François Asselin (CPME) , Patrick Martin (MEDEF) et Dominique Métayer (U2P) interpellent Emmanuel Macron dans une lettre ouverte

« Monsieur Le Président… » La Confédération des petites et moyennes entreprises, le Mouvement des entreprises de France et de l’Union des entreprises de proximité, interpellent Emmanuel Macron sur la complexité administrative pour les entreprises.
Fanny Guinochet
De gauche à droite : François Asselin, président de la CPME ; Patrick Martin, nouveau président du Medef ; Dominique Métayer, président de l’U2P.
De gauche à droite : François Asselin, président de la CPME ; Patrick Martin, nouveau président du Medef ; Dominique Métayer, président de l’U2P. (Crédits : © Cyrille George Jerusalmi pour la Tribune Dimanche)

Monsieur Le Président...

« Mais arrêtez donc d'emmerder les Français ! Il y a trop de lois, trop de textes, trop de règlements dans ce pays ! On en crève ! » Soixante ans plus tard, la célèbre apostrophe de Georges Pompidou, alors Premier ministre, à son jeune conseiller Jacques Chirac venu lui présenter un parapheur rempli de décrets n'a malheureusement pas pris une ride !

Certes, le gouvernement a rouvert le chantier de la simplification administrative, mais, hélas, cela ne suffit pas. L'inflation de normes législatives applicables aux entreprises est préjudiciable au développement de notre économie. Nous demandons au gouvernement d'aller beaucoup plus vite et beaucoup plus fort dans la simplification. Et nous sommes prêts à y prêter main-forte.

Ainsi, entre 2002 et 2023, souvent sous l'effet de l'apparition de phénomènes nouveaux comme les nécessaires transitions écologique et numérique, le droit français a doublé de volume, totalisant désormais 45,3 millions de mots. L'adage « nul n'est censé ignorer la loi » est devenu une fiction démocratique. Le calcul est simple : admettons qu'un citoyen décide de se mettre au niveau, au rythme de 300 mots lus à la minute, il lui faudrait cent cinq jours sans discontinuer pour lire la réglementation française.

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2021 a été une année record pour l'inflation normative avec 67 lois, 91 ordonnances, 1 843 décrets et 83 570 pages publiés au Journal officiel. Même les élus locaux s'inquiètent. Asphyxiés par un stock de plus de 400 000 normes, ils ont dénoncé une forme de « harcèlement textuel ». Le Code général des collectivités territoriales a triplé de volume en vingt ans. Le Code du commerce a crû, quant à lui, de 364 % sur cette période, et celui de la consommation de 311 %.

Notre pays n'a pas seulement besoin de « mieux de droit », mais aussi de « moins de droits », pour plus de liberté et de prospérité.

Les intentions sont souvent bonnes mais trop souvent inapplicables, voire absurdes, et ont pour effet de mettre les entreprises en situation d'insécurité juridique.

Nous pensons ici au nouveau bonus réparation textile alimenté par pas moins de 104 taxes pour 104 types de vêtements différents, ou bien encore l'obligation pour certains salariés de tenir la rampe lorsqu'ils descendent un escalier...

Même si le gouvernement prône, de bonne foi, la frugalité normative, les habitudes ont la vie dure : un problème conjoncturel ? une norme, parfois - disons-le - avec l'assentiment des entreprises.

Trop de lois tue la loi ? Pour certains, oui. Pour nous entrepreneurs, qui n'avons pas d'autre choix que de les appliquer, la complexité administrative décourage, casse les initiatives et augmente considérablement nos charges. L'OCDE en a d'ailleurs chiffré le coût : la complexité administrative absorbe entre 3 % et 4 % de notre PIB chaque année.

Les dirigeants de TPE-PME y consacrent jusqu'à un tiers de leur temps. Une réduction de 25 % de la charge permettrait aux entreprises des économies de l'ordre de 15 milliards d'euros. C'est une perte considérable - pour notre économie, la création de valeur, nos emplois - qui n'est pas acceptable.

Depuis la mise en place du Conseil de la simplification en 2014, il reste beaucoup à faire pour endiguer l'inflation normative sur les entreprises. Nous suggérons pour cela une méthode qui a fait ses preuves chez nos voisins britanniques, néerlandais ou canadiens : ministre transversal, rattaché directement au Premier ministre ; responsabilisation des ministères avec évaluation annuelle de leurs actions de simplification ; principe du « one in, one out » ; création d'un comité de contrôle indépendant dirigé par les chefs d'entreprise pour évaluer les actions de simplification mises en place.

L'inflation vient désormais aussi de Bruxelles. Il est plus que jamais l'heure de tirer la sonnette d'alarme. Les récentes crises ont débouché sur une explosion du nombre de textes et de règlements adoptés par la Commission européenne et le Parlement. Mais, surtout, la France a une fâcheuse tendance à les surtransposer. Si nous continuons comme cela, on court tout droit à la catastrophe. Résumons : entre 2017 et 2022, les entreprises françaises se sont vu imposer un total de 850 nouvelles obligations par le législateur européen, représentant 5 422 pages de réglementation. Ce qui équivaut en moyenne pour elles à 12 nouvelles obligations et 73 pages de réglementation par mois. Cette année, 116 législations sont en préparation.

Notre pays n'a pas seulement besoin de "mieux de droit", mais aussi de "moins de droits", pour plus de liberté et de prospérité

Dans un contexte de guerre commerciale de plus en plus déclarée entre les États-Unis et la Chine, la bureaucratie européenne se distingue surtout par sa propension à produire de la norme sans tenir compte des conséquences pour les entreprises, en particulier les plus petites d'entre elles. Toutes ont besoin de temps, de visibilité et d'une « pause réglementaire » leur permettant de s'adapter à l'ensemble des exigences existantes et nouvelles, notamment en matière de normes environnementales.

Nous courons avec un boulet au pied. Quand les Allemands transcrivent le strict nécessaire dans leur droit national, nous en rajoutons une couche. Pour obtenir des autorisations pour étendre ou créer une usine, notre lenteur administrative, est rédhibitoire, et nous fait perdre des usines, des marchés et des emplois.

Le chemin de la simplification doit être emprunté de toute urgence.

Nous comptons sur vous, Monsieur le Président, pour simplifier plus, et plus vite !

Fanny Guinochet
Commentaires 2
à écrit le 19/11/2023 à 11:12
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Le prétendu excès de réglementation n'a pas empêché les entreprises de franchement dégrader l'avenir des petits jeunes (environnement détruit ; explosion de l'endettement mondial avec l'idéologie de la croissance et du fait des crises créées). Elle...

à écrit le 19/11/2023 à 8:50
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Qui dit normes dit plein d'emplois fictifs médiocres afin de gérer cette dérive financière de notre économie. Regardez tout ces experts qui sont trop contents d'affirmer un truc un jour et son contraire le lendemain pour des salaires à 5 chiffres. En...

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