« Les villes moyennes attirent une population qualifiée qui participe à la réindustrialisation» (Gil Avérous, Villes de France)

GRAND ENTRETIEN. Sans attendre le projet de loi sur l'industrie verte, annoncé début janvier par Bruno Le Maire, l'association d'élus locaux Villes de France veut rompre avec cinquante années de désindustrialisation dans les villes moyennes. Son président (LR) Gil Avérous, maire de Châteauroux (Indre), livre à La Tribune sa méthode.
(Crédits : DR)

Avant, notre population qualifiée partait pour les métropoles, maintenant une nouvelle population vient s'installer sur nos territoires et participer à la réindustrialisation.

Gil Avérous, Villes de France

LA TRIBUNE - Le 24, les intercommunalités ont regretté la « quasi-absence de dialogue » avec Bercy sur la réindustrialisation. Votre association Villes de France érige ce sujet en axe stratégique de développement pour les villes moyennes. Comment en dialoguez-vous avec le gouvernement en vue du projet de loi sur l'industrie verte ?

GIL AVÉROUS - Nous prenons les devants car les maires portent déjà des projets et sont les plus à même de concerter les entrepreneurs et les aménageurs pour faire des propositions à l'exécutif sur ce qui fonctionne et sur les freins à lever. Nous, les maires, sommes dans l'action et non dans la réglementation. Les villes moyennes sont en outre celles qui ont le plus souffert de désindustrialisation ces cinquante dernières années. Aujourd'hui, la crise sanitaire et la guerre en Ukraine démontrent l'importance de relocaliser les productions stratégiques (industries pharmaceutiques, électroniques et agro-alimentaire).

Quand ferez-vous des propositions en ce sens, tel que vous l'avez annoncé lors de vos vœux il y a quelques jours ?

Si nous voulons que la réindustrialisation soit efficace, elle doit passer par nos villes moyennes de 10 à 100.000 habitants, trait d'union entre les métropoles et les villages ruraux. Nous avons encore du foncier à prix attractif - ce qui n'est pas le cas des grandes villes - et des logements disponibles. Le ministre de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle Bruno Le Maire entend simplifier les procédures ? Très bien, nous voulons pleinement nous inscrire dans cette démarche. Je m'apprête à faire à un tour de France des villes qui ont des projets de réindustrialisation, je crois en la force de l'exemple : Albi, Angoulême, Bourges, Saint-Dizier, jusqu'à notre congrès sur cette terre symbolique du Creusot les 6 et 7 juillet prochain. Nous allons également constituer un groupe de travail avec des élus locaux, des experts et des intellectuels afin d'aboutir à des propositions sur ce sujet.

Sans attendre la présentation du texte de loi en Conseil des ministres, le deuxième volet 2023-2026 du programme de revitalisation « Action Cœur de ville », co-piloté par Action Logement, l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) et la Banque des territoires (groupe Caisse des Dépôts), tarde, lui, à se déployer. Lors du congrès des maires et en votre présence, le président d'Action Logement avait annoncé son refus d'y participer, en raison d'une ponction sur son budget, confirmée dans la loi de finances 2023. Qu'en est-il aujourd'hui ?

Permettez-moi de rappeler d'abord que le premier volet 2018-2022 d' « Action Cœur de ville » est une grande réussite grâce à son pilotage local par le maire. Villes de France, qui avait fait des propositions en ce sens, a contribué à la création du dispositif et est la seule association au comité des financeurs. Concernant Action Logement, à ma connaissance, ils n'ont pas encore signé. Nous avons alerté le gouvernement sur les conséquences que cela peut avoir et nous avons demandé un rendez-vous avec le secrétaire général de l'Élysée, Alexis Kohler. J'ajoute que nous ne voulons pas prendre parti, mais juste rappeler le rôle important du financement dans la réussite des chantiers que nous lançons aujourd'hui. Il ne faudrait pas que des projets soient bloqués dans six mois...

A propos de financement, la crise énergétique alourdit les dépenses et grèvent les investissements. Vous aimez répéter que les élus doivent être constamment en quête d'économies. Mais comment ?

C'est une préoccupation de tous les jours. Entre la révision générale des politiques publiques (RGPP) de 2007 et la baisse des dotations sous la présidence de François Hollande, nous avons déjà fait beaucoup d'efforts sur la mutualisation des services et la baisse des charges de personnel. Au 1er juillet 2022, le gouvernement a décidé de dégeler le point d'indice des fonctionnaires, ce qui était nécessaire, mais a contribué à ce que la masse salariale s'envole. En 2023, l'inflation a déjà un impact global : +15% dans l'alimentaire, + 30 à 40% dans le bâtiment... Chez moi, à Châteauroux, la facture d'un hangar métallique pour l'aérodrome est passée de 1 à 1,6 million d'euros. A Saint-Quentin (Aisne), la facture d'énergie pour la ville est passée de 2,6 à 8,68 millions !

Les élus locaux connaissent-ils vraiment le montant de leur facture, longtemps l'apanage des services techniques ?

Avant, nous connaissions le montant global car nous faisions des renouvellements de contrats ou des groupements de commande. Aujourd'hui, tout le monde au quotidien ses consommations et travaille à baisser les factures.

Et maîtrisez-vous les technologies, type capteurs ou activateurs qui contrôlent les équipements à distance ?

Passer l'éclairage public en LED est souvent une des premières choses à faire, cela permet de réduire ses consommations de 60 à 70%. Moderniser ou remplacer ces équipements suppose un investissement massif qui ne peut se faire qu'avec l'aide de l'État.

Il y a le programme Actee, le « Fonds vert » de 2 milliards d'euros...

L'État renvoie tout au Fonds vert mais je pense qu'il sera vite consommé d'autant que 600 millions d'euros sont issus du « Fonds friche » existant. Il faudrait que les dispositifs soient maintenus dans la durée afin que les collectivités puissent engager des investissements importants de rénovation thermique et de production d'énergie renouvelable.

La loi d'accélération des énergies renouvelables, qui vient d'être adoptée en commission mixte paritaire Assemblée nationale-Sénat, ne vise-t-elle pas à accélérer les choses ?

En effet, cette loi prévoit la création de nouvelles zones d'accélération de développement des énergies renouvelables à l'initiative des élus locaux. Là encore, malgré la bonne volonté de chacun, les délais seront longs entre la révision des documents d'urbanisme, la réalisation des raccordements et la mise en service...

Pour investir, notamment dans la transition écologique, avez-vous d'autres choix que d'augmenter la taxe foncière ? Il semblerait que cela reste le dernier levier à la main des maires...

L'autonomie fiscale en a pris un coup avec la suppression de la taxe d'habitation. Elle est presque virtuelle aujourd'hui. Certes il nous reste la taxe foncière, la taxe sur les surfaces commerciales (Tascom) et quelques fiscalités spécifiques. Nous avons regretté cette suppression. Nous demandions par ailleurs l'indexation de la dotation globale de fonctionnement sur l'inflation, la revalorisation de 320 millions d'euros ne couvrant pas la hausse des charges. Aucun maire ne souhaite augmenter la pression fiscale, c'est pour cela que nombre d'entre eux retravaillent leurs budgets pour trouver des marges de manœuvre.

Trois ans après le début de la crise Covid, les villes moyennes sont-elles l'eldorado vanté ici et là ?

Ce nouvel intérêt pour nos villes moyennes a commencé quelques temps avant la crise sanitaire. Nous avons alors vu s'installer des familles qui faisaient un choix de vie avant un choix professionnel. Ce mouvement s'est accentué après la pandémie, le télétravail permettant de s'éloigner de son employeur. Cela ne change pas la physionomie de nos villes, mais nous amène à développer de nouvelles prestations. Avant, nous aidions les entreprises à intégrer leurs cadres. Maintenant, nous développons de nouveaux services pour bien accueillir ses habitants arrivant des grands ensembles urbains. C'est aussi salutaire pour nous ! Avant, notre population qualifiée partait pour les métropoles, maintenant une nouvelle population vient s'installer sur nos territoires et participer à la réindustrialisation.

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Commentaires 6
à écrit le 28/01/2023 à 21:37
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Les bobos vont aller bosser à l'usine ? Dans le genre utopie, on fait difficilement mieux. Qui peut croire des c....ries pareilles ?

à écrit le 27/01/2023 à 17:21
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A force de vouloir "densifier" les villes, ce qui les rend de moins en moins raisonnablement habitables, de plus en plus de citadins rejoignent l'extérieur des villes, voire la campagne. Ce qui est terrible, c'est que l'on connaît les problèmes que...

à écrit le 27/01/2023 à 15:31
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Pour développer les territoires, il eut fallu déjà apporter les bonnes infrastructures, en premier lieu desquelles les autoroutes. Le gouvernement actuel semble avoir fait beaucoup pour étouffer un rapport de l'inspection générale des finances dénonç...

à écrit le 27/01/2023 à 14:13
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L'industrie "verte" crée ses phantasmes et ne veut nullement sortir de "la politique de l'offre" et de ses éternelles et indispensables publicités ! Tout doit être comme avant ! :-)

le 27/01/2023 à 15:06
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La politique de l'offre a bcp à avoir avec la compétitivité du pays et l'innovation et rien avec la publicité

le 27/01/2023 à 17:39
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Sans publicité, "la politique de l'offre" fait flop ! ;-) La demande réelle des besoins prennent le relais !

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