Fin janvier, la droite a le moral dans les chaussettes. Après un remaniement gouvernemental qui lui a coûté Rachida Dati, la dernière vedette des Républicains, le parti d'Éric Ciotti s'est fait censurer tous ses ajouts au projet de loi immigration par le Conseil constitutionnel. Le Rassemblement national, lui, pavoise. En décidant au dernier moment de soutenir le texte lors du vote ultime à l'Assemblée, Marine Le Pen a mis la pagaille en Macronie et éclipsé - au moins en partie - les travaux de LR.
Référendum d'initiative partagée
Il faut donc se relever, et vite. François-Xavier Bellamy, tête de liste pour les élections européennes, en discute alors avec Bruno Retailleau, patron du groupe Les Républicains au Sénat. Les deux hommes sont proches. « Il ne faut pas qu'on reste scotchés », dit en substance le premier, évoquant le besoin d'exploiter, encore, le filon migratoire. Le référendum d'initiative partagée (RIP) est l'une des options pour y parvenir ; celui lancé par Reconquête en novembre a été un flop total, autant se réapproprier l'initiative. Le RN n'en a cure. « Le RIP, ça sert juste à récupérer les adresses mail, c'est une escroquerie, raille Marine Le Pen en petit comité. Les LR n'arriveront jamais à recueillir les signatures. »
À défaut d'y parvenir, ses dirigeants ont hâte de franchir l'étape intermédiaire d'avril. C'est là qu'est prévue la date butoir où le Conseil constitutionnel - organe qualifié d'« idéologique » par Laurent Wauquiez - doit se prononcer sur la validité du texte des parlementaires de droite. Convaincus que la proposition de loi référendaire respecte bien les critères de l'article 11 de la Constitution, ils savent qu'ensuite la récolte des 4,7 millions de paraphes citoyens sera très difficile. Malgré tout, aux yeux de François-Xavier Bellamy, ce sera à la fois un fait de campagne et un levier de mobilisation militante jusqu'au scrutin du 9 juin.
« Etats généraux de l'immigration » des frontistes
Que dira-t-on de l'événement concurrent prévu le 26 mars ? Ce jour-là, les frontistes tiendront à Paris leurs « états généraux de l'immigration », colloque censé faire référence au raout organisé en 1990 par le RPR et l'UDF, la droite de l'époque. C'est un ex-LR, le député marseillais Franck Allisio, qui est chargé de les organiser. Le même a mis sur pied, en parallèle, sa petite boutique qui reprend le logo du vieux RPR chiraquien, dissous dans l'UMP en 2002. « On reprend les travaux interrompus il y a trente-quatre ans, se réjouit-il. Ils avaient abouti à des propositions musclées, souvent encore citées aujourd'hui. Tout ça n'a mené à rien. »
Tant pis si de nombreuses lois ont été votées depuis sur l'immigration, la plus récente avec l'aide du RN : ce dernier veut toujours capitaliser sur son thème de prédilection. Le chef du parti, Jordan Bardella, garde la haute main sur la composition des deux tables rondes qui doivent ponctuer ce colloque. Des personnalités extérieures seront présentes, nous assure-t-on, y compris des hauts fonctionnaires. On peut parier que l'un d'entre eux sera Fabrice Leggeri. L'ancien directeur de l'agence Frontex n'est certes pas adhérent frontiste, mais il est récemment devenu le numéro 3 de la liste du RN pour les européennes. Autant l'afficher.
Lucide, le député LR Pierre-Henri Dumont est conscient de l'avantage du Rassemblement national sur la droite en matière d'immigration. « Le RIP peut nous permettre de reprendre la main car c'est nous qui irons recueillir les signatures, développe-t-il auprès de La Tribune Dimanche. Soit le RN se met à notre remorque, soit il montre qu'il n'a aucun intérêt à résoudre les problèmes. » Un stratège du parti se veut plus cynique : « S'il se produit une actualité fâcheuse liée à l'immigration, on aura au moins un objet dans l'atmosphère. »