Russie : la dégringolade du rouble se poursuit... et n'est pas prête de s'arrêter

Après avoir brutalement chuté au moment de l'invasion de l'Ukraine par l'armée russe en février 2022, le rouble avait repris des couleurs en fin d'année dernière, soutenu par la politique protectionniste du Kremlin. Mais des facteurs extérieurs mettent la pression sur la monnaie russe, qui continue de se déprécier. Pour les Russes, au quotidien, c'est le spectre d'une forte inflation qui pourrait resurgir.
Malgré la politique de soutien de Vladimir Poutine, « une baisse du rouble, si elle est perçue comme durable, peut inciter la population à changer ses roubles dans des monnaies perçues comme plus stables », commente Gérard Vespierre.
Malgré la politique de soutien de Vladimir Poutine, « une baisse du rouble, si elle est perçue comme durable, peut inciter la population à changer ses roubles dans des monnaies perçues comme plus stables », commente Gérard Vespierre. (Crédits : MAXIM SHEMETOV)

Malgré tous les efforts de l'administration Poutine pour maintenir la solidité du rouble depuis l'invasion de l'Ukraine, la dépréciation de la monnaie russe semble inexorable. « Depuis la mi-2022, le rouble connaît une dépréciation régulière : en un an il a perdu 38 % face au dollar, et 17 % depuis février 2022 (avant le déclenchement de la guerre) », a constaté le cabinet d'études Asterès. Une faiblesse qui a notamment éclaté au grand jour lors du coup d'Etat avorté du chef de la division Wagner le 23 juin. Face à la menace d'une nouvelle instabilité politique, les épargnants russes ont « probablement accéléré les sorties (pourtant contrôlées) de capitaux », note encore le cabinet.

Aujourd'hui, un euro vaut désormais près de 100 roubles, soit le niveau le plus bas depuis 15 mois pour la devise russe. Si la banque centrale russe était parvenue à faire remonter le rouble après l'invasion de l'Ukraine (à 60 roubles pour un euro), elle ne semble plus maîtriser son cours. Face au dollar, il a perdu plus de 37% de sa valeur depuis un an.

Or, la politique monétaire de la Russie est devenue centrale, et pour cause : « Durant ces 15 années, les revenus pétroliers de la Russie ont été multipliés par... 10 ! Beaucoup plus de recettes, donc beaucoup plus de capacité d'importer. Le cours du rouble et son corollaire la politique monétaire ont donc pris une réelle importance dans la politique économique russe », soulignait déjà, deux ans avant le conflit, l'expert Gérard Vespierre, président de Strategic Conseils.

Pour cette raison, le Kremlin s'est engagé dans une vaste économie protectionniste - puis de guerre - depuis l'invasion de la Crimée en 2014, en mettant en place divers mécanismes pour préserver sa devise. En mai 2022, Vladimir Poutine a ainsi imposé aux acheteurs européens du gaz russe - dont les livraisons se sont drastiquement réduites - un paiement en rouble. Une exigence à laquelle s'était pliée par exemple le fournisseur italien Eni en ouvrant un compte en roubles auprès de Gazprombank.

Toujours pour préserver le rouble face aux sanctions et la baisse des achats énergétiques, le Kremlin a autorisé le remboursement des dettes des particuliers et des entreprises en rouble, même si les crédits ont été contractés dans une autre devise.

« Les Russes ont joué sur leur taux d'intérêt de la banque centrale, en les augmentant jusqu'à 18%, cela a renforcé le rouble », observe Gérard Vespierre, président de Strategic Conseils. « Mais les taux d'intérêt protègent le niveau d'activité, pas la monnaie. Finalement, la décision a été prise de garder un taux faible pour protéger l'économie intérieure plutôt que la monnaie d'échange », résume-t-il.

La dépréciation du rouble est structurelle

Ce choix politique, visant à garder l'adhésion des Russes à la politique du Kremlin, est récent. « Dans un premier temps, les Russes ont eu l'intelligence de faire payer en roubles le pétrole et le gaz, il y a eu un accroissement considérable du rouble en octobre 2022. Mais depuis lors, on assiste à une dépréciation », observe Gérard Vespierre.

Trois raisons viennent expliquer cette chute durable, selon les experts. D'abord, « les sanctions internationales contraignent la Russie à vendre son pétrole (oural) avec une décote d'une vingtaine de dollars par rapport aux cours mondiaux (brent). Ainsi, le solde du compte courant (qui équivaut, en simplifiant, à la balance commerciale), qui était devenu très fortement excédentaire en 2022, a retrouvé début 2023 son niveau moyen des dernières années », note Asterès.

Ensuite, « le rebond des importations russes à l'automne 2022 (probablement lié à un contournement des sanctions internationales) a pesé sur le rouble, en accroissant, de la part de la Russie, l'offre de rouble et la demande de devises étrangères », poursuit-il.

Enfin, « les craintes d'instabilité politique poussent des Russes à placer à l'étranger leurs capitaux, en dépit des obstacles administratifs », observe le cabinet.

La pression de la décarbonation

D'ailleurs, les premières victimes collatérales de la dépréciation du rouble sont les Russes. La baisse du rouble entraîne mécaniquement une hausse de l'inflation en Russie, en renchérissant le coût des importations des nouveaux pays alliés à Moscou. Et « une baisse du rouble, si elle est perçue comme durable, peut inciter la population à changer ses roubles dans des monnaies perçues comme plus stables, entraînant une nouvelle dépréciation de la devise, et ainsi de suite dans un mouvement auto-réalisateur... », prédit le cabinet Asterès.

Les pays non alignés à la défense occidentale en Ukraine, parmi lesquels les géants chinois et indiens, peuvent-ils avoir un effet salvateur sur le rouble ? « Il n'y aura aucun choix monétaire. Ces nouveaux partenaires vont chercher à acheter au meilleur prix, ils ne vont donc pas soutenir le rouble. Ils profitent plus du brut à moindre coût. Si indirectement ils soutiennent, il y a toujours la sanction et le plafonnement des Occidentaux à 60 dollars le baril », estime Gérard Vespierre.

L'horizon semble donc plus que chaotique pour la monnaie russe. Même si, « l'arrêt des hostilités en fin d'année en Ukraine, dans le meilleur scénario, pourrait stabiliser le rouble », selon l'expert. Mais de conclure : « On ne verra pas un retour d'un commerce actif entre l'Europe et la Russie, en raison des choix liés à la décarbonation. Les grandes puissances vont se détourner du gaz et du pétrole. Le grand arbitre sera les nouvelles technologies. Et pour les pays qui reposent sur des rentes énergétiques, cela va devenir très difficile. Tandis que l'économie chinoise va ralentir, pour la Russie, ce sera un irréversible déclin, technologique, économique, et monétaire ».

Budget de l'Etat russe : les hydrocarbures rapportent moins

Les recettes fiscales de l'Etat russe liées au secteur du pétrole et du gaz ont chuté de 47% à 3.380 milliards de roubles (34,2 milliards d'euros) au premier semestre par rapport à la même période en 2022, selon les données du ministère des Finances fin juin, une baisse des recettes liées à des prix plus bas et des volumes exportés plus faibles. Ces recettes sont cruciales pour l'économie russe, basée sur les matières premières, et pour le financement de l'« opération militaire spéciale » en Ukraine.

Les recettes pétrolières et gazières ont diminué de 26,4% au mois de juin sur un an, pour atteindre 528,6 milliards de roubles, contre une baisse de 36% en mai.

Le déficit budgétaire de la Russie a atteint 42 milliards de dollars sur les cinq premiers mois de l'année, 17% de plus que ce qui était prévu pour l'ensemble de l'année 2023. En juin, les recettes du budget du pétrole et du gaz ont diminué de 7,4% sur un mois, la taxe sur l'extraction de matières premières et les taxes prélevées sur l'exportation de gaz naturel ayant baissé.

Les recettes de la taxe sur l'extraction sont tombées à 631,6 milliards de roubles en juin, contre 703,6 milliards de roubles en mai, tandis que les droits à l'exportation sont tombés à 57,7 milliards de roubles, contre 66,1 milliards de roubles en mai.

Les subventions accordées aux entreprises de raffinage ont chuté à 73,9 milliards de roubles, contre 91 milliards de roubles en mai.

Les paiements aux raffineries dans le cadre du « mécanisme d'amortissement », qui permet de limiter les hausses des prix du carburant sur le marché domestique russe, sont tombés à 78,6 milliards de roubles, contre 103,5 milliards de roubles en mai.

Le ministère des Finances prévoit que les revenus du pétrole et du gaz diminueront cette année de 23% pour atteindre 8.940 milliards de roubles, tandis que le déficit budgétaire devrait s'élever à près de 3.000 milliards de roubles, soit 2% du produit intérieur brut.

(Avec Reuters)

Commentaires 21
à écrit le 21/07/2023 à 16:33
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Le Rouble ne vaut plus un kopeck. Cela pourrait précipiter une révolution en Russie...

à écrit le 20/07/2023 à 12:40
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«… n’est pas prête de s’arrêter » ? Apprenez donc le français, par respect pour vos lecteurs !

le 06/08/2023 à 20:56
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Oui, tous ces pseudo-journalistes de l'internet, ignares et incultes. Oui cela se dit "n'est pas près de s’arrêter". mon dieu, c'est la génération 0 !!! Double faute et total "non-sens"!!

à écrit le 20/07/2023 à 6:19
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L'economie russe se porte plutot bien. Malgre votre propagande, les russes vont et viennent normalement. La vie dans les grandes villes n'a subit aucunes avanies contrairement a de que l'on voit en France ou l'inflation doublee d'une recession et met...

le 20/07/2023 à 10:40
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Effectivement, la chute du rouble n'est pas un problème pour la russie puisqu'elle vend ses matières premières en plusieurs devises, qui lui permettent de poursuivre ses échanges commerciaux. Le capital de la russie ne se compte pas en monnaie papier...

à écrit le 19/07/2023 à 22:54
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Honnêtement, il ne faut pas voir la baisse de rouble comme une prémisse de l'effondrement de l'économie. Certes, en grande partie c'est l'effet des sanctions: une forte baisse de revenus budgétaires force de baisser le cours de rouble, mais ce n'est ...

à écrit le 19/07/2023 à 18:52
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Et pendant ce tes temps de vassalité et ttfait en lien avec le sujet, l' UE voulait coller une américaine au poste de chef de l' éco de la grosse commission vassale du deep state us..! F Asselineau ce jour "FIONA SCOT...

à écrit le 19/07/2023 à 17:03
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On a déjà entendu ce disque rayé répété en boucle depuis presque 1 an et demi... Le reve fantasmé occidental de l'effondrement de la Russie

à écrit le 19/07/2023 à 14:48
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Bon, c'est un avis parmi d'autres, mais qui mériterait d'être débattu et modéré par de véritables spécialistes de l'économie russe. Peu nombreux dans ce pays sont ceux qui semblent la connaître et comprendre comment elle est pilotée. La Russie ne co...

le 19/07/2023 à 18:14
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Comment aller vous demander à un éditorialiste qui est payé pour supporter la ligne éditoriale de l' UE , des usa et de l' otan puisse développer un travail d' investigation sur un sujet comme celui-là? J' invite en revanch...

le 19/07/2023 à 20:09
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@Chris-34: L'Europe se passe déjà sans majeure partie du gaz et pétrole russe, si vous n'avez pas remarqué. On est pas en été 2022 pour dire des choses pareilles. Pour la formation des ingénieurs, votre information n'est pas correcte. En plus, très m...

le 19/07/2023 à 21:04
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@Gedeon LA réalité est que c'est la Russie qui a attaqué et veut détruire l"Ukraine. Les conclusions d'experts ou soi disant experts, conformistes ou complotistes n'ont aucune valeur objective en temps de guerre et surtout pas avant qu"elle ne soit...

le 19/07/2023 à 22:43
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@Gédéon n'est pas lobotomisé celui qui croit 🙄

à écrit le 19/07/2023 à 14:27
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La chute du rouble n’est pas un mal en soi. Toute l’économie russe est doublée de trafics financiers commerciaux etc… qui en font une économie de guerre mafieuse cadrée par l’état russe et ses agents troubles. C’est exactement ce que craignait la gou...

le 19/07/2023 à 16:09
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Ceux qui achètent leur pétrole en roubles font une bonne affaire.

le 19/07/2023 à 18:06
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Pure propagande de guerre où tous les coups sont permis pour discréditer le camp d' en face, pour le camp du bien ; décidément l' occident oxydé à du mal à se confronter à une réalité, l' invincible supériorité des missiles ...

à écrit le 19/07/2023 à 13:53
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Sur place il est loisible de négocier en € notamment dans le Sud ,le Kouban la cote autour de Sotchi et au nord en Carelie .

à écrit le 19/07/2023 à 12:56
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Heureusement que l'on a la médiatisation occidentale sinon j'aurais perdu sur mes roubles ! ;-)

à écrit le 19/07/2023 à 12:00
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Et le pouvoir d'achat des peuples européens également. Un partout, génial, mais c'est souvent comme ça la guerre seuls ceux qui possèdent et détruisent le monde en ronflant de toutes nationalités en profitent.

le 19/07/2023 à 14:28
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Votre pouvoir d'achat est nettement supérieur à celui des russes.

le 20/07/2023 à 7:10
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Et le pouvoir d'achat des russes est nettement supérieur à celui des bangladais. Et donc tu veux dire quoi avec ça ? Toujours aussi passionnantes tes interventions dis moi !

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