Cela fait maintenant cinq mois que dure le conflit en Ukraine, victime de l'invasion russe le 24 février dernier. Cinq mois également que patientent dans les ports du pays 25 millions de tonnes de céréales, cruciales pour la sécurité alimentaire mondiale.
L'espoir de voir cette manne de matières premières débloquée pour être exportée vers les pays les plus dépendants comme ceux d'Afrique semblait pouvoir devenir bientôt réalité avec la signature, vendredi dernier, d'un accord par la Russie et l'Ukraine à Istanbul avec l'ONU et la Turquie. Ce dernier prévoit la mise en place de « couloirs sécurisés » permettant la circulation des navires marchands en mer Noire. Mais le bombardement, au lendemain de la signature de l'accord, du grand port d'Odessa par l'armée russe, est venu doucher cette bouffée d'optimisme.
Odessa, plus grande ville et plus important port de toute la côte de la mer Noire, est cruciale pour la reprise des exportations de céréales ukrainiennes : avant le déclenchement du conflit, l'exportation de blé, maïs et tournesol d'Ukraine se faisait à 90% par la mer et pour l'essentiel par Odessa, qui concentrait 60% de l'activité portuaire du pays. En tirant ainsi des missiles de croisière sur ce port, le président russe a « craché au visage du secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres et du président turc Recep (Tayyip) Erdogan, qui ont déployé d'énormes efforts pour parvenir à cet accord », a dénoncé le porte-parole du ministère des Affaires étrangères Oleg Nikolenko. L'Ukraine a prévenu que la Russie assumerait « l'entière responsabilité » en cas d'échec de l'accord signé vendredi.
Des exportations qui pourraient commencer « cette semaine »
Malgré tout, Kiev se veut optimiste quant à sa mise en oeuvre et le pays s'attend à reprendre ses premières exportations de céréales depuis le début de la guerre « dès cette semaine ». C'est en effet ce qu'a déclaré Oleksandre Koubrakov, lors d'une conférence de presse, lundi. « Nous nous attendons à ce que l'accord commence à fonctionner dans les prochains jours et nous prévoyons qu'un centre de coordination sera mis en place à Istanbul dans les prochains jours. Nous préparons tout pour commencer dès cette semaine », a-t-il assuré.
Le vice-ministre de l'Infrastructure, Iouri Vaskov, a précisé que le port de Tchornomorsk (sud-ouest) sera le premier à fonctionner pour les exportations, suivi par celui d'Odessa (sud), puis par celui de Pivdenny (sud-ouest). « Dans les deux prochaines semaines, nous serons techniquement prêts à effectuer des exportations de céréales depuis tous les ports ukrainiens », a-t-il affirmé.
Les bombardements russes « ne gênent pas » les exportations
Oleksandre Koubrakov a, néanmoins, souligné que l'entrave principale à la reprise de ces exportations était le risque de bombardements russes. Il a ainsi appelé les garants de l'accord, la Turquie et l'ONU, à garantir la sécurité des convois ukrainiens. « Si les parties ne garantissent pas la sécurité, cela ne marchera pas », a-t-il prévenu.
La Russie s'est, elle, défendue de mettre en péril le bon déroulement de l'accord, assurant que les frappes contre le port d'Odessa ne constituent pas un obstacle aux exportations de céréales ukrainiennes. Les bombardements « visent uniquement l'infrastructure militaire. Ce n'est pas du tout lié à l'infrastructure utilisée pour la mise en oeuvre de l'accord sur les exportations de céréales », a estimé, lundi, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov. « C'est pourquoi cela ne peut ni ne doit gêner le début du processus de chargement », a-t-il ajouté lors de son briefing téléphonique quotidien à la presse.
L'Ukraine doit, de son côté, entamer le déminage autour de ses ports. Le pays y a en effet placé des mines marines pour se prémunir d'un assaut amphibie russe, mais cela empêche également le passage des vraquiers et bateaux. Oleksandre Koubrakov a indiqué que ce déminage n'aurait lieu que « dans le couloir nécessaire pour les exportations ». Des navires ukrainiens accompagneront les convois, qui pourront transporter non seulement des céréales, mais aussi des fertilisants, a-t-il ajouté.
(Avec AFP)