Le Guyana renforce sa défense. Ce petit pays d'Amérique du Sud, riche en pétrole et en ressources naturelles, a acheté un patrouilleur militaire offshore (OPV) pour 39,5 millions d'euros au constructeur naval français Ocea basé aux Sables d'Olonne (ouest), a annoncé mercredi le ministère des Finances guyanien.
Le navire servira à protéger la zone économique exclusive, à lutter contre la pêche illégale et les trafics ainsi qu'à découvrir de possibles pollutions, selon un responsable militaire.
« Le prix du navire comprend le coût du navire et de son équipement ainsi que les services intégrés de soutien logistique, y compris la formation, pour une période de cinq ans », selon le gouvernement du Guyana.
Le ministre français des Affaires étrangères Stéphane Sejourné avait rencontré le président guyanien Irfaan Ali lors d'une brève visite au Guyana le mois dernier. Les deux hommes avaient notamment abordé la question de ce bateau.
La France se rapproche du Guyana
Durant cette visite, le Quai d'Orsay avait également annoncé l'ouverture prochaine d'une ambassade française au Guyana, « une première pour un pays membre de l'Union européenne ».
Le Guyana, proche de la Guyane française, préside la Communauté des Caraïbes (Caricom), en pleine crise sécuritaire et politique en Haïti. Il est aussi membre élu du Conseil de Sécurité de l'ONU. « Le ministre sait qu'il peut trouver dans le Guyana un interlocuteur pour faire avancer les efforts de la communauté internationale pour résoudre ces crises [Haiti, Ukraine, Proche-Orient, NDLR] », avait indiqué le Quai à l'occasion de cette visite, précisant qu'il s'agissait de la première d'un ministre français des Affaires étrangères au Guyana.
Cette décision « s'inscrit aussi dans le réarmement diplomatique de la France », avait précisé le Quai d'Orsay, après des annonces concernant « une ambassade au Samoa, un consulat général à Mossoul et à Melbourne et la création de 700 postes supplémentaires d'ici 2027 pour la diplomatie française ».
Intégration de l'Essequibo au Venezuela
Mais ce rapprochement est vu d'un mauvais œil par le Venezuela. L'achat du patrouilleur annoncé mercredi a d'ailleurs déclenché une réaction acerbe du pays.
« La fausse victime le Guyana achète un patrouilleur océanique à une société française », a réagi la vice-présidente vénézuélienne Delcy Rodriguez sur X. « Le Guyana, les États-Unis, ses partenaires occidentaux et son ancien maître colonial (Grande-Bretagne), constituent une menace pour la paix dans notre région. Le Venezuela restera vigilant », ajoute-t-elle.
Et pour cause, l'Essequibo, région riche en pétrole, actuellement sous administration guyanienne est revendiquée par le Venezuela. Son président a d'ailleurs promulgué, la semaine dernière, une loi la désignant comme un nouvel Etat vénézuélien. Un texte qualifié par Georgetown de « violation flagrante des principes les plus fondamentaux du droit international ».
Cette décision fait suite à un référendum organisé le 3 décembre 2023 et qui portait sur un possible rattachement de l'Essequibo. Celui-ci a donné comme résultat une « écrasante victoire » (96,33%) en faveur de l'intégration de la région au Venezuela. De quoi ajouter de l'huile sur le feu.
D'un côté, Georgetown répète qu'il est souverain sur « l'intégralité » de son territoire et que tout doit passer par la Cour internationale de Justice (CIJ) à La Haye. Il argue que la frontière, datant de l'époque coloniale anglaise a été entérinée en 1899 par une cour d'arbitrage à Paris. D'un autre côté, Caracas réclame des négociations hors de la CIJ, dont elle ne reconnaît pas la compétence. Le Venezuela estime que l'accord de Genève signé en 1966 - avant l'indépendance du Guyana - jette les bases d'un règlement négocié qui doit se poursuivre et soutient que le fleuve Essequibo doit être la frontière naturelle, comme en 1777 à l'époque de l'empire espagnol.
Les deux présidents s'étaient toutefois rencontrés une première fois en décembre et avaient convenu de ne jamais « recourir à la force »
Le Venezuela a remis des documents à la CIJ
Néanmoins, le Venezuela a remis, lundi dernier, des documents à la Cour internationale de justice (CIJ) - même s'il ne reconnaît pas sa compétence - pour tenter de prouver sa légitimité à réclamer la souveraineté sur l'Essequibo. Selon la vice-présidente vénézuélienne Delcy Rodriguez, qui s'est rendue en personne à la Cour à La Haye, les documents « contiennent la vérité historique et les preuves démontrant que nous sommes les seuls à détenir un titre de propriété sur le territoire de la Guayana Esequiba (autre nom de l'Essequibo) ».
Dans un communiqué, le Guyana s'est félicité de cette remise de documents par Caracas. « Il est bon pour le Tribunal d'avoir devant lui les conclusions des deux parties » et d'être ainsi « en mesure de prendre en compte tous les arguments et les éléments de preuve pour rendre un jugement », selon le texte. Saisi par le Guyana, le Conseil de sécurité des Nations unies discutera mardi du sujet à huis clos, ont indiqué des responsables guyaniens lundi soir.
(Avec AFP)