Russie : après la mort d'Alexeï Navalny, qui sont les opposants russes ?

Alors que le maître du Kremlin va être réélu le 18 mars pour un cinquième mandat, des voix dissidentes tentent toujours de résister.
De gauche à droite, l’ancien champion du monde d’échecs Garry Kasparov, Mikhaïl Khodorkovski, ancien homme le plus riche de Russie, et Vladimir Kara-Mourza, condamné à vingt-cinq ans de prison pour « haute trahison ».
De gauche à droite, l’ancien champion du monde d’échecs Garry Kasparov, Mikhaïl Khodorkovski, ancien homme le plus riche de Russie, et Vladimir Kara-Mourza, condamné à vingt-cinq ans de prison pour « haute trahison ». (Crédits : © E.DERVAUX/HANS LUCAS ; B.VON JUTRCZENKA/DPA, N.KOLESNIKOVA/AFP)

Garder les apparences d'une élection présidentielle juste et démocratique. À une semaine du scrutin qui se déroulera du 15 au 17 mars en Russie, c'est tout le travail de la propagande officielle relayée par les médias pro-Kremlin. Face à ses trois concurrents triés sur le volet, Vladimir Poutine apparaît comme le seul candidat capable de diriger le pays. Sans surprise, il sera réélu « triomphalement » le 18 mars.

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Figure phare de l'opposition russe en exil

Mais les chaînes de télévision russes ne parlent pas des véritables opposants, empêchés de se présenter à l'élection. Ces dissidents, condamnés à de lourdes peines de prison ou forcés à quitter le pays, n'ont toutefois pas abandonné le combat et tentent toujours de résister. Depuis l'emprisonnement de son mari en janvier 2021, Ioulia Navalnaïa était restée dans l'ombre. À 47 ans, la veuve de l'opposant mort en prison le 16 février apparaît désormais comme une figure phare de l'opposition russe en exil. « Je poursuivrai l'œuvre d'Alexeï Navalny, a-t-elle déclaré dans une vidéo dès le 19 février. Je continuerai à me battre pour notre pays. Et je vous demande de vous tenir à mes côtés. » Depuis lors, elle multiplie les interventions publiques et les messages à ses compatriotes.

À l'étranger, d'autres opposants russes sont particulièrement actifs. C'est le cas notamment de l'ancien champion du monde d'échecs Garry Kasparov, exilé aux États-Unis depuis 2013, et de Mikhaïl Khodorkovski, ex-oligarque déchu vivant à Londres. Farouches adversaires du président en exercice, les deux hommes veulent faire tomber le régime de Poutine et tentent d'unir les différentes forces d'opposition et de la société civile russe exilée pour y parvenir. Avec d'autres personnalités, ils ont fondé le Comité antiguerre pour affirmer leur position commune contre l'offensive en Ukraine et coordonner leurs efforts. Les forces démocratiques russes ont également appelé fin décembre les leaders européens et mondiaux à « ne pas reconnaître Vladimir Poutine comme légitime s'il est réélu en 2024 ».

La Russie a placé Garry Kasparov sur la liste des « terroristes et extrémistes ».

Le 6 mars, la Russie a placé Garry Kasparov sur la liste des « terroristes et extrémistes ». C'est « un honneur qui dit plus de choses sur le régime fasciste de Poutine que sur moi », a commenté l'intéressé sur son compte X. Né dans la République soviétique d'Azerbaïdjan en 1963, celui qui, dans le monde des échecs, était surnommé « l'ogre de Bakou » avait déjà reçu en 2022 le label infamant d'« agent de l'étranger », outil largement utilisé par les autorités russes pour discréditer les opposants et les priver de moyens.

Mikhaïl Khodorkovski a été l'homme le plus riche de Russie. Ancien PDG du géant pétrolier Ioukos, il a été emprisonné pendant dix ans dans une prison de Sibérie avant d'être gracié par Vladimir Poutine en 2013, mais contraint à l'exil et privé de sa fortune. L'homme, âgé de 60 ans, est le fondateur de plusieurs médias en ligne et du mouvement d'opposition Russie ouverte, poussé à la dissolution par les autorités en 2021. Il défend l'idée d'un régime parlementaire en Russie et d'une véritable fédération où les régions auraient un plus grand contrôle de leurs ressources.

Résistance depuis la prison

À l'intérieur du pays, la plupart des opposants sont derrière les barreaux. La Russie compterait aujourd'hui plus de 1000 hommes et femmes prisonniers politiques : opposants, journalistes, défenseurs des droits de l'homme, mais aussi de nombreux citoyens ordinaires ayant osé affirmer leur opposition à la guerre en Ukraine.

Parmi ces prisonniers, deux proches d'Alexeï Navalny sont particulièrement connus. Ilia Iachine, 40 ans, et Vladimir Kara-Mourza, 42 ans. Le premier a été condamné le 9 décembre 2022 à huit ans et demi de prison pour diffusion de « fausses informations » sur l'armée russe. Il avait dénoncé sur YouTube les meurtres de civils dans la ville ukrainienne de Boutcha. Très populaire à Moscou, l'élu local poursuit ses critiques depuis sa cellule de prison sur les réseaux sociaux. « Je continuerai à défendre mon pays contre le tyran fou qui sème l'obscurité partout », a-t-il affirmé le 28 février dans un poème lors d'une devant un tribunal moscovite.

25 ans de prison pour Vladimir Kara-Mourza

Homme politique, auteur et historien, Vladimir Kara-Mourza, lui, a été condamné le 17 avril 2023 à vingt-cinq ans de prison pour « haute trahison », diffusion de « fausses informations » sur l'armée russe et travail illégal pour une « organisation indésirable ». Ancien collaborateur du leader d'opposition russe Boris Nemtsov assassiné en 2015, il a échappé à la mort plusieurs fois, victime de deux empoisonnements en 2015 et 2017. Détenu dans une colonie pénitentiaire de Sibérie, l'opposant tente toujours de faire entendre sa voix, notamment en publiant régulièrement des articles dans le Washington Post. « Même depuis une prison russe, je peux voir les faiblesses de Poutine » était le titre de sa production du 14 février.

Dernière condamnation en date, celle d'Oleg Orlov, le 27 février, à deux ans et demi de prison. Infatigable défenseur des droits de l'homme en Russie, le cofondateur de l'ONG Memorial, dissoute par la justice russe fin 2021, colauréate du prix Nobel de la paix en 2022, était accusé d'avoir critiqué la guerre en Ukraine et d'avoir qualifié de « fasciste » le régime de Poutine. Prêt à aller en prison pour défendre sa liberté d'expression, Oleg Orlov, 70 ans, a profité de la tribune qui lui était offerte lors du procès pour affirmer une fois encore ses convictions: « Ne perdez pas courage, ne perdez pas votre optimisme. Car la vérité est de notre côté. »

Commentaire 1
à écrit le 10/03/2024 à 21:27
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En dehors de ceux qui sont en prisons russes, les vrais opposants russes sont les membres du Corps de volontaires russes qui combattent du côté ukrainien. La plus grande force d'opposition capable de changer la situation en Russie, s'appelle les Forc...

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