Turquie  : face à l'inflation, la banque centrale relève son taux à un niveau jamais vu depuis vingt ans

La banque centrale turque a relevé jeudi pour le quatrième mois consécutif son principal taux directeur, désormais fixé à 30%, soit une progression de cinq points, au plus haut depuis 2003.
Fitch a relevé début septembre sa perspective concernant la Turquie de « négative » à « stable », saluant le retour à une « politique plus conventionnelle et cohérente ».
Fitch a relevé début septembre sa perspective concernant la Turquie de « négative » à « stable », saluant le retour à une « politique plus conventionnelle et cohérente ». (Crédits : Morteza Nikoubazl)

La désinflation à tout prix. La banque centrale turque « a décidé de poursuivre le processus de resserrement monétaire » pour lutter contre une inflation record, à 60% sur un an. Elle a relevé jeudi pour le quatrième mois consécutif son principal taux directeur, désormais fixé à 30%, soit une progression de cinq points, au plus haut depuis 2003.

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L'institution reconnait que « l'inflation a été supérieure aux attentes en juillet et août », en raison notamment de la flambée des prix du pétrole. Elle dit prévoir de nouveaux relèvements des taux dans les mois à venir, « jusqu'à une amélioration significative des perspectives d'inflation ». Une telle hausse est en effet jugée insuffisante par beaucoup d'économistes : l'inflation s'est accélérée à 58,9% sur un an en août après avoir reflué à 38,2% en juin, repartant vers les sommets atteints en octobre 2022 (85,5%), bien au-delà du niveau des taux accordés aux particuliers.

Aucune baisse des taux envisageable avant le second semestre 2024

Cette dernière hausse des taux porte la signature de la nouvelle équipe économique turque entrée en fonction après la réélection, fin mai, du président Recep Tayyip Erdogan, qui a relevé les taux de 21,5 points depuis juin. Le chef de l'Etat, qui a longtemps défendu contre vents et marées des baisses des taux d'intérêt - en dépit des taux d'inflation à deux chiffres que son pays connaît sans discontinuer depuis fin 2019 - a semblé acter de nouvelles hausses les mois prochains, se disant début septembre favorable à la poursuite d'une « politique monétaire restrictive ». Un triplement des taux directeurs relevait pourtant de la science-fiction il y a encore cinq mois : le chef de l'Etat turc, alors en campagne pour sa réélection, continuait de soutenir la baisse des taux directeurs, privilégiant la croissance et l'emploi à la stabilité des prix.

« L'économie turque ne ralentit pas aussi rapidement que nous le pensions il y a quelques mois », écrivait mi-septembre Liam Peach, analyste du cabinet Capital Economics. L'agence de notations Fitch a relevé début septembre sa perspective concernant la Turquie de « négative » à « stable », saluant le retour à une « politique plus conventionnelle et cohérente ». Fitch estime toutefois « qu'il subsiste une incertitude quant à l'ampleur, à la longévité et au succès de l'ajustement politique visant à réduire l'inflation, en partie à cause de considérations politiques ».

Une autre bombe à retardement pour l'économie turque

Le ministre turc de l'Économie Mehmet Simsek, dont la nomination début juin a été saluée par les investisseurs, a également assuré récemment qu'aucune baisse des taux n'était envisageable avant le second semestre 2024. Il devra composer avec un second problème de taille : les finances de la Turquie sont alourdies par un mécanisme bancaire couvrant la dépréciation des dépôts bancaires en livres turques par rapport au dollar, à l'euro ou à la livre britannique. Le démantèlement attendu de ce mécanisme lancé fin 2021 pourrait inciter les épargnants à convertir leurs économies en devises étrangères et à faire plonger plus encore la livre turque, qui a déjà perdu près de 80% de sa valeur en cinq ans face au dollar. L'économiste Timothy Ash, de BlueBay Asset Management, a qualifié ce mécanisme de « grenade dégoupillée placée dans la poche de Mehmet Simsek par l'équipe sortante ».

 (Avec AFP)

Commentaires 2
à écrit le 21/09/2023 à 23:13
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La Turquie d’ Erdogan … pas près d y aller dépenser mon pognon.. mais si je fais la diff entre les stambouliotes éduqués et éclairés et les paysans d Anatolie d un autre âge sur lequel le pouvoir se repose ..

à écrit le 21/09/2023 à 17:12
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La Chine fait la même erreur qu'Erdogan au debut de la crise qui ne voyait que par la baisse des taux, ce qui dure un temps, avant de revenir à la réalité où inflation va de concert avec augmentation progressive des taux. La Chine n'y coupera pas, c...

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