis comprenant Paris et des communes yvelinoises, altoséquanaises, dionysiennes, val-de-marnaises et val-d'oisiennes ; la zone B1 concernant quelques grandes agglomérations et quelques communes franciliennes ; la zone B2 évoquant, notamment, la grande couronne autour de Paris ; et enfin la zone C, caractérisant le reste du territoire. Place désormais à un système dézoné où le prix du marché est fixé à partir d'une carte des loyers dessinée par le gouvernement avec Se Loger et Particulier à particulier.
Par exemple, à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), actuellement située en zone A bis, si le propriétaire d'un 40 m² loue au prix du marché, il vaut 940 euros par mois. En revanche, s'il décide de le louer 45% inférieur à ce prix, le loyer n'est plus que 517 euros. Au prix du marché, cela lui reviendrait à 6.000 euros de revenus locatifs annuels. Avec l'ancien système, 4.300 euros ; avec le nouveau dispositif, 7.300 euros.
Autre exemple, à Toulon (zone A, car dans le Var), si un propriétaire décide de décoter son 100 m² à 1.009 euros de 35%, il récupère, chaque mois, 706 euros, mais en faisant cela, il récupérera, après impôt et pour l'ensemble de l'année, 9.100 euros. C'est 400 euros de plus que le prix du marché et 1.100 euros de moins que dans l'ancien système.
En résumé, plus le propriétaire réduit son loyer, plus l'avantage fiscal dont il bénéficie est fort, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent.
"Il nous faut lutter contre la vacance qui concernerait plusieurs centaines de milliers de logements dont plusieurs dizaines de milliers pourraient être mobilisés immédiatement". Ce constat exprimé en mars 2019 dans La Tribune par Julien Denormandie, alors ministre du Logement, aurait pu être celui d'Emmanuelle Wargon. L'actuelle titulaire du poste compte donc "travailler à la diffusion de cette information" avec les grands réseaux d'agences immobilières et d'administrateurs de biens.
Reste que la promulgation de la loi de finances 2022, au début de l'année prochaine, ne suffira pas. Il faudra encore un décret d'application. "Tout ceci sera opérationnel au premier trimestre 2022", promet encore Emmanuelle Wargon.
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