Avec une taxe de 15% sur les multinationales, le fisc français pourrait encaisser 4 milliards d'euros

Une taxe de 15% sur les multinationales pourrait rapporter environ 83 milliards d'euros chaque année à l'ensemble des Etats européens, selon l'observatoire européen de la fiscalité. A l'échelle planétaire, les exemptions accordées feraient néanmoins chuter drastiquement les recettes de 20% la première année passant de 232 milliards d'euros à 185 milliards d'euros. En France, le manque à gagner des exemptions est estimé à 700 millions d'euros.
Grégoire Normand
Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire espère une entré en vigueur de l'accord à partir de 2023.
Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire espère une entré en vigueur de l'accord à partir de 2023. (Crédits : Reuters)

Combien une taxe de 15 % sur les géants économiques pourrait-t-elle rapporter au fisc français ? Alors que les grandes puissances du G20 se réunissent pour un sommet crucial à Rome dans quelques jours, l'observatoire européen de la fiscalité basé à Paris a simulé dans une note dévoilée ce mercredi 27 octobre les recettes potentielles que pourraient engendrer la dernière version de l'accord obtenu à l'OCDE au début du mois d'octobre"C'est une révolution fiscale qui est en jeu. Elle peut mettre fin à trois décennies de concurrence fiscale et de délocalisations" avait déclaré le ministre de l'Economie Bruno Le Maire lors d'une réunion avec des journalistes avant l'accord annoncé à l'OCDE il y a trois semaines.

Selon les derniers calculs des économistes, cette taxe qualifiée d'"historique" rapporterait environ 4 milliards d'euros chaque année aux caisses de l'Etat, soit un montant largement inférieur à celui estimé par le conseil d'analyse économique (CAE). Cet organisme avait chiffré le gain à 6 milliards d'euros au mois de juin. Une tel écart s'explique avant tout par des méthodes différentes de prise en compte du chiffre d'affaires des multinationales. Surtout, le manque à gagner lié aux exemptions accordées s'élèverait à 700 millions d'euros. Cette nouvelle taxe rapporterait ainsi 3,3 milliards d'euros si ces dérogations étaient appliquées. Autant dire que certains Etats pourraient perdre une grosse partie du pactole. Pour obtenir de tels résultats, l'observatoire s'est appuyé sur la déclaration pays par pays des multinationales de 2017 dont le chiffre d'affaires est supérieur à 750 millions de dollars.

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83 milliards d'euros pour l'Europe

Parmi les différentes régions du monde étudiées, l'Europe apparaît comme la grande gagnante de cette réforme fiscale d'ampleur relancée par l'arrivée de Joe Biden à la Maison Blanche. La mise en œuvre de l'accord représenterait un gain d'environ 80 milliards d'euros chaque année sur le Vieux Continent. "Pour les plus grands pays de l'Union européenne, les recettes fiscales sur les sociétés augmenteraient significativement", indique l'observatoire dirigé par l'économiste français et enseignant à l'université américaine de Berkeley Gabriel Zucman. En Allemagne, un taux de 15% minimum pourrait rapporter environ 13 milliards d'euros, soit  20% de l'ensemble des recettes de l'impôt sur les sociétés. Viennent ensuite la France (7% de l'IS) et l'Italie avec 3 milliards d'euros (8% de l'IS).

Certains pays réputés pour leur faible niveau de fiscalité devraient également voir leurs recettes considérablement augmenter. Il s'agit principalement de la Belgique (21 milliards d'euros) ou encore de l'Irlande (12,4 milliards d'euros). Dublin qui accueille les sièges européens de plusieurs multinationales (Google, Facebook) a mené un lobbying intense à l'intérieur de l'Europe et dans les instances de l'OCDE pour s'opposer à cette taxation des multinationales. Pour l'Irlande, l'assurance d'un taux fixe à 15% a été décisive. L'accord de juillet mentionnait "au moins" 15%, laissant la porte ouverte à un relèvement. Finalement, l'Etat irlandais a obtenu la suppression de cette mention.

57 milliards d'euros pour les Etats-Unis

La puissance américaine devrait être l'autre gagnant de cette nouvelle fiscalité mondiale. Même si la secrétaire au Trésor, Jannet Yellen, a dû revoir ses ambitions fiscales à la baisse, un taux de 15% devrait entraîner une hausse des recettes de 57 milliards d'euros par an, soit environ 66 milliards de dollars (17% de leur impôt sur les sociétés). Après le mandat de Donald Trump marqué par une large baisse de la fiscalité sur le capital, la nouvelle administration de Joe Biden a essuyé de sérieux revers au Congrès pour appliquer son vaste programme de réformes économiques et ses gigantesques plans d'investissement. Attendu au G20 ce week-end et à la Cop 26 la semaine prochaine, le président démocrate devrait profiter de ces sommets planétaires pour faire entendre la voix des Etats-Unis sur la scène du multilatéralisme.

Les pays en développement, grands perdants

 La plupart des pays en développement apparaissent comme les grands perdants de cet accord. Les travaux de l'observatoire européen de la fiscalité financé par la Commission européenne montrent que ce taux à 15% rapporterait environ 6 milliards d'euros à la Chine, 4 milliards d'euros à l'Afrique du Sud ou encore 1,5 milliard d'euros pour le Brésil. Là encore, ces résultats traduisent les limites de cet accord jugé insuffisamment "ambitieux" par des économistes de renom comme Joseph Stiglitz ou Thomas Piketty et des ONG. "Alors que cette réforme aurait pu générer plus de 200 milliards de dollars d'augmentation des recettes fiscales dans le monde avec un taux d'imposition de 21%, un taux de 15% ne permettra d'en recouvrir que 100 milliards. Et la part du lion va aux pays riches. A 15%, le risque est que ce taux minimum mondial, si bas, ne devienne la norme mondiale. Les grands perdants seront les pays en développement, tout comme les petites et moyennes entreprises des pays développés, qui continueront à payer le taux local intégral " indiquent les économistes dans une lettre ouverte. Ces fortes disparités peuvent s'expliquer notamment par la présence plus importante des sièges des multinationales dans les pays développés.

Le manque à gagner des exemptions

Les derniers mois de négociations ont donné lieu à de rudes échanges sur les exemptions à accorder aux Etats. Ces dérogations appelées "substance-based carve-outs" portent principalement sur l'assiette fiscale à appliquer dans le cadre de cette réforme fiscale. "La négociation s'est déplacée du taux vers le carve-out. L'objectif est de faire les mêmes règles pour tous les pays. Le diable est dans les détails" avait prévenu le ministre de Bercy Bruno Le Maire juste avant l'annonce de l'accord à l'OCDE.

En Europe, l'application de ces exemptions engendrerait un manque à gagner important de l'ordre de 19 milliards d'euros chaque annéeOutre Atlantique, les pertes sont évaluées à 6 milliards d'euros. Enfin en Chine, les pertes pourraient s'établir à 2,3 milliards d'euros. "Ces exemptions vont diminuer au cours du temps" rappellent les auteurs de la note. Au sommet du G20, la célébration de cette réforme fiscale par les grandes puissances restera un point de départ pour beaucoup de pays.

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Grégoire Normand
Commentaires 5
à écrit le 29/10/2021 à 10:57
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oui oui, quand le fisc controlait les prix de transfert a grands coups de contyroles, ca n'est venu a l'esprit de personne que pour couper court a ca, y a plus eu de prix de transfert, y a eu une fin d'activite.... alors on reparle de ces taxes dans ...

à écrit le 28/10/2021 à 9:46
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apparemment, la com est en marche: taux minimal de 15%. comme la france est à 25%, les societes ne se precipiteront pas vers la france et meme si l' Irlande monte à 15%, elle sera tout de meme plus bas que la france de plus, l' assiette est bien...

à écrit le 28/10/2021 à 9:36
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C'est même pas le budget de pôle emploi cette vaste entreprise de détournement d'argent public.

à écrit le 28/10/2021 à 7:51
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francais francaise l'etat se moque de nous des taxes a 15 pour cent pour la mondialisation et 20pour cent et plus pour avoir le droit de se chauffer le en meme temps de l'illusionnistes frappe toujours

le 28/10/2021 à 12:50
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quelle intelligence, il n'y avait qu'a les taxer à 80% comme Holande l'a fait.

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