Face à la résistance de l’inflation, la Fed ne baisse toujours pas ses taux

La Réserve fédérale américaine (Fed) a maintenu mercredi ses taux inchangés, qui demeurent au plus haut depuis plus de vingt ans, et elle conserve le projet de réduire le coût du crédit par trois fois cette année et d'effectuer trois autres baisses en 2025.
Jerome Powell, le président de la Fed.
Jerome Powell, le président de la Fed. (Crédits : Evelyn Hockstein)

Pour la cinquième fois d'affilée, les taux américains restent inchangés entre 5,25% et 5,50%. Mais ils vont baisser trois fois d'un quart de point d'ici à la fin de l'année. Sans surprise, le rebond de l'inflation aux Etats-Unis a encouragé la banque centrale américaine (Fed) à rester prudente mercredi en maintenant non seulement ses taux  inchangés et en conservant également l'ambition de les réduire par trois fois cette année. Surtout, les banquiers centraux ont revu leur scénario pour 2025. Ainsi, ils anticipent trois autres baisses de taux - contre quatre anticipées lors de la réunion de décembre - pour descendre ces derniers à 3,9%.

Pour rappel, les taux au jour le jour fixés par la Réserve fédérale représentent le coût de l'argent que les banques se prêtent entre elles.

L'inflation résiste

Les membres de la banque centrale américaine ont par ailleurs relevé nettement leur projection de croissance du PIB (produit intérieur brut) américain à 2,1% au lieu de +1,4% précédemment. Aucun calendrier d'une baisse des taux n'a été communiqué. Avant de lancer le mouvement, ses responsables veulent être certains que les prix ne se remettent pas à flamber.

Or, l'inflation résiste. Elle est remontée à 3,2% sur un an en février selon l'indice des prix à la consommation (CPI), contre 3,1% en janvier. Quant à l'indice PCE, privilégié par la Fed et qu'elle veut ramener à 2%, il n'a pas encore été publié pour février, mais avait en janvier ralenti sur un an, à 2,4% contre 2,6%, et accéléré sur un mois, à 0,3% contre 0,1%. A tel point qu'avec cette remontée des prix, le marché n'excluait pas que la Fed n'envisage plus que deux baisses seulement cette année. L'inflation américaine reste « encore élevée », a déclaré Jerome Powell, le patron de la banque centrale américaine. Dans ses nouvelles prévisions économiques, la Fed anticipe, comme il y a trois mois lors de ses dernières projections, une inflation à 2,4% en 2024, qui a du mal à descendre sous son niveau actuel, selon l'indice PCE.

Première baisse en juin ou juillet ?

La majeure partie des acteurs du marché attendent la première baisse en juin. « Et si ce n'est pas juin, ça sera en juillet », estimait avant l'annonce de la Fed Kathy Bostjancic, cheffe économiste pour la compagnie d'assurances Nationwide. Pour rappel, lors de la dernière réunion, en décembre, Jerome Powell, avait pris de court les marchés en écartant l'hypothèse d'une première baisse en mars. Mais, début mars, devant des élus du Congrès, il a averti que « les perspectives économiques sont incertaines et la poursuite des progrès vers notre objectif d'inflation de 2% n'est pas assuré ».

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Les Etats-Unis peuvent attendre. La hausse des taux n'a pas eu de conséquence sur l'économie ni provoqué une hausse significative du chômage. Le marché de l'emploi en effet, auquel on promet un net ralentissement depuis des mois, reste étonnamment solide. Le taux de chômage a certes grimpé en février à 3,9%, mais 275.000 emplois ont été créés, en hausse de nouveau par rapport à janvier. « S'il y avait un affaiblissement significatif du marché du travail, cela serait une raison d'entamer une baisse des taux », a déclaré Jerome Powell. Selon la Fed, le taux de chômage va progresser moins qu'elle ne le craignait, à 4% cette année et 4,1% l'année prochaine.

Une baisse des taux de la Fed ferait baisser les taux d'intérêt, une bonne nouvelle pour les ménages et les entreprises. Bien que l'institution soit indépendante du pouvoir politique, ses décisions peuvent jouer en faveur de l'un ou l'autre des candidats, alors qu'un nouveau duel se profile entre Joe Biden et Donald Trump. Lorsqu'il était à la Maison Blanche, le républicain avait rompu avec cette indépendance, s'attaquant régulièrement à la Fed et à ses responsables, allant même jusqu'à les qualifier de « crétins ».

 La BCE ne veut pas arriver trop tard

De l'autre côté de l'Atlantique, Christine Lagarde, la présidente de la  Banque centrale européenne (BCE) a tiré la sonnette d'alarme sur un ajustement des taux qui interviendrait « trop tard ». Avec l'atterrissage progressif de l'inflation, la BCE est sous pression pour entamer un cycle de baisse de taux car leur niveau record commence à peser sur l'activité économique.

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Les responsables de la BCE veulent voir comment vont évoluer trois indicateurs clés - les hausses de salaires, les marges des entreprises et la hausse de la productivité - pour s'assurer que l'inflation se dirige bien vers la cible de 2% à moyen terme, a expliqué Christine Lagarde lors d'une conférence à Francfort. Mais compte-tenu des délais avec lesquels ces données sont disponibles, « nous ne pouvons pas attendre de disposer de toutes les informations pertinentes », a reconnu la présidente de l'institution.

« En agissant ainsi, nous risquerions d'ajuster notre politique trop tardivement », a-t-elle ajouté.

Les taux d'intérêt élevés pèsent sur la demande et les investissements, ce qui permet de réduire les pressions inflationnistes mais en risquant d'asphyxier l'activité économique. Lors de sa dernière réunion du conseil des gouverneurs, la BCE a laissé entendre qu'une première baisse des taux se profilait en juin, ouvrant un nouveau chapitre de la politique monétaire après la série inédite de hausses lancée depuis juillet 2022 pour lutter contre la flambée des prix. Le taux sur les dépôts, qui sert de référence, campe depuis octobre à son plus haut, à 4%. Dans les mois à venir, la BCE va atteindre un « niveau de confiance » suffisant pour une « première décision politique » sur ses taux, selon Christine Lagarde.

L'institution monétaire disposera notamment fin mai des données sur la croissance négociée des salaires au premier trimestre de 2024, et d'ici juin, de projections économiques de nature à confirmer ses prévisions sur l'évolution de l'inflation. En mars, la BCE a dit s'attendre à ce que la hausse des prix atteigne l'objectif de 2% en 2025, après 2,3% en 2024, sous l'effet de l'impact plus faible des prix de l'énergie. Si Christine Lagarde a laissé entendre que les taux pourraient baisser pour la première fois en juin, la BCE ne peut pas s'engager au-delà sur un nombre prédéfini de baisses. En mars, un panel d'analystes sondés par la BCE prévoyait un taux sur les dépôts ramené à 2,25% d'ici à fin 2025.

Commentaires 6
à écrit le 21/03/2024 à 8:25
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Le pire serait de baisser les taux et d'être obligé de les remonter le mois suivant.

à écrit le 20/03/2024 à 23:41
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"la Fed ne baisse toujours pas ses taux" Il ne peut en être autrement après que le régime Biden ait ruiné les USA en subventionnant sans limite l'industrie pharmaceutique tandis que chaque jour le bilan de la Fed ne cesse de se creuser par des ...

à écrit le 20/03/2024 à 21:05
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C'est évident, la Fed a trop tardé pour augmenter ses taux, du coup pour compenser elle est obligée de les laisser haut longtemps, c'est le B-A-BA de la régulation

le 20/03/2024 à 21:08
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"la Fed a trop tardé pour augmenter ses taux"... Quels sont vos arguments?

le 20/03/2024 à 22:06
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John : L'argument est évident, non ? Si la Fed n'avait pas autant tardé, l'inflation n'aurait pas été aussi importante. Pareil et encore pire en Europe

le 21/03/2024 à 8:26
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Si la FED avait tardé elle aurait davantage augmenté ses taux.

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