Le rebond de l'économie mondiale submergé par les vagues d'épidémie

La contraction de l’économie planétaire provoquée par la lutte contre la pandémie a été "d’une ampleur inédite" ont rappelé les économistes de Candriam en présentant leurs perspectives 2021. Si l'activité en Chine devrait rapidement retrouver son niveau d'avant crise, c'est loin d'être le cas pour les Etats-Unis et l'Europe.
Grégoire Normand
(Crédits : Reuters)

La pandémie a provoqué un effondrement vertigineux de l'économie mondiale. Les dernières projections de Candriam publiées ce jeudi 10 décembre montrent un décrochage violent du produit intérieur brut planétaire (PIB) avec une récession proche de 4% pour 2020. "L'économie mondiale vient de traverser un choc sans précédent. C'est un choc inédit depuis la Grande récession de 2008. Le FMI attend dans ses projections un niveau d'activité 6% plus bas qu'en 2019" a déclaré Anton Brender, chef économiste chez Candriam lors d'un point presse. La croissance n'est pas prête de retrouver sa trajectoire de 2019. Selon les calculs des économistes du gestionnaire d'actifs, la différence entre le scénario sans pandémie et le niveau actuel est d'environ 5,8%. La chute de l'activité a frappé tous les continents et la reprise promet d'être laborieuse avec des séquelles durables sur l'activité.

La Chine "tire son épingle du jeu"

La Chine qui a été le premier foyer de contamination à l'échelle du globe devrait mieux s'en tirer. "La Chine tire son épingle du jeu. Elle s'est recentrée sur elle même. La pandémie a continué d'accélérer ce mouvement" a signalé Anton Brender. Après un repli historique, l'activité a rapidement rebondi. "Il y a eu une chute spectaculaire du PIB mais l'activité est presque revenue à son niveau d'avant-crise. Le niveau d'activité dans la construction est supérieur à celui d'avant-crise. Les services ont été les plus affectés" a ajouté l'économiste. Le PIB chinois devrait ainsi augmenter de 1,9% en 2020 et accélérer à 9,6% en 2021 contre 6,1% en 2019. Les autorités chinoises ont lancé des investissements massifs dans les infrastructures. "La contraction a été amortie en partie par la construction" ajoute-t-il. Si les ventes au détail et la consommation sont reparties, elles sont loin d'avoir retrouvé leur niveau antérieur à la crise. Le taux d'épargne dans les ménages urbains culmine encore à des sommets (proche de 40%) et le taux de chômage poursuit sa décrue autour de 5,2%.

Pour les entreprises, la distribution de crédits a rebondi vigoureusement. Résultat, la dette du secteur privé non financier et des entreprises non financières s'envolent. Du côté des finances publiques, le déficit atteindrait 10% du PIB. "A la fin de 2020, la Chine retrouverait sa trajectoire de croissance et connaîtrait un rebond en 2021" indique Anton Brender. Si les autorités chinoises ont décidé de revoir leur modèle économique en recentrant leurs forces sur l'économie domestique après des années d'expansion internationale poussée par une forte industrialisation, elles restent néanmoins un acteur prédominant dans le commerce mondial. En effet, elle vient de signer un accord de libre-échange sur la zone Asie-Océanie comprenant environ 2 milliards d'habitants et représentent environ un tiers du PIB et du commerce mondial. "Avec la signature de ce grand traité avec les autres pays de l'Asie, cela participe à la stratégie de recentrage de la Chine" a ajouté Anton Brender.

Les Etats-Unis au bord du gouffre en attente d'un plan de relance

La crise sanitaire risque de laisser des traces profondes sur l'économie américaine. La gestion sanitaire jugée calamiteuse du président Trump a entraîné une hausse dramatique du nombre de morts et de contaminés sur le sol américain. Si l'issue de la dernière élection présidentielle américaine et la victoire de Joe Biden ont sans doute redonné espoir à des millions d'Américains et ont pu affoler les Bourses mondiales, l'économie outre-Atlantique est en lambeaux. "Le rebond de la croissance au troisième trimestre est spectaculaire mais le niveau reste encore inférieur à celui d'avant-crise. La consommation n'est pas revenue à son niveau d'avant crise alors que l'investissement résidentiel a accéléré" indique Anton Brender. Peu de temps après le pic des contaminations, l'administration de Donald Trump avait mis en oeuvre des dispositifs qui ont permis aux Américains de préserver leurs revenus, voire de les augmenter pendant que le chômage flambait.

"L'Etat a emprunté l'épargne des plus aisés et l'a transférée vers les ménages les plus modestes qui ont le plus souffert. Les pertes de salaires ont été largement compensées par les dispositifs mis en oeuvre par l'Etat fédéral" a expliqué Anton Brender.

> Lire aussi : "Aux Etats-Unis, les ménages ont gagné des revenus pendant la crise"

Si l'activité a rebondi au troisième trimestre, le redémarrage de la consommation est poussif outre-Atlantique. "Le choc est venu de la baisse de la dépense des ménages liée au confinement. La baisse a concerné d'abord les ménages à hauts revenus. Le niveau de dépense pour ces ménages n'est pas revenu à la normale. Comme ils sont les plus grands consommateurs de services d'hôtellerie et de restauration, la demande demeure déprimée dans ces secteurs" explique le conjoncturiste.

"On prévoit un retour de la croissance à fin 2021. La perspective d'une vaccination massive conforte l'idée d'un retour de la croissance. Il demeure des risques. Le choc sur l'investissement des entreprises devrait se résorber sans trop de difficultés. En revanche, beaucoup d'interrogations sur les comportements de consommation demeurent, notamment sur le partage entre le commerce en ligne et le commerce physique. L'explosion du commerce électronique ne va pas forcément créer beaucoup d'emplois contrairement au commerce physique".

Le rebond de l'économie américaine va également dépendre du calendrier de mise oeuvre du plan de relance annoncé par le candidat Biden lors de sa campagne. Si son arrivée officielle à la Maison Blanche est prévue le 20 janvier prochain, cela signifie que les principales mesures ne seront pas effectives avant le mois de février. "Le président Biden arrive avec un programme qui devrait sécuriser l'emploi dans les années à venir avec le Cares Act. D'abord à court terme, un stimulus est prévu pour soutenir les chômeurs. Son programme vise à créer des emplois de qualité avec le Build Back Better. Le futur chef de l'Etat a prévu une modernisation des infrastructures américaines pour contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique. D'ici 2021, le surcroît d'endettement public d'environ 3.000 milliards de dollars seront absorbés par les fonds monétaires et la réserve fédérale".

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La reprise de la zone euro en sursis

L'économie européenne est en pleine tourmente. Après un printemps désastreux et un fort rebond de l'activité l'été dernier, la seconde vague a anéanti tout espoir d'une reprise rapide et solide de l'activité. La plupart des grandes puissances économiques ont remis en oeuvre des mesures de confinement et la stagnation des contaminations depuis quelques jours dans des pays comme la France ne laissent pas entrevoir de perspectives favorables à court terme. "C'est un choc profond au second trimestre et il y a eu un très fort rebond au troisième trimestre. Le rebond de l'activité n'est pas identique selon les pays. En Espagne, le choc sur l'économie demeure relativement sévère à la fin du troisième trimestre" a résumé la directrice de la recherche économique chez Candriam Florence Pisani. Pour 2021, la croissance devrait augmenter de 7,6% dans l'union monétaire après un recul du même ordre en 2020 mais de nombreuses incertitudes persistent.

Si la plupart des Etats sur le Vieux continent ont adopté des stratégies pour préserver l'emploi contrairement aux Etats-Unis, les répercussions sur le marché du travail sont immenses. "A l'intérieur de la zone, le choc sur l'emploi est loin d'avoir été partout le même" a-t-elle ajouté. Les pays qui ont de fortes proportions de travailleurs à bas salaires ou peu qualifiés ont été plus durement frappés par la crise. Les risques de pertes d'emplois concernant les bas revenus sont particulièrement élevés, notamment en Espagne ou en Irlande. "Malgré le choc sur l'activité en Allemagne, l'emploi a été préservé contrairement à l'Espagne. Le choc sur l'emploi a été plus faible aussi en France ou en Italie. La conséquence de cette évolution de l'emploi se traduit par un choc important sur le revenu disponible" a signalé Florence Pisani.

La reprise de l'épidémie à l'automne a freiné l'activité dans la plupart des pays, notamment dans les services alors que l'industrie semble plus préservés selon les derniers indices PMI des directeurs d'achats qui constituent des indices avancés des niveaux d'activité. "La perspective d'une vaccination progressive rend possible un scénario de retour du PIB sur sa tendance de long terme à fin 2021" indiquent les économistes de Candriam.

Malgré ces lueurs d'espoir, les dégâts sur le marché du travail sont colossaux. Pour mesurer cet impact, il faut rappeler que plus de 3,9 millions d'emplois doivent être crées pour parvenir à un chômage de 7,4% à la fin 2021. Enfin si le plan de relance n'est pas encore voté, "les discussions laissent penser qu'il pourra passer [...] Le plan NextgenerationEU comprend 390 milliards d'euros de dons et 360 milliards d'euros de prêts. Ce plan ne devrait pas permettre de réduire les divergences entre les pays de la zone euro" a-t-elle conclu.

> Lire aussi : L'économie européenne n'échappe pas à la seconde vague, malgré quelques résistances

Grégoire Normand
Commentaires 5
à écrit le 11/12/2020 à 8:41
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Sauf que la Chine dépend énormément de ses exportations, si donc l'économie américaine et européenne n'est pas au mieux leurs consommateurs ne doivent pas pouvoir acheter comme avant donc on nous ballade sur ce sujet, soit le gouvernement chinois tra...

à écrit le 11/12/2020 à 7:51
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Personnellement, je ne vois pas de ralentissement dans mon activité immobilière. Les gens se ruent sur l'achat immobilier en n'hésitant pas à s'endetter sur de longue période, 25 bonnes années. Donc eux aussi so t confiant dans l'avenir, comme les ba...

le 11/12/2020 à 8:38
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"La notion de libre arbitre a été inventée par la classe dirigeante" Nietzsche

à écrit le 11/12/2020 à 2:40
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Pourtant, c'est ce qu'on voulait, avec les réunions COP, non ? Polluer, donc consommer moins ? On se plaint de quoi, finalement, au juste ?

à écrit le 10/12/2020 à 23:57
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Il est temps d envoyer la facture au gouvernement chinois ou de les boycotter...

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