Les prix du pétrole en route vers les 100 dollars

La perspective de l'embargo européen sur les importations russes de pétrole en décembre, après la réduction de l'offre de l'Opep+, soutiennent les cours du brut, qui ont progressé de 22% depuis la fin septembre, alors que les réserves stratégiques de pétrole aux Etats-Unis sont au plus bas depuis 1984.
Robert Jules
L'un des 4 sites des réserves stratégiques de pétrole (SPS) aux Etats-Unis, au Texas.
L'un des 4 sites des réserves stratégiques de pétrole (SPS) aux Etats-Unis, au Texas. (Crédits : Reuters)

Depuis son dernier point bas atteint le 27 septembre, le prix du baril de Brent a augmenté de plus de 22% pour évoluer au-dessus de 97 dollars ces derniers jours. Sur un an, il est en hausse de 15%. De son côté, le prix du baril de WTI a progressé de plus de 23%, la référence américaine, pour dépasser aujourd'hui les 90 dollars. Sur un an, il a augmenté de 10%.

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Brent

Malgré les risques de récession, synonyme de baisse de la demande mondiale, c'est l'évolution de l'offre qui préoccupe les investisseurs sur les marchés à terme. Dans la semaine se terminant le 1er novembre, quelque 3,3 milliards de dollars sont venus s'investir sur ces marchés, davantage sur le brut que sur les produits raffinés (essence, diesel et fuel domestique). « L'Union européenne va interdire les importations de brut russe à partir du 5 décembre en contrôlant les assurances et le financement de leur transport maritime, mais le marché évalue la possibilité que l'embargo soit contourné par l'imposition d'un prix plafonné du brut russe comme le propose le G7 », commente Michael Haigh, directeur de la recherche sur les marchés des matières premières chez SG.

Pressés par Kiev de ne pas fournir de revenus à la Russie, les pays européens se sont mis d'accord en juin pour interdire tout achat de brut russe à partir du mois prochain (pour les autres produits raffinés, ce sera en février). Mais, entre-temps, sous la pression des Etats-Unis, les pays du G7 ont approuvé une solution alternative, sous la forme de l'imposition d'un prix plafond du brut russe vendu à l'international. Celle-ci a l'avantage de ne pas réduire l'offre pétrolière mondiale tout en réduisant les recettes de Moscou pour financer son effort de guerre en Ukraine.

Comment va réagir Moscou ?

Or, à ce jour, au-delà des déclarations de la Commission européenne, les détails de l'application de l'embargo tout comme ceux de l'imposition d'un prix plafond restent à définir, ainsi que l'articulation entre les deux mécanismes. En attendant, les investisseurs font le choix de prendre des positions sur le marché, d'autant que l'on ignore comment va réagir Moscou. « Il y aussi des préoccupations croissantes sur le fait que la Russie réponde aux sanctions européennes en retirant des barils du marché pour pousser les cours à la hausse et infliger des dommages aux économies européennes, comme elle l'a fait pour le gaz », souligne Michael Haigh, en rappelant que « le gouvernement russe a indiqué qu'il refuserait de vendre du pétrole aux signataires de l'accord. »

Autre paramètre, celui-ci déjà intégré par les marchés à terme, l'application de de la décision de réduire de 2 millions de barils par jour (mb/j) depuis le début du mois de novembre l'offre de l'Opep+ (partenariat entre l'Opep et d'autres pays exportateurs dont la Russie). En réalité, la réduction de l'offre sera de 1 mb/j, nombre de pays n'arrivant pas à atteindre leur quota théorique, à l'exemple de la Russie. Il n'en reste pas moins que cette réduction, motivée par le risque d'une chute des prix liée à un ralentissement de la demande pétrolière mondiale, est un facteur de hausse. « Je pense que l'Opep+ est très satisfaite avec un prix du Brent qui se stabilise autour des 90 dollars », considère Helge Andre Martinsen, analyste chez DNB Bank, cité par l'agence Bloomberg. Mais, juge l'expert, « il y a un risque réel de forte tension du marché dans les 3 à 5 prochains mois ». Un tel scénario ferait franchir le seuil des 100 dollars, selon plusieurs experts.

Pour le dernier trimestre de l'année, l'Agence internationale de l'énergie prévoit une production mondiale de 101 mb/j dont 50,8 mbj provenant théoriquement de l'Opep+. En septembre, cette dernière avait produit 44,78 mb/j, selon les calculs de l'AIE.

L'inconnue chinoise

L'une des inconnues est l'évolution de la demande pétrolière chinoise. En 2022, selon l'AIE, elle devrait baisser de 4% par rapport à 2021, mais repartir à la hausse en 2023, de 5,5%, à 15,63 mb/j. « Les perturbations (entraînées par la stricte politique de zéro Covid) joueront encore un rôle important qui va peser sur la demande de pétrole chinoise au premier trimestre de 2023 et après. Si la croissance économique repart en avril, la demande pétrolière ne dépassera pas significativement les niveaux de 2021 avant septembre 2023 », prévoient les experts de l'AIE.

Mais ce qui inquiète le marché n'est pas tant le pétrole brut que les produits raffinés, notamment ceux du diesel, qui évoluent à des niveaux records cette année (voir graphique) aux Etats-Unis.

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prix du diesel US

« La hausse rapide des prix du diesel reflète le faible niveau des stocks à l'approche de la demande de la saison hivernale », avertissait la semaine dernière l'Agence d'information sur l'énergie (EIA) américaine. Depuis le mois d'avril, les stocks de produits raffinés aux Etats-Unis sont 20% inférieurs à leur moyenne des cinq dernières années.

Sur le marché à terme, cette situation se reflète dans le prix du fuel de chauffage qui s'affiche en hausse de plus de 52% sur un an (voir graphique).

fuel de chauffage

Dernier facteur important pour le marché pétrolier : le résultat des élections de mi-mandat aux Etats-Unis. Joe Biden n'a eu de cesse depuis l'invasion russe de l'Ukraine de critiquer l'Opep et ses partenaires ainsi que les majors pétrolières américaines. Il les accuse de ne pas augmenter leur production pour faire baisser les prix à la pompe alors que le coût de la vie s'envole en raison d'une inflation record. Le mécontentement des ménages américains pourrait faire perdre au président sa faible majorité démocrate au Congrès.

Manipulation des cours à des fins politiques

D'autant qu'une polémique s'est invitée dans le débat de campagne. Les conservateurs ont reproché à Joe Biden de manipuler les cours du pétrole à des fins politiques en puisant 180 millions de barils dans les réserves stratégiques (SPR) du pays (l'équivalent d'un peu moins de 2 jours de consommation pétrolière mondiale). La dernière tranche de 15 millions de barils sera mise sur le marché en décembre. Aujourd'hui, le volume restant est de 396,2 millions de barils, le niveau le plus bas depuis avril 1984 (voir graphique), ce qui est aussi un facteur de soutien des cours.

réserves stratégiques de pétrole

De son côté, l'Arabie saoudite a également justifié le choix de réduire de 2 mb/j son offre en raison de la mise sur le marché de ces barils, accusant Washington de manipuler les prix en recourant aux réserves stratégiques.

Lire aussiPétrole : les Saoudiens accusent Biden de jouer avec ses réserves stratégiques pour manipuler les cours

Cela n'a pas empêché l'administration Biden de répéter le mois dernier que le président était prêt à puiser à nouveau dans ces stocks stratégiques si les prix du brut restaient trop élevés. Reste à savoir si cette promesse convaincra les électeurs américains.

Robert Jules
Commentaires 6
à écrit le 08/11/2022 à 19:48
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Depuis le début des années 70 le pétrole, il monte..il descend du simple au quintuple. Pour l'instant il monte mais avec la récession en Chine en Ue et aux US, il finira par redescendre dès que les stocks seront reconstitués et qu'l faudra bien écoul...

à écrit le 08/11/2022 à 19:41
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Avec 50 cents de ristourne, nous sommes souvent plus cher que nos voisins européens qui eux ne pratiquent pas de ristourne....à plus de 1.85€ le gasoil, c'est donc plus de 2.35€ du litre pour bientôt...merci les taxes! Même en Suède le carburant est ...

à écrit le 08/11/2022 à 18:45
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Bonjour, Bien sûr, actuellement les prix sont a la hausse, mais dans quelques mois lorsque la mobilité électrique sera plus importantes et que le transport sera passer a l'hydrogène, le prix risque d'être en chute libre... Actuellement, ils nous fa...

le 08/11/2022 à 19:39
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Lol. Vous m'avez bien fait rire avec votre utopie écolo. Le problème est pour tout de suite , pas dans quelques mois

le 08/11/2022 à 19:55
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C'est du second degré?

le 08/11/2022 à 20:16
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vous avez raison que la mobilité d'annoncer que la mobilité individuelle sera reservé au plus riches. Que le rationnement ne touchera que les plus pauvres (ou les plus sages). Votre utopie se transformera en dystopie bien connue de GO 1 9 8 4

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