Coronavirus : les défaillances d'entreprises devraient exploser dans le monde

Les défaillances d'entreprises devraient bondir de 25% cette année dans le monde à cause de la récession économique liée à la pandémie, selon un baromètre publié lundi par l'assureur-crédit Coface.
Grégoire Normand
Les entreprises dans le tourisme devraient être en première ligne dans cette crise.
Les entreprises dans le tourisme devraient être en première ligne dans cette crise. (Crédits : Reuters)

La récession économique pourrait faire de sérieux dégâts. Le nombre de défaillances d'entreprises pourrait bondir de 25% dans le monde en 2020, selon les résultats du baromètre Coface publié ce lundi 6 avril. S'il est encore tôt pour mesurer avec précision les répercussions de cette crise sanitaire sur le produit intérieur brut (PIB) mondial, la plupart des indicateurs avancés comme les indices PMI en Europe montrent un recul historique de l'activité dans les services et l'industrie. Résultat, les grands plans de soutien annoncés par les Etats et les grandes banques centrales ne devraient pas suffire à stopper le marasme économique inédit depuis "la seconde guerre mondiale", selon Bruno Le Maire. Lors de son audition par la commission des affaires économiques du Sénat ce lundi matin, le ministre de l'Economie s'est montré pessimiste :

"Je n'ai jamais caché que cette crise serait violente et durable. J'ai fait une comparaison avec 1929 car je ne vois pas d'autres comparaisons dans le passé proche en termes de choc économique. C'est l'économie réelle qui est touchée. Les entrepreneurs, les industries les commerçants, les artisans, les professions libérales n'ont plus un euro de recettes [...] Nous serons très au delà des -2,9% de croissance enregistré lors de la crise de 2008-2009. C'est dire l'ampleur du choc économique."

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Les Etats-Unis en première ligne

Alors que les Etats-Unis sont en train de devenir l'épicentre de l'épidémie, les milieux d'affaires et la population active doivent faire face à ce double choc d'offre et de demande. En quelques semaines, plus de 10 millions de personnes se sont inscrites au chômage et devraient connaître une baisse substantielle de leurs revenus. Du côté des entreprises, la première puissance économique mondiale devrait enregistrer la plus forte hausse de dépôts de bilan cette année (+39%). Viendraient ensuite les grandes puissances de l'Europe occidentale. Le Royaume-Uni (+33%) seraient suivi de l'Espagne (+22%), l'Italie (+18%), la France (+15%) et l'Allemagne (+11%).

"Pour les défaillances d'entreprises en France, on s'attend à une hausse de 15%, c'est moins qu'en 2008-2009, autour de 25%. C'est très difficile de bien évaluer en raison des aides aux entreprises et aussi de l'activité des tribunaux de commerce. Il devrait y'avoir plusieurs vagues, notamment chez les petits commerces qui pourraient se situer dans une situation difficile à très court terme. Les autres secteurs en grande difficulté sont l'automobile, la sidérurgie, la distribution qui étaient déjà fragiles avant la crise" a expliqué  l'économiste Julien Marcilly lors d'un point presse.

Craintes chez les émergents

La propagation de la pandémie dans les pays émergents pourrait faire des dégâts économiques et sociaux colossaux. La fragilité des systèmes de santé, l'absence de protection sociale et d'amortisseurs sociaux dans un grand nombre de pays pourraient mettre de nombreux travailleurs et indépendants en grande difficulté, surtout dans des Etats où l'économie informelle représente une part importante de l'activité.

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"Outre la gestion de la pandémie qui s'annonce plus difficile, ils font en effet face à la chute des cours du pétrole ainsi qu'à quatre fois plus de sorties de capitaux qu'en 2008" note l'assureur-crédit. La crise de l'or noir et la chute du prix du baril de brent devraient sensiblement réduire les recettes de quelques pays très dépendants de ces ressources en matières premières alertent les économistes.

"Enormément de chocs touchent les économies émergentes. Le premier est la chute du prix du pétrole avec un baril à 25 dollars environ. Le choc d'activité sur la Chine, c'est 15% de la demande mondiale de pétrole explique Julien Marcilly. Les tensions au sein de l'OPEP+, entre l'Arabie Saoudite et la Russie n'ont pas arrangé les choses. Depuis le début, les Etats-Unis ne sont pas intégrés à cette organisation. Les Etats-Unis sont comme "un passager clandestin". Il va être très difficile de trouver un accord. Il ne faut pas s'attendre à des améliorations des prix du pétrole. Dans ce contexte de prix très bas, beaucoup d'entreprises vont faire faillite [...] D'autres facteurs peuvent aussi peser comme les systèmes de santé et les coûts budgétaires engendrés par la crise. Avec les retraits de capitaux, s'ajoutent les risques financiers. Certains facteurs pourraient néanmoins aider les émergents comme l'âge moyen de la population."

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La plupart des secteurs dans le rouge

Aussi, aucun secteur ne devrait être épargné par le repli de l'activité. Le confinement d'une grande partie de la population mondiale, la mise à l'arrêt de pans entiers de l'économie internationale ont provoqué la combinaison d'un choc d'offre et d'un choc de demande. Les répercussions devraient cependant diverger selon les secteurs. "Tourisme, hôtellerie, restauration, loisirs et transports sont durement touchés ; également quasiment tous les segments de la distribution spécialisée et la plupart des filières manufacturières (hors industrie agro-alimentaire) ; quand d'autres secteurs de services sont beaucoup moins affectés : télécommunication, eau, assainissement" résume le baromètre Coface. "Dans une crise classique, l'industrie est généralement le secteur le plus touché. Avec cette pandémie, le choc principal touche d'abord les services. C'est une situation atypique. Ce ne sont pas les économies les plus industrialisées et qui échangent le plus qui sont les plus concernées. Ce sont les pays qui connaissent leurs économies domestiques grippées qui sont les plus touchées", ajoute Julien Marcilly.

Un commerce mondial en berne

De même, l'extension de la pandémie sur l'ensemble des continents et la fermeture des frontières devrait mettre un coup d'arrêt aux échanges internationaux. Alors que le commerce mondial avait déjà grandement reculé l'année dernière dans le contexte de la guerre tarifaire entre les Etats-Unis et la Chine, les économistes de Coface anticipent un recul de 4,3% du commerce mondial en volume en 2020. "Pour la première fois depuis 2009, le commerce mondial a reculé en 2019. Si ce protectionnisme se prolonge dans le monde, il aura des conséquences très importantes sur le commerce mondial" affirme Julien Marcilly.

En outre, la pandémie actuelle pourrait redistribuer les cartes des chaînes de valeurs mondiales. Si les relocalisations ne devraient pas prendre de l'ampleur selon Julien Marcilly, les entreprises devraient revoir leur stratégie. "La question n'est pas la relocalisation. Tous les pays peuvent être touchés. L'une des leçons de cette crise est que les entreprises doivent avoir un nombre de fournisseurs plus diversifié. Le risque important pour une entreprise est d'être trop dépendant d'un pays ou d'un fournisseur" explique le spécialiste. Récemment, la foire d'empoignes entre les Etats sur la question des masques et l'incapacité pour de nombreux gouvernements à répondre à l'urgence pharmaceutique ont montré la forte dépendance des économies occidentales à l'égard de la Chine. Cette crise a remis au premier plan les débats relatifs à la souveraineté économique dans certains secteurs stratégiques.

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Grégoire Normand

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Commentaires 5
à écrit le 07/04/2020 à 13:12
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Ouf, j'ai vendu ma boite il y' a plus d'un an... mais le pire reste à venir de nos Énarques .

à écrit le 06/04/2020 à 16:54
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Se mettre en situation de dépendance avec un seul fournisseur est une erreur de débutant. Idem pour le fournisseur qui n'a qu'un seul client.

le 06/04/2020 à 17:48
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Quelle chance nous avons en France d'avoir tant d'experts dans tous les domaines qui excellent dans la prédiction du passé.

à écrit le 06/04/2020 à 15:52
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"Il n'y aura pas de fermetures à cause du virus !" Qui est-ce qui a affirmé ça au fait ? Un bavard certainement...

à écrit le 06/04/2020 à 14:46
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Normal, c'est la sélection naturelle....

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