La Banque centrale indienne ne l'avait pas précédemment annoncé, mais elle vient pourtant d'instaurer ce mercredi 4 mai une hausse de son taux directeur. Le gouverneur de la Reserve Bank of India (RBI), Shaktikanta Das, a en effet déclaré « augmenter le taux directeur de 40 points de base à 4,40% avec effet immédiat ».
Une hausse du taux directeur pousse ensuite les banques commerciales à proposer des taux d'intérêt plus élevés pour les crédits accordés à leurs clients (pour l'achat d'une maison, d'une voiture, ou encore d'une télévision, par exemple). Le but : faire ralentir la consommation pour alléger la pression sur les prix, au risque toutefois de peser sur la croissance économique.
Le Comité de politique monétaire de la BRI a également abaissé ses prévisions de croissance à 7,2% pour l'exercice fiscal 2022-2023 contre 7,8% prévus précédemment. Et relevé ses prévisions d'inflation à 5,7% pour l'exercice fiscal qui a débuté le 1er avril, contre 4,5% en février.
À la Bourse de Bombay, l'indice de référence Sensex a chuté de 2,50% dans les échanges de l'après-midi, suivant l'annonce surprise.
Objectif : « stabiliser le navire »
Avec cette hausse inopinée, il s'agit de la première augmentation des taux d'emprunt en Inde, de 0,4%, depuis août 2018. Ce qui met un terme à deux années de taux d'intérêt bas record.
La troisième plus grande économie d'Asie a fortement rebondi après la pandémie avec un des taux de croissance les plus rapides au monde mais elle est à présent confrontée à la hausse des coûts due à l'envolée des cours des matières premières.
« Comme plusieurs tempêtes se sont abattues ensemble, nos actions d'aujourd'hui sont des mesures importantes pour stabiliser le navire », a expliqué le gouverneur, dans une allocution télévisée. « Le plus alarmant, ce sont les pressions inflationnistes persistantes qui se propagent et s'accentuent de jour en jour ».
L'inflation des prix à la consommation a régulièrement dépassé l'objectif de 2 à 6% de la RBI sur les trois premiers mois de l'année, atteignant 6,95% en mars, son plus haut niveau en 17 mois. Les économistes s'attendent même à ce que l'inflation dépasse les 7% en avril.
Une hausse « opportune »
Pour Aditi Nayar, économiste en chef de l'ICRA, agence indienne indépendante de notation de crédit et d'analyses d'investissement, la hausse du taux est « très opportune, car notre propre projection d'inflation IPC (indice des prix à la consommation) pour avril 2022 est de 7,4%. En avançant la décision sur les taux d'environ un mois, le comité de politique monétaire s'est attaché à empêcher les anticipations inflationnistes de se désancrer dans un environnement de plus en plus incertain ». La réunion du comité sur les taux était initialement fixée au 8 juin.
L'Inde est le plus grand importateur mondial d'huiles comestibles telles que l'huile de palme et l'huile de soja, qui se négocient à des niveaux record. Ce pays de 1,4 milliard d'habitants importe également plus de 80% de ses besoins en pétrole, sa dépendance à l'égard du brut étranger augmentant avec la baisse de la production nationale.
Les États-Unis veulent aussi réduire l'inflation au plus vite
Cette hausse inopinée du taux directeur indien intervient quelques heures avant que la Réserve fédérale américaine ne procède à sa plus importante hausse de taux en deux décennies pour répondre à l'accélération de l'inflation dans la première économie mondiale.
À l'issue d'une réunion de deux jours ce mercredi 4 mai, le Comité de politique monétaire de la Réserve fédérale (Fed) devrait annoncer une hausse d'un demi-point de pourcentage du taux directeur. Ce serait la première de cette ampleur depuis mai 2000, mais pas la première. Depuis mars, en effet, la Fed a commencé à relever ses taux. Elle avait néanmoins agi avec prudence en les portant dans une fourchette comprise entre 0,25 et 0,50%, soit une hausse de 0,25 point de pourcentage. Elle avait toutefois signalé sa volonté de procéder à six autres hausses cette année, soit autant que de réunions d'ici à fin 2022.
Depuis, l'inflation a continué de grimper. Aggravée par la guerre en Ukraine, elle a atteint en mars un sommet jamais vu depuis décembre 1981 : +8,5% sur un an, selon l'indice CPI. C'est le président de la puissante institution, Jerome Powell, qui a lui-même annoncé le 21 avril qu'il était « absolument essentiel » de rétablir la stabilité des prix et de relever « rapidement » les taux.
Une stratégie que n'a pas choisi d'opter la Banque centrale européenne qui préfère laisser, pour le moment, ses taux directeurs inchangés depuis près de huit ans (0,5 %, 0% et -0,5%) malgré un taux d'inflation qui a atteint 7,5% en mars sur un an dans la zone euro.