Retraites, "gilets jaunes", Covid-19 : le parcours tumultueux de Philippe à Matignon

Edouard Philippe a remis les clés de Matignon a son successeur Jean Castex ce vendredi après trois années d'exercice du pouvoir tourmentées. Entre la réforme des retraites, la révolte des gilets jaunes et la pandémie, le Premier ministre a affronté une série de crises majeures. Pour le nouveau chef du gouvernement, la fin du quinquennat s'annonce hautement inflammable.
Grégoire Normand
Nommé le 15 mai 2017 par Emmanuel Macron, M. Philippe va retrouver ses fonctions de maire du Havre, après avoir été réélu dimanche dernier avec 59% des voix au second tour des municipales. Il doit être formellement installé dimanche à 10H00 lors du conseil municipal dans son fief.
Nommé le 15 mai 2017 par Emmanuel Macron, M. Philippe va retrouver ses fonctions de maire du Havre, après avoir été réélu dimanche dernier avec 59% des voix au second tour des municipales. Il doit être formellement installé dimanche à 10H00 lors du conseil municipal dans son fief. (Crédits : Reuters)

Après trois années agitées à la tête du pays, le Premier ministre Edouard Philippe a remis sa démission au chef de l'Etat ce vendredi 3 juillet. Dans un bref communiqué adressé aux journalistes en milieu de matinée, les services de l'Elysée ont précisé "qu'il assure, avec les membres du gouvernement, le traitement des affaires courantes jusqu'à la nomination du nouveau gouvernement". Pour le locataire de Matignon récemment élu maire du Havre, l'exercice du pouvoir a été semé d'embûches. Entre des réformes libérales menées à vitesse grand V, de vives oppositions du corps social et une crise sanitaire mondiale, Edouard Philippe issu des rangs de la droite de gouvernement a navigué en eaux troubles pendant tout son mandat.

Celui qui devait assurer les promesses du "en même temps" a très rapidement embrayé sur des réformes très clivantes (Code du travail, baisse des aides au logement, suppression de l'impôt sur la fortune) qui ont certainement marqué les esprits. "Edouard Philippe a démarré en 2017 dans un climat où il est peu connu. Il démarre dans un contexte où on le présente comme le fils spirituel d'Alain Juppé. Dès son discours de politique générale, on découvre une personne qui a du potentiel pour incarner sa fonction. Pour son bilan d'ensemble, une bonne partie des Français a appris à le connaître au travers des grandes crises" explique à La Tribune Bruno Cautrès, chercheur au CNRS et Cevipof à Sciences-Po. "Il redevient maire du Havre en ayant traversé des crises graves tout en restant assez populaire. Ce qui est plutôt rare pour un Premier ministre" ajoute l'enseignant.

Pour assurer la relève, la présidence de la République a indiqué qu'Emmanuel Macron avait nommé Jean Castex en tant que chef de l'exécutif et "l'a chargé de former un gouvernement". Cet ancien secrétaire général adjoint de l'Elysée sous Nicolas Sarkozy risque lui aussi de devoir s'attaquer à des chantiers très risqués. Avec ce choix, Emmanuel Macron entend poursuivre son agenda de réformes au pas de charge. Un pari risqué au moment où la pandémie va faire trembler l'économie française pendant encore de longs mois.

> Lire aussi : Qui est le nouveau Premier ministre Jean Castex, le pari local d'Emmanuel Macron ?

Le dossier explosif des retraites

C'est un dossier hautement inflammable qui attend le prochain Premier ministre. Depuis maintenant près de deux ans, le gouvernement bataille pour tenter de faire passer la réforme des retraites à points qui a embrasé une bonne partie de la France à l'automne dernier. Après plusieurs mois de consultations et une démission express du haut commissaire Jean-Paul Delevoye soupçonné de conflits d'intérêt, Edouard Philippe a dû affronter de fortes mobilisations sociales et un retour en force des syndicats au coeur de l'hiver alors qu'ils avaient été écartés des négociations sur de nombreux sujets brûlants. "Lors de la réforme des retraites, il reprend la main pour recevoir les syndicats, lancer la conférence sur le financement" estime Bruno Cautrès.

Suspendue au début de la propagation du virus sur le territoire français, Emmanuel Macron, après avoir semé le doute pendant le confinement, a exprimé son intention de relancer ce chantier périlleux dans une interview accordée à la presse quotidienne régionale ce vendredi 3 juillet. M.Macron a affirmé qu'"il n'y (aurait) pas d'abandon" de son projet de système universel, qu'il juge toujours "juste", même s'il se dit "ouvert" à ce que sa réforme "soit transformée". Il souhaite aussi "réengager rapidement une concertation en profondeur (...) dès l'été sur (le) volet des équilibres financiers" et considère que "la question du nombre d'années pendant lesquelles nous cotisons demeure posée".

Paris, le 24 janvier 2020. Le syndicat FO participe à la mobilisation contre le projet de réforme des retraites

Manifestation contre la réforme des retraites en janvier dernier. Crédits : Reuters.

Le tournant des "gilets jaunes"

Au mois de novembre 2018, la colère des ronds-points s'est répandue sur tout le territoire français comme une traînée de poudre. Rapidement, Edouard Philippe s'est retrouvé confronté à une crise inédite. Pendant plusieurs mois, le locataire de Matignon a tenté d'éteindre l'incendie en utilisant des méthodes parfois jugées brutales. Pour Edouard Philippe, cette révolte des "gilets jaunes" va apparaître comme un désaveu des réformes menées depuis le début du quinquennat. Après une annonce de hausse des prix des carburants à l'automne, plusieurs groupes multiplient les appels à manifester sur des pages Facebook. Les regroupements vont rapidement s'amplifier et des affrontements violents vont avoir lieu à Paris et sur les Champs Elysées lors du premier week-end de décembre. Après plusieurs semaines d'affrontements et de vives contestations, Emmanuel Macron a annoncé un ensemble de mesures visant principalement les salariés autour du SMIC. Pour Bruno Cautrès, "Edouard Philippe va s'effacer au profit du Président de la République qui va reprendre la main au moment du grand débat avec de longues interventions médiatiques qui vont durer des heures".

> Lire aussi : Smic, CSG, heures supp : une opération déminage à 10 milliards pour Macron

Si cette colère a pu être interprétée comme une révolte fiscale contre un Etat jugé confiscatoire, les revendications se sont rapidement concentrées sur les réformes fiscales d'Emmanuel Macron en faveur des hauts revenus et au détriment des classes moyennes et populaires. Cet événement majeur a également mis au grand jour la crise des territoires qui se sentent délaissés par la disparition des services de proximité et des commerces de détail comme le rappelait une note du centre d'analyse économique (CAE) en début d'année. A partir des "gilets jaunes", la contestation des réformes économiques et sociales menées par Edouard Philippe va s'amplifier. Si ce mouvement ne représente qu'une minorité, ils vont être soutenue par une bonne partie de l'opinion publique française.

Des figures des gilets jaunes demandent un rendez-vous a macron

Manifestation des "gilets jaunes" à la Défense à Paris. Crédits : Reuters.

Covid-19 et récession : l'épreuve du feu pour Philippe

La mise en oeuvre de mesures de confinement strictes à la mi-mars décidées par Emmanuel Macron et Edouard Philippe a plongé l'économie française dans une profonde récession. Accusé d'avoir mal anticipé la propagation du virus sur l'ensemble du territoire, Edouard Philippe a dû affronter une fois de plus la colère du personnel soignant qui avait déjà manifesté pendant plusieurs mois pour réclamer plus de subsides. Faute de moyens sanitaires suffisants, le Premier ministre a dû mettre l'économie sous cloche pendant environ 8 huit semaines. Résultat, les économistes anticipent une violente récession inédite en temps de paix et des pertes abyssales pour l'économie tricolore. "Aux yeux des Français, sa popularité explose au sens positif au moment de cette crise notamment lors de ses points presse malgré les injonctions contradictoires du début. Il y a eu un tournant dans la communication pour le Premier ministre" rappelle Bruno Cautrès. C'est la haute fonction publique qui incarne l'Etat. Les Français avaient besoin de cette communication au pire moment de sa crise". Pour le prochain gouvernement, la rentrée s'annonce chargée avec en ligne de mire les annonces et la mise en oeuvre d'un plan de relance qui devraient être déterminantes pour la seconde partie du quinquennat.

Grégoire Normand
Commentaires 19
à écrit le 06/07/2020 à 15:04
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On retiendra de ce gouvernement qcqs réussites accouchées ds la douleur : la réforme de la formation professionnelle et du code du travail ( initié ss Hollande) , contribuant à accroître l'attractivité pour les IDE et l'emploi salarié, la fin du stat...

à écrit le 06/07/2020 à 10:06
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Au vu des désordres du gouvernement Philippe Edouard, il est plus au niveau de ses capacités de Maire d'une bourgade comme le Havre, objectivement 1er ministre était inapproprié, très au dessus de ses capacités limitées.-

à écrit le 05/07/2020 à 13:23
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le cas de l'ex 1er ministre est une parmi d'autre mais le cas médias en est une qui faut aussi traiter que les médias fayotte avec certain ministre cela est d'une logique mais que les médias institue une concurrence avec le président est très ma...

à écrit le 04/07/2020 à 22:49
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La Justice (qu'on dit indépendante dans notre État de droit...) va pouvoir s'occuper du cas d'Édouard Philippe et sa responsabilité dans la gestion plus que calamiteuse de l'épidémie de coronavirus, qui a fait des dizaines de milliers de morts frança...

le 05/07/2020 à 16:16
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les responsables de la gestion de l hopital en gestion d entreprise font profil bas... l pour les français la préférence est aux pompiers et non au SAMU aujourdhui

le 05/07/2020 à 16:17
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les responsables de la gestion de l hopital en gestion d entreprise font profil bas... l pour les français la préférence est aux pompiers et non au SAMU aujourdhui

le 05/07/2020 à 16:31
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Oui bien sûr c est surtout le comportement déplorable des français qui devrait faire l objet d un procès. .. je commencerai par les gilets jaunes, et ensuite par les gens comme vous....

à écrit le 04/07/2020 à 18:51
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La popularité de Philippe ? un tour de passe passe une mascarade des sondeurs, les français ne sont pas amnésiques pour autant , tout est dans les questions sondagières, le buzzer un maximum. Question réformes la réduction de la vitesse à 80 km...

le 05/07/2020 à 16:38
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Et oui j aurai été au gouvernement j aurai vite interdit les rassemblements de gilets jaunes, un espèce de ramassis de retraités aigris, de citoyens crétins et de cette classe de paresseux du "non à tout" mélanchoniste ou lepéniste. Macron et Philip...

le 06/07/2020 à 8:42
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Vous avez bien raison, fi de la démocratie, une bonne dictature et zou, tout est résolu.

à écrit le 04/07/2020 à 9:40
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"Pour le nouveau chef du gouvernement, la fin du quinquennat s'annonce hautement inflammable." Il est là pou ça, se sacrifier à l'autel des intérêts de l'oligarchie financière, depuis le temps quand même vous devriez comprendre de quoi les LREM s...

à écrit le 04/07/2020 à 9:02
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En parlant de covid : Dans son panorama annuel des hôpitaux sur l'année 2018 qui vient d'être rendu public par la Drees, le service statistique des ministères sociaux, la suppression du nombre de lits d'hospitalisation dans les établissements de s...

à écrit le 04/07/2020 à 8:32
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Il faut supprimer l'ENA: les seuls "bons élèves" préfèrent la réussite dans le privé; les "moyens" s'assurent le confort de l'Administration et les nuls se lancent dans la politique avec les résultats pour la France qu'on constate quotidiennement.

le 04/07/2020 à 18:40
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Je vois et surtout j’entends parler la fameuse société civile qui compose LREM ,c'est pas franchement mieux , la plupart incompétent et pourtant se disant patron ,ça fait peur. On peut retrouver facilement les vidéos de cette caste d'incapable et je ...

à écrit le 04/07/2020 à 8:01
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c'est le résultat de cette école nomme E.N.A qui a produits depuis 40ans le désastre Français. forment des personnes déconnecté de la réalité ne voyant que du haut de leur statut la France du tourisme voir du club med et jamais celle des entrepr...

à écrit le 04/07/2020 à 2:24
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Bilan de Philippe !?! .......Catastrophique !........... jamais le pays n'est allé aussi mal : mesures iniques ,déficit , injustices , discriminations , communautarisme , dictature des minorités , violences policières ........ Bon courage a ...

le 06/07/2020 à 8:00
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Malheureusement, Castex n'en a rien faire. Il n'est pas là pour ça, mais pour appliquer la politique ultralibérale de Macron qui n'a pas encore fait l'objet de lois.. ou plutôt d'ordonnances, puisque le parlement ne sert plus à rien.

à écrit le 03/07/2020 à 19:27
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Les crises qu'Edouard Philippe a affronté, ils les a créées lui-même ! ... Les Gilets jaunes, à cause du 80 km/h sur lequel il s'est arcbouté... L'hostilité à la réforme des retraites à cause de l'âge pivot maintenu contre vents et marées par Philip...

le 06/07/2020 à 11:00
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Les français n'aiment qu'un gouvernement qui ne fait rien.Une réforme des retraites est pourtant indispensable. Quant à la gestion de la crise sanitaire en France elle a été saluée par bon nombre de pays étrangers. Le NewYorkTime qui en a fait sa cou...

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