En France, une tradition pro-vaccinale perdue ?

Démarrage trop lent, désorganisation logistique, manque d’anticipation… Depuis la mise en scène devant les caméras, le 27 décembre dernier, de la première injection de vaccin anti-Covid, le gouvernement est sous le feu des critiques pour sa gestion de la campagne de vaccination. Après les masques et les tests, la France a-t-elle (une fois encore?) cafouiller en proposant un plan vaccinal inadapté ? A-t-elle rattrapé ces voisins européens en nombre de vaccinés ? Sur le plan économique, la facilité du pays de sortir de l'ornière du Coronavirus le plus rapidement sera un indicateur important pour la reprise française.
Laurent Lequien
(Crédits : Reuters)

Pour des raisons historiques liées aux travaux de Pasteur, la France a longtemps été un pays très "pro-vaccins". A contrario, dans de nombreux pays, notamment au Royaume-Uni, des ligues anti-vaccinales et des mouvements anti-vaccinaux très puissants ont émergé très tôt après la mise au point de la vaccination.

D'après une étude menée par l'EHESP, en 2000, 90% des Français étaient favorables à la vaccination, et seuls 10% y étaient réticents. Ce taux resta inchangé jusqu'en 2005. À partir de 2009-2010, dans le contexte de la vaccination contre la grippe H1N1 et la montée des réseaux sociaux et des théories complotistes, un nouveau sondage auprès des Français montre que le taux de personnes qui se déclarent défavorables à la vaccination a explosé : il atteint alors 40%. Pour les experts, c'est un véritable basculement vers une "pensée antivax".

En France, la peur sur les effets secondaires règne

Début janvier 2021, une nouvelle étude Ipsos menée pour le Forum Économique mondial (*) auprès de 15 pays à travers le monde, révèle que la France est le pays où les intentions de vaccinations sont les plus faibles : seuls 40% des Français souhaitent se faire vacciner s'ils en avaient la possibilité. C'est deux fois moins qu'en Chine, où 80% de la population a l'intention de se faire vacciner, et 14 points de moins qu'en octobre dernier, où 54% des Français manifestaient leur volonté d'avoir accès au vaccin.

De quoi se méfient particulièrement les Français qui ne souhaitent pas se faire vacciner ? En premier lieu, ces derniers craignent les effets secondaires (72%), tout comme les Japonais (76%) et les Sud-Coréens (76%). Les Américains ne sont quant à eux que 57% à les redouter. Parmi les autres raisons invoquées, les Français ne souhaitant pas se faire vacciner mentionnent le doute sur son efficacité (27%) et le fait de ne pas être particulièrement à risque face à la maladie (19%). Plus original, 2% invoquent simplement un manque de temps. Enfin, 14% des Français expliquent être globalement antivaccin, loin derrière la Russie (26%) et la Corée du Sud (23%).

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Un gouvernement attentifs aux réfractaires à la vaccination

"Qui va piano va sano !" : c'est certainement la devise du gouvernement sur le sujet de la vaccination contre le Coronavirus. Outre les multiples polémiques portant sur les mesures sanitaires, le gouvernement essuie des critiques sur sa campagne de vaccination jugée trop lente.

Lire aussi : Une campagne de vaccination "bien trop lente" pour être efficace

Pour les experts, la politique vaccinale du gouvernement a été dictée par la population la plus réticente à la vaccination, oubliant les Français souhaitant se faire vacciner. Ici, les observateurs pointent du doigt la politique du "en même temps" d'Emmanuel Macron peu propice en période de crise sanitaire.

Autre problème au niveau de la vaccination dans les Ehpad : un protocole long et fastidieux de la vaccination demandant aux personnes âgées, une consultation pré-vaccinale, le recueil du consentement ou la désignation d'une personne référente de confiance. Ce protocole expliqué dans un guide de près de 50 pages, n'a pas facilité la fluidité des débuts de la campagne vaccinale française.

"L'administration de la Santé, c'est un État dans l'État, noyautée par les syndicats, confié un conseiller ministériel à Franceinfo. C'est un monstre à bouger."

Comme pour les tests, les pharmaciens s'impatientent

Les deux principaux syndicats de pharmaciens ont plaidé cette semaine pour prendre une part accrue dans la vaccination contre la Covid, notamment via l'autorisation de la pratiquer en officine, attendue selon eux par les professionnels, mais aussi par les patients.

"Jusqu'à maintenant, tout a été fait pour nous écarter", s'est agacé Gilles Bonnefond, président de l'Union de syndicats de pharmaciens d'officine"Il est temps d'ouvrir la vaccination aux infirmiers et aux pharmaciens sans supervision des médecins".

"Maintenant qu'on a vacciné 15 millions de personnes dans le monde, il n'est plus nécessaire de mettre des obstacles", a-t-il ajouté, d'autant plus que "les patients nous demandent tous les jours au comptoir quand ils pourront venir se faire vacciner, ils ne comprennent pas".

Son homologue Philippe Besset, président de la FSPF, s'est à l'inverse dit "à la disposition des autorités de santé pour apporter notre appui" dans ces centres de vaccination. Il a toutefois jugé "important d'envisager la vaccination dans les cabinets et les officines, afin de toucher les personnes qui n'iront jamais dans ces centres".

Pour Hubert Olivier, récemment élu président de la Chambre Syndicale de la Répartition Pharmaceutique, "La crise sanitaire du Coronavirus a été un révélateur d'utilité pour la répartition pharmaceutique et les pouvoirs publics ont pris conscience du rôle essentiel que nous pouvions jouer. Nous avons démontré la puissance de nos réseaux et notre capacité à nous adapter, à réagir, à faire des propositions au gouvernement et aux pharmaciens".

Objectif: 1 million de personnes âgées et de soignants à risque

Après de vives critiques sur la lenteur du démarrage de la campagne, le pays devait dépasser ce week-end les 100.000 personnes selon le ministre de la Santé Olivier Véran.

"Avant la fin du mois de janvier, nous autoriserons la vaccination des personnes âgées de 75 ans et plus qui ne sont pas en établissement, qui sont en ville, à la maison", a détaillé Olivier Véran début janvier, disant vouloir "amplifier, accélérer, simplifier" la vaccination.

Plus de 50.000 doses du vaccin Moderna, qui vient d'être autorisé en Europe, seront en outre livrées cette semaine pour être acheminées dans le Grand Est, en Auvergne-Rhône-Alpes et en région Sud afin d'être utilisées dans la semaine, avait aussi annoncé dimanche le ministère de la Santé.

Pour donner un coup d'accélérateur tant demandé par les professionnels de santé, le gouvernement, qui attend à date 500.000 doses hebdomadaires du vaccin Pfizer, et à terme 500.000 doses du Moderna, a changé de stratégie et ouvert la vaccination à tous les professionnels de santé de plus de 50 ans ou fragiles, ainsi qu'aux plus de 75 ans ne résidant pas en Ehpad dès le 18 janvier.

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(*) ÉTUDE IPSOS : Les intentions de vaccination des Français en chute de 14 points depuis octobre dernier (janvier 2021)

Laurent Lequien
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