Quand John Kennedy se retourne dans sa tombe

CHRONIQUE LE MONDE À L'ENDROIT — Joe Biden va devoir combattre désormais contre deux adversaires pour la présidentielle du 5 novembre. Trump naturellement, mais aussi Robert Kennedy Jr, neveu du président assassiné et grand complotiste au pouvoir de nuisance évident, si l’on en croit les sondages des intentions de vote dans les swing states.
François Clemenceau
François Clemenceau
François Clemenceau (Crédits : © LTD / DR)

À l'époque où John Fitzgerald Kennedy présidait aux destinées des États-Unis, son neveu Robert Francis Jr n'était qu'un enfant. Fils du ministre de la Justice, troisième d'une fratrie de onze, il a vécu l'assassinat de son oncle en 1963, puis de son père en 1968, comme une double tragédie. À l'image de tant d'autres membres de la dynastie, il a essayé de servir son pays. Notamment, et courageusement, en faveur de la cause écologique, dont il fut l'un des avocats infatigables. Mais voilà que, devenu septuagénaire, comme s'il regrettait de ne pas l'avoir fait plus tôt, « RFK Jr » se lance dans la campagne présidentielle. Non plus comme concurrent de Joe Biden dans le jeu des primaires du parti démocrate, qu'il a fini par délaisser, mais en tant que candidat indépendant. Dans une Amérique qui regrette un second duel Biden-Trump, il s'offre comme le recours capable de renverser la table. Quitte à favoriser la victoire de l'ennemi, Donald Trump.

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Biden menacé

À supposer que Robert Kennedy Jr parvienne à imposer légalement son nom sur les bulletins de vote dans les sept États-charnières du 5 novembre, l'affaire serait très mal partie pour Joe Biden. Selon le dernier sondage d'envergure publié mercredi par le Wall Street Journal, le candidat « indépendant » ferait effectivement perdre le président sortant dans six de ces États clés. En Géorgie, ses 8 % le feraient chuter de 3 points face à Trump. Dans l'Arizona, avec 13 %, Kennedy offrirait la victoire à l'ancien président de 5 points sur Biden. Dans le Michigan, le Nevada et la Caroline du Nord, RFK Jr permettrait une revanche du « milliardaire » populiste avec respectivement 2, 4 et même 8 points d'avance. En Pennsylvanie, pourtant berceau de Joe Biden, Kennedy lui ferait mordre la poussière en favorisant une victoire de Trump à 41 % contre 38 %. Il n'y a, à ce stade, que dans le Wisconsin que Biden pourrait espérer sortir honorablement en tête d'une course à trois.

Dans l'hypothèse d'un duel avec Trump, Biden l'emporterait

Rien ne dit bien sûr que Robert Kennedy Jr parviendra à se présenter dans les délais avec sa colistière, Nicole Shanahan, une avocate californienne de 38 ans. Cette figure du milieu de la tech lui apporte un soutien financier considérable. De quoi sillonner le pays afin d'installer des permanences électorales dans les États qui comptent et d'obtenir suffisamment de signatures d'électeurs pour obtenir l'autorisation de concourir par les commissions électorales locales. En attendant, l'équipe de campagne du candidat démocrate enrage. Car depuis son discours sur l'état de l'Union du 7 mars devant le Congrès - une prestation des plus combatives, une feuille de route pour être réélu -, dans une tout autre série d'enquêtes d'opinion publiée par l'agence Bloomberg, Joe Biden regagne du terrain sur Donald Trump. Dans l'hypothèse d'un vrai duel et non plus d'une triangulaire, le président maintiendrait sa domination sur Trump dans le Wisconsin, ferait jeu égal avec lui en Pennsylvanie et dans le Michigan et serait dans la marge d'erreur des 2 points dans le Nevada. C'est encourageant, même si c'est insuffisant pour envisager la victoire en novembre.

Le candidat « indépendant » ferait perdre le président sortant dans six des États clés

Les semaines qui viennent vont donc obliger Joe Biden à se battre sur deux fronts à la fois. Sur le premier, ainsi que le lui conseille Karl Rove, l'architecte des deux campagnes victorieuses de George W. Bush, il s'agit d'enfoncer le clou sur le soutien univoque que Trump continue d'apporter aux émeutiers du 6 janvier 2021 contre le Capitole - une question sur laquelle la base trumpiste fait bloc, mais plus la majorité des électeurs républicains. Sur le second, c'est Robert Kennedy qui doit être neutralisé le plus vite possible. Son complotisme tous azimuts - que ce soit sur la vaccination anti-Covid, qu'il a osé comparer aux expérimentations des nazis sur les Juifs, ou sur la guerre en Ukraine, imputable selon lui au complexe militaro-industriel américain - est déjà la cible des spots télévisés des comités de soutien à Joe Biden.

Si Kennedy se maintient jusqu'au 5 novembre, il ne fera pas perdre les républicains, comme ce fut le cas de Ross Perot lors des campagnes présidentielles de 1992 et 1996. Ce milliardaire libertarien avait ruiné les ambitions républicaines de George H. W. Bush puis de Bob Dole au profit du démocrate Bill Clinton. Aujourd'hui, le cauchemar des démocrates serait de voir Donald Trump faire son retour à la Maison-Blanche grâce à l'entêtement tout aussi narcissique d'un héritier à la dérive, dont le nom dynastique serait à jamais entaché de cette complicité.

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