En Europe, l'inquiétant coup de frein de la croissance

Selon la direction générale du trésor, le ralentissement de la zone euro se poursuivrait en 2019 à 1,3 % contre 1,6 % en 2018. La chute de la demande mondiale et la multiplication des incertitudes ont plombé l'activité dans de nombreuses économies européennes.
Grégoire Normand
L'industrie automobile allemande a particulièrement souffert ces derniers mois.
L'industrie automobile allemande a particulièrement souffert ces derniers mois. (Crédits : Reuters/Ralph Orlowski)

Les perspectives économiques s'assombrissent en Europe. Selon une étude de la direction générale du trésor (DGT) publiée jeudi 28 mars, la croissance en zone euro freinerait à 1,3 % en 2019 contre 1,6 % en 2018 et 2,5 % en 2017. Cette brutale chute de l'activité devrait légèrement s'estomper à partir de 2020. Les économistes de Bercy anticipent une croissance du produit intérieur brut (PIB) de 1,4 % l'année prochaine sachant que de nombreux aléas subsistent.

Par exemple, les possibles effets du Brexit "restent liés aux négociations sur la relation future et à la réaction des marchés, ainsi qu'à l'éventualité d'un 'no deal' qui conduirait à une hausse des barrières tarifaires et non tarifaires aux échanges, et possiblement à des disruptions d'ordre logistique ou réglementaire". Lors d'une récente intervention, plusieurs économistes de l'Insee ont ainsi rappelé ceci :

"L'environnement international s'est assombri. L'économie américaine donne des signes de ralentissement. Les effets de la réforme fiscale s'estompent. L'essoufflement de la croissance chinoise semble se confirmer. La zone euro dans son ensemble a nettement déçu en fin d'année. L'Allemagne a calé, l'Italie n'a pas échappé à la récession technique avec deux trimestres consécutifs de baisse. Beaucoup d'incertitudes internationales persistent en raison des tensions protectionnistes."

De son côté, la directrice générale du FMI, Christine Lagarde, a prévenu jeudi que la zone euro n'était pas assez préparée pour affronter la prochaine crise et a appelé à renforcer son système bancaire, lors d'une conférence à Paris. "L'union monétaire est effectivement plus résiliente qu'il y a dix ans, mais elle ne l'est pas assez", a-t-elle affirmé lors d'une conférence organisée par la Banque de France (BdF), lançant un avertissement d'autant plus sérieux que les perspectives pour l'économie mondiale sont en train de se dégrader. Par ailleurs, les résultats des élections européennes à la fin du mois de mai prochain pourraient provoquer quelques surprises au Parlement à Strasbourg. Si les listes commencent à se concrétiser, peu de détails sur le contenu des programmes issus des forces politiques en présence émergent vraiment.

Chute de la demande mondiale

Ce coup de frein dans la zone monétaire s'explique par l'atonie de la demande mondiale, l'appréciation passée de l'euro et les tensions rencontrées par l'industrie automobile européenne  rappellent les auteurs du document. Dans le contexte des incertitudes politiques et commerciales, les investissements et la consommation des ménages ont nettement marqué le pas. Ce coup de mou est particulièrement marqué en Italie. La péninsule a connu une récession technique à la fin de l'année 2018 et les choses ne devraient pas forcément s'améliorer cette année.

La principale association du patronat italien, Confindustria, a annoncé mercredi prévoir une stagnation, à 0 % de croissance, du PIB en 2019 et une hausse de seulement 0,4 % en 2020. "Cela veut dire que l'économie italienne est immobile et c'est une forte révision à la baisse de nos prévisions d'octobre quand nous pensions que la croissance du PIB aurait été de 0,9 % en 2019", a expliqué Andrea Montanino, directeur du Centre d'études de Confindustria selon des propos rapportés par l'AFP. De son côté, la direction du ministère français de l'Economie prévoit que l'activité en Italie "ralentirait en 2019 (+0,2  % après + 0,8 % en 2018) puis regagnerait en vigueur en 2020 avec la stabilisation des incertitudes (+ 0,6 %)". Si l'économie française s'en tire mieux que ses voisins en ce début d'année grâce notamment à un regain de la consommation, de nombreux facteurs pourraient venir plomber l'activité tricolore.

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L'érosion du climat des affaires dans les enquêtes de conjoncture durant la fin d'année 2018 a traduit la chute du moral des chefs d'entreprise et des ménages. "En zone euro, elles se sont stabilisées (Les enquêtes) depuis quelques mois à un niveau légèrement supérieur à leur seuil d'expansion, après une nette baisse au cours de l'année 2018. Au Royaume-Uni et au Japon, les enquêtes se sont également repliées nettement en 2018 et s'établissent à des niveaux proches des seuils s'expansion".

L'industrie européenne tourne au ralenti

Le moteur industriel de l'Europe tourne au ralenti depuis plusieurs mois. Les quatre grandes économies de la zone euro ont connu un essoufflement au cours du second semestre 2018. Le ralentissement de la demande mondiale ont pesé sur les exportations industriels de la zone euro. Les récentes enquêtes signalent que cette baisse de la demande se poursuit en ce début d'année. D'autres facteurs liés aux incertitudes ont pu favoriser un report ou une annulation d'investissement.

La situation chaotique en Grande-Bretagne provoque de l'exaspération et de la lassitude dans certains milieux économiques et financiers. Les industries européennes qui ont par exemple des sites de production au Royaume-Uni sont dans le flou le plus total. La complexité des chaînes de production à l'échelle européenne pourrait amener un certain nombre d'entreprises industrielles à devoir se réorganiser en cas de Brexit sans accord. Ce qui pourrait engendrer des coûts supplémentaires faramineux.

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La menace protectionniste brandie par les Etats-Unis inquiète également les Etats européens. L'application des tarifs douaniers sur les exportations des véhicules européens outre-Atlantique pourrait bien menacer une partie de la production industrielle en Allemagne par exemple.

Le coup de frein des géants chinois et américain

Outre la zone euro, les économies chinoises et américaines marquent le pas. Pour le géant asiatique, la croissance ralentirait de façon marquée jusqu'en 2020. La direction générale du trésor prévoit une évolution du PIB à 6,6 % en 2018 contre 6,2 % en 2019 et 5,9 % en 2020. Ce coup de mou s'expliquerait par des mesures de désendettement de l'économie et de resserrement de la réglementation financière. Si ces dispositifs "visent à enrayer la dynamique d'endettement des gouvernements locaux (hors bilan) et des entreprises, ainsi qu'à réduire le 'shadow banking', ces mesures macro-prudentielles pèsent sur l'ensemble du tissu industriel privé et sur la consommation en réduisant l'accès au crédit" expliquent les experts. Régulièrement, la Banque des règlements internationaux (BRI) alerte sur le niveau d'endettement des entreprises privées dans la seconde puissance économique mondiale.

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Aux Etats-Unis, l'horizon s'obscurcit également. La direction générale située à Bercy prévoit une croissance de 2,6 % en 2019 contre 2,9 % vers 2018 et 2,2 % vers 2017. La politique budgétaire de Donald Trump viendrait encore soutenir l'économie américaine jusqu'à la fin de l'année. La fin de ce stimulus budgétaire combiné à l'effet des mesures protectionnistes et d'un durcissement des conditions financières pourraient freiner l'activité au pays de l'oncle Sam.

Le commerce mondial cale

Après s'être essoufflé en 2018, le commerce mondial devrait encore ralentir en 2019. Selon les prévisions des auteurs de l'étude, les échanges commerciaux mondiaux passeraient de 5,8 % en 2017 à 4,5 % en 2018 et 3 % en 2019. "En 2019, les importations ralentiraient sensiblement en Chine, en lien avec les tensions commerciales sino-américaines et le ralentissement économique, ainsi que dans les pays producteurs de pétrole, pénalisées par un prix du baril moins élevé qu'en 2018".

Grégoire Normand
Commentaires 3
à écrit le 29/03/2019 à 12:48
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Pourquoi inquiétant lorsqu' on analyse les causes ? Le vice de construction de l' UE faite d'intérêts antagonistes et de supervision par les USA fait qu' elle se tire une balle dans le pied tous les jours que Dieu fait.

à écrit le 29/03/2019 à 11:18
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Le dogme européiste de la croissance passe avant le bien-êtres des populations! L'inquiétude vient de là!

à écrit le 29/03/2019 à 9:42
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Et si on passait a une croissance endogène et qu on oublait un temps le tout export a l allemande ?

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