Tout comprendre sur le « shutdown » qui menace les Etats-Unis

Depuis plusieurs jours, les employés de l'administration fédérale et les militaires se préparent à une paralysie budgétaire, aussi appelée « shutdown ». Comment les Etats-Unis en sont-ils arrivés là ? Quelles en sont les implications ? Explications.
Le risque de « shutdown » outre-Atlantique est symptomatique des rivalités politiques, le Congrès étant divisé, puisque la Chambre des représentants n'a pas la même couleur politique que le Sénat.

En quoi consiste le « shutdown » ?

« Shutdown » signifie fermer en anglais. Ce terme désigne ainsi la fermeture des services de l'Etat américain, en l'absence d'accord parlementaire sur le budget. L'année budgétaire aux Etats-Unis s'achève ce samedi 30 septembre. Le budget 2024 doit donc être adopté par le Congrès avant le 1er octobre. En l'absence de compromis entre démocrates et républicains sur un texte de financement à court-terme ou sur une loi budgétaire pour une année entière d'ici à samedi soir, minuit, l'administration fédérale devra donc cesser certains paiements.

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Promulgué en 1884, l'Anti-Deficiency Act interdit en effet aux agences fédérales de dépenser ou d'engager des fonds sans autorisation préalable du Congrès. De facto, des centaines de milliers de fonctionnaires se retrouvent au chômage technique.

Pourquoi les Etats-Unis sont-ils menacés par une paralysie budgétaire ?

Le risque de « shutdown » outre-Atlantique est symptomatique des rivalités politiques, le Congrès étant divisé, puisque la Chambre des représentants n'a pas la même couleur politique que le Sénat. Un compromis a pu être trouvé au sein de ce dernier sur une proposition de budget à court terme. Elle offrirait quelques semaines supplémentaires pour parvenir à un accord. Le texte est soutenu par la vaste majorité des élus. En revanche, la situation reste bloquée à la Chambre des représentants, passée sous contrôle républicain en janvier dernier. Une poignée d'élus républicains trumpistes restent, en effet, déterminés à jouer les trouble-fête, s'opposant pour le moment à chaque projet de loi en débat, à un peu plus d'un an de l'élection présidentielle.

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Dans les faits, les tensions se cristallisent autour d'une aide supplémentaire pour l'Ukraine, après la visite à Washington du président ukrainien Volodymyr Zelensky. Je ne voterai pas pour consacrer un seul centime à la guerre en Ukraine. Je suis pour l'Amérique d'abord », a déclaré la républicaine Marjorie Taylor Greene, une proche de Donald Trump, ce vendredi 29 septembre dans une vidéo tournée devant un appareil de musculation et publiée sur le réseau social X (ex-Twitter). Salle de sport également, drapeau américain en fond, un autre élu, Eli Crane, a lui aussi posté une vidéo fustigeant ces aides : « Les gens de mon district, et de tout le pays, en ont tellement marre de financer les autres ».

La Maison Blanche n'a eu de cesse de dénoncer ces élus qui bloquent tout accord, à un peu plus d'un an de l'élection présidentielle. Le responsable des démocrates au Sénat, Chuck Schumer, s'en est pris au chef des républicains à la Chambre des représentants.

« Une dizaine d'extrémistes (...) ont plus d'influence auprès de (Kevin) McCarthy que la majorité de son parti et que la vaste majorité de la Chambre des représentants qu'il préside », a-t-il dénoncé.

Quelles sont les implications du « shutdown » ?

Le « shutdown » entraîne une véritable paralysie de l'administration fédérale américaine. Qu'ils soient tenus de continuer à travailler ou mis au chômage technique, près de 1,8 million de fonctionnaires devront attendre que le Congrès trouve un accord pour recevoir leur salaire, a alerté le syndicat des employés du gouvernement fédéral (AFGE). Lors des paralysies de 2013 et début 2018, « environ 850.000 des 2,1 millions d'employés fédéraux (hors service postal) ont été mis au chômage technique », détaille de son côté le Comité pour un budget fédéral responsable (CFRB), une organisation bi-partisane.

Côté défense, 1,3 million de soldats en service travailleront sans être payés, selon la Maison Blanche. « Nos troupes (...) défendront toujours le pays et assureront nos intérêts de sécurité nationale dans le monde entier, mais elles ne seront pas payées pour cela. Et cela signifie qu'eux et leurs familles souffriront », a ainsi déclaré John Kirby, coordinateur du Conseil de sécurité nationale, dans une vidéo publiée par la Maison Blanche.

D'autres domaines sont plus directement menacés. Les parcs nationaux pourraient notamment être touchés, les « rangers » qui s'en occupent étant des fonctionnaires fédéraux. En 2013, plus de 400 parcs avaient été fermés dans le pays, et la perte de recettes évaluée à 500 millions de dollars. En 2018-2019, toutefois, la majorité des parcs étaient restés ouverts, sans pour autant offrir de services aux visiteurs, mais des dommages avaient été signalés et les poubelles y débordaient.

Plus grave, un « shutdown » mettrait en danger « l'aide nutritionnelle vitale pour près de 7 millions de femmes et d'enfants » qui dépendent du « WIC », un programme « qui concerne près de la moitié des bébés nés dans ce pays », a alerté la Maison Blanche, lundi dans un communiqué. Un autre programme d'aide alimentaire pour les ménages à bas revenus, le « SNAP », pourrait également être perturbé, si le « shutdown » durait plus d'un mois, ajoute le CFRB, qui précise par ailleurs que les magasins ne pourront pas mettre à jour leurs données : impossible donc d'accepter les paiements de nouveaux bénéficiaires.

Les appels aux centres des impôts resteront sans réponse, a complété le département au Trésor. La paralysie budgétaire risque aussi de fortement perturber le trafic aérien, puisque les contrôleurs aériens et les fonctionnaires de l'agence de sécurité dans les transports (TSA) seront concernés.

Lors de la dernière paralysie en 2018-2019, les files d'attente aux contrôles de sécurité étaient plus longues en raison de l'absence de certains agents, occasionnant la fermeture d'une partie des guichets de sécurité, souligne le CFRB. Les vols avaient même été temporairement interrompus à l'aéroport de LaGuardia, à New York, en raison de « l'absence de dix contrôleurs aériens », entraînant des retards à la chaîne. En matière de transports, un « shutdown » pourrait avoir des conséquences « perturbatrices et dangereuses », avait ainsi averti mercredi le ministre américain des Transports, Pete Buttigieg.

Le shutdown constitue-t-il une menace pour l'économie américaine ?

Interrogé jeudi matin lors d'un point presse, la porte-parole du Fonds monétaire international (FMI) a indiqué voir cela « comme un risque évitable pour l'économie américaine ». « Nous encourageons les parties à se réunir pour parvenir à un consensus sur les moyens de financer le gouvernement américain », a ajouté Julie Kozack.

« Chaque semaine de paralysie budgétaire de l'administration coûtera 6 milliards de dollars à l'économie américaine », prédit Gregory Daco, chef économiste pour EY.

Dans une note, des économistes de Goldman Sachs, eux, estiment que chaque semaine de blocage pourrait coûter 0,2 point de croissance au PIB des États-Unis au 4e trimestre. Il faudra compter un impact identique au 1er trimestre 2024, soulignent-ils.

Le « shutdown » pourrait également avoir des répercussions sur le devenir de la politique monétaire de la Réserve fédérale américaine (Fed). En l'absence de fonctionnaires, les données économiques (PIB, inflation, chômage) ne seront pas publiées, et resteront donc inconnues. Or, elles sont indispensables à la banque centrale, afin de déterminer si elle doit poursuivre le relèvement des taux d'intérêt pour contenir la hausse des prix à la consommation.

Dans une note publiée lundi, l'agence Moody's va plus loin. L'absence d'accord viendrait « souligner la faiblesse de la gouvernance et des institutions aux Etats-Unis en matière de politique budgétaire ». Elle aurait « un effet négatif sur la dette souveraine » américaine, alors qu'elle est la dernière agence à accorder la note maximale, AAA, à la dette américaine.

Dans quel contexte intervient ce potentiel « shutdown » ?

C'est la deuxième fois en quelques mois que la première économie du monde se retrouve face à ce danger d'impasse financière. En juin dernier, les Etats-Unis ont déjà évité un défaut de paiement à l'issue de longues négociations entre l'administration Biden et les conservateurs. Concrètement, l'accord a permis de suspendre pendant deux ans, donc jusqu'après les élections présidentielles et législatives de 2024, le montant maximal d'endettement des Etats-Unis, actuellement à 31.400 milliards de dollars.

La question du défaut de paiement américain est d'une importance capitale. Si les États-Unis ne parvenaient pas à honorer leurs obligations financières, cela pourrait entraîner une panique sur les marchés mondiaux, un effondrement du dollar et une instabilité économique générale. Les conséquences seraient ressenties à l'échelle mondiale, affectant les marchés boursiers, les taux de change et les investissements.

Quels sont les précédents « shutdown » dans l'histoire des Etats-Unis ?

Le dernier « shutdown » avait duré 35 jours en décembre 2018 et janvier 2019 - un record -, sous la présidence de Donald Trump. A l'époque, les démocrates refusaient de voter un financement consacré au mur, le long de la frontière avec le Mexique, censé ralentir l'immigration illégale. Après trois semaines de blocage, le président américain avait été contraint de céder.

Le précédent épisode, en octobre 2013, avait duré seize jours. Le précédent record avait été atteint en 1995-1996 avec vingt et un jours, sous la présidence de Bill Clinton. En tout, depuis 1976, les Etats-Unis ont connu 21 « shutdowns ». Ronald Reagan en détient le nombre record avec huit durant ses deux mandats (1981-1989).

 (Avec agences)

Commentaires 15
à écrit le 30/09/2023 à 8:36
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C'est depuis Obama que le "sthudown" est devenu un élément de plus du spectacle non il me semble ? Déjà rincé le truc.

à écrit le 29/09/2023 à 23:20
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Il n'y a pas pire aveugle que celui qui ne veut pas voir. Le plus drôle dans "'cette affaire" est de savoir qui détient la dette américaine, car la dette US n'est rien d'autre que des emprunts souverains, c'est-à-dire les bonds du Trésor américain. L...

le 30/09/2023 à 0:44
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On pourrait ajouté que Bush Jr avait aussi creusé les déficits en accordant des baisses d'impôts non-financées à la clientèle électorale, ce qui est un coup de billard à plusieurs bandes car l'argent obtenu via ces baisses d'impôts est le plus souven...

à écrit le 29/09/2023 à 22:45
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Les cow-boys vont-ils nous refaire le coup de la méga pièce de platine?🤣 Inventée en 2011, la solution de la pièce de mille milliards de US Dollars était devenue populaire en 2013, lorsque Barack Obama s'est trouvé dans la même position que Joe Biden...

à écrit le 29/09/2023 à 18:54
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c'est chaque année la même chose

à écrit le 29/09/2023 à 17:27
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Tout ce qui vient pour limiter la tendance des états à augmenter toujours plus les dépenses est bon à prendre. L'incapacité de l'administration publique à faire des économies et la tendance naturelle à l'expansion sans limites n'est pas une exclusivi...

le 30/09/2023 à 0:27
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Le problème en France n'est pas tant la suradministration que le poids écrasant des politiques clientélistes pour plaire aux boomers en retraite (~50% des dépenses) et les aides sectorielles pour embellir les chiffres de l'emploi et faire plaisir à d...

à écrit le 29/09/2023 à 16:08
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Du fait du 49,3 disons que l'on voit la différence entre une démocratie et une ploutocratie !

à écrit le 29/09/2023 à 16:00
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Comme d'hab. on nous panique médiatiquement alors que cela ne nous concerne pas directement, mais profite à imposer l'idéologie de l'Union de Bruxelles ! ,-)

à écrit le 29/09/2023 à 15:54
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Comme d'hab. on nous panique médiatiquement alors que cela ne nous concerne pas directement, mais profite à imposé l'idéologie de l'Union de Bruxelles ! ,-)

à écrit le 29/09/2023 à 14:53
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C'est "c.n" leur truc, ils perdent un tas de dollar, alors quils savent qu'in fine ils vont se mettre d'accord.!

à écrit le 29/09/2023 à 14:29
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Chaque années ils font le coup , ils parlementent s'agitent et a finale à quelques heure du coup de sifflé final ils trouvent un arrangement et font exploser la dette . donc vous revenez quand il y aura vraiment un shutdown, là on pourra rigoler et ...

à écrit le 29/09/2023 à 13:35
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C'est pas nous qu'on verrait ça!!! Quel dommage! Je me demande s'il faudra une nouvelle Révolution (moins sanglante) pour que notre machin fonctionne comme une vraie démocratie. Je n'aurais aucun scrupule à priver d'indemnités et de pensions députés ...

à écrit le 29/09/2023 à 12:46
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Tous les ans, le meme cirque, un faux suspense. Quelle blague ce pays soit disant le phare de la democratie.

à écrit le 29/09/2023 à 12:43
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Il semble donc qu'à la Chambre des Représentants quelques irréductibles trumpistes réussissent à entraîner tous les élus républicains à voter contre le texte proposé par le Sénat. Cela signifie que le parti Républicain est uni autour de Donald Trum...

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