
Emmanuel Macron va tenter de donner un nouveau souffle à son second quinquennat. Après trois mois d'âpres débats et de vives contestations sur la réforme des retraites, le chef de l'Etat a promulgué la loi rapidement après la décision du Conseil constitutionnel vendredi dernier. L'institution de la rue Montpensier a ainsi validé une grande partie des articles de la réforme, dont la mesure phare du report de l'âge légal à la retraite de 62 ans à 64 ans.
En revanche, le Conseil a retoqué sans surprise six « cavaliers sociaux » qui n'avaient pas leur place dans un texte de loi financier. Parmi ceux-ci: l'index sur l'emploi des seniors qui devait être obligatoire dès cette année pour les entreprises de plus de 1.000 salariés. Également censuré, le CDI senior, une mesure défendue par des sénateurs de droite, qui devait faciliter l'embauche des demandeurs d'emploi de longue durée, de plus de 60 ans.
Le Conseil a également rejeté un projet de référendum d'initiative partagée (RIP) porté par la gauche, qui espérait entamer la collecte de 4,8 millions de signatures en vue d'une inédite consultation des Français. Les élus de gauche ont déposé une deuxième demande reformulée, sur laquelle le Conseil statuera le 3 mai. Depuis la réforme constitutionnelle de 2008, il s'agit de la cinquième demande de RIP. Ce nouveau recours a-t-il des chances d'aboutir ?
Le premier RIP invalidé, un revers pour l'opposition
La première demande de référendum d'initiative partagée a été jugée non conforme à la Constitution. L'article de la proposition de loi visait à affirmer que l'âge légal de départ à la retraite ne peut être fixé au-delà de 62 ans. Or, les juges ont considéré, dans leur décision que « la proposition de loi visant à affirmer que l'âge légal de départ à la retraite ne peut être fixé au-delà de 62 ans n'emporte pas de changement de l'état du droit », à la date d'enregistrement de la saisine. Les juges ont donc considéré que cette demande avait été déposée trop tôt par rapport à la promulgation de la nouvelle loi.
Le Conseil constitutionnel s'est ainsi penché sur l'article 11 de la Constitution qui considère que la proposition de loi, en l'occurrence celle du premier RIP, portait bien sur une réforme relative à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation. « La décision de vendredi dernier est très défavorable au RIP », a affirmé à La Tribune, Paul Cassia, professeur de droit public à Panthéon Sorbonne. « Cette décision reflète une interprétation très stricte de la notion de réforme dans l'article 11 de la Constitution », a-t-il ajouté.
De son côté, Agnès Roblot-Troizier, présidente de l'Ecole de Droit de la Sorbonne souligne dans un post que « le Conseil constitutionnel constate en quelque sorte que la proposition de loi n'est que la réitération du droit ; or réitérer n'est pas réformer ».
Les risques pesant sur le second RIP
Anticipant le risque de non conformité, les élus de gauche ont déposé le 13 avril dernier une seconde demande de RIP auprès du Conseil constitutionnel. La proposition de loi comporte deux articles. Le premier porte toujours sur l'âge légal à 62 ans. Et le second article concerne « une nécessaire contribution des revenus du capital au financement des retraites ». Et ce, en « assujettissant les plus-values sur titres, rachat d'actions et dividendes à des contributions d'un montant similaire aux cotisations salariales sur les retraites » d'après l'exposé des motifs consulté par le site Contexte.
Ce lundi, plusieurs voix à gauche ont porté leur espoir sur ce référendum. « De mon point de vue, le second RIP que nous avons déposé est tout à fait admissible, il serait assez curieux que le Conseil constitutionnel l'invalide alors qu'il tient compte des remarques faites pendant l'audition des signataires », a déclaré Olivier Faure, premier secrétaire national du Parti socialiste (PS) sur l'antenne de Public Sénat.
Sur cette initiative, les juristes et chercheurs sont dubitatifs. Le professeur Paul Cassia considère que « le premier article de la proposition de loi est le même que celui qui a été invalidé », vendredi dernier. Le Conseil constitutionnel a indiqué « que si une seule disposition est jugée non conforme, toute la proposition peut être invalidée », a-t-il ajouté. De son côté, Bérénice Bauduin, maîtresse de conférence en droit à la Sorbonne, souligne également que « les deux articles sont indissociables. Le Conseil constitutionnel pourrait appréhender le texte de manière globale et rejeter l'ensemble de la proposition de loi ».
L'article 2 du RIP au coeur des débats juridiques
Le principal enjeu repose sur le second article « car il change les modalités de financement. Il prévoit une hausse du taux applicable sur le capital dans le financement des retraites. Tout l'enjeu va être de savoir si ce changement peut être qualifié de réforme », ajoute-t-elle. « La notion de réforme est assez large et laisse des marges de manœuvre au Conseil constitutionnel ».
Pour rappel, le Conseil constitutionnel avait invalidé la demande de RIP en octobre 2022 sur une proposition de loi visant une taxation des superprofits mais l'institution a considéré que « cela ne portait pas réforme sur la politique économique de la nation » souligne l'enseignante. Ce second RIP sur la réforme des retraites « a peu de chances de prospérer. Il est mieux rédigé que le premier mais il n'est pas sûr que le second article soit considéré comme une réforme », conclut-elle. En attendant la décision du 3 mai, les débats promettent d'être houleux sur le référendum.
Les trois principales mesures retenues dans la loi sur les retraites après la promulgation - Report de l'âge légal et durée de cotisation : le texte publié au Journal Officiel dans la nuit du vendredi 14 au samedi 15 avril inscrit dans le marbre de la loi le décalage de l'âge de départ à la retraite de 62 ans à 64 ans. Il faudra désormais cotiser 43 ans et non plus 42 ans pour toucher une retraite à taux plein. -Pension minimum : la loi prévoit également une revalorisation des pensions minimum jusqu'à 100 euros par mois à condition d'avoir rempli un certain nombre de critères (carrière complète, cotisation à taux plein, salaire au niveau SMIC). - Régimes spéciaux : la promulgation de la loi entérine l'extinction des régimes spéciaux. Dès le premier septembre 2023, les embauches dans la RATP, à la Banque de France, dans les industries gazière et électrique ou encore dans les études de notaire se feront au titre du régime général.