Le combat de Bruxelles contre les voitures chinoises risque de créer des remous entre la France et l’Allemagne

L'Europe a annoncé ces dernières semaines une série de mesures protectionnistes pour faire face à l'afflux des voitures électriques chinoises sur le marché. Si, côté Français, on se réjouit de la volonté européenne de protéger son industrie automobile de l'arrivée massive des marques chinoises et de leurs prix agressifs, en Allemagne, les constructeurs s'inquiètent de ces mesures qui pourraient présenter plus de risques que d'avantages pour leur développement.
À titre d'exemple, le géant automobile Volkswagen vend presque 40 % de ses véhicules en Chine, soit plus que toute l'Europe réunie, malgré une baisse de part de marché récemment.
À titre d'exemple, le géant automobile Volkswagen vend presque 40 % de ses véhicules en Chine, soit plus que toute l'Europe réunie, malgré une baisse de part de marché récemment. (Crédits : Reuters)

L'automobile va-t-elle raviver les tensions franco-allemandes ? Récemment, la guerre en Ukraine a creusé des tensions entre les deux pays, notamment autour de l'énergie et de la défense. La semaine dernière, l'Union européenne a annoncé ouvrir une enquête sur les subventions massives du gouvernement chinois à son industrie automobile électrique. Une initiative fortement poussée par les constructeurs et le gouvernement français. Quelques jours plus tard, le commissaire européen chargé du Marché intérieur Thierry Breton, ajoutait sur LCI :

« Généralement - je ne veux pas préjuger de ce que vont donner les résultats de l'enquête que nous ouvrons - mais généralement, si je regarde ce qui se passe pour les enquêtes qu'on ouvre, ça se traduit souvent par des augmentations de droits de douane de 10 à 20 % »

En outre, mercredi, l'Etat français a annoncé la publication du décret qui va conditionner le bonus écologique attribués aux voitures électriques qui auront une plus faible empreinte carbone.

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Ainsi, en deux semaines, l'Europe a sorti les griffes pour protéger son industrie automobile de l'arrivée massive des constructeurs chinois et de leurs prix agressifs, environ 10.000 euros en dessous du marché.

Menaces de Pékin

Mais cette annonce de l'ouverture d'une enquête par l'UE a, sans tarder, été suivie d'effets en Chine qui a menacé l'Europe d'un « impact négatif sur les relations économiques et commerciales », dénonçant ainsi une mesure « prise au nom d'une "concurrence loyale" » et « ouvertement du protectionnisme ».

Pas de quoi effrayer la France à l'instar du ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, qui a estimé qu'il s'agissait « d'une bonne nouvelle que l'Europe prenne conscience de la nécessité de défendre ses intérêts économiques ». Son homologue allemand s'est, lui, montré plus prudent dans ses propos« S'il y a des doutes sur l'équité, il faut les examiner. Le commerce mondial est basé sur des règles et (elles) s'appliquent naturellement aussi aux véhicules électriques ».

Car la Chine pourrait sanctionner l'Europe par différents moyens : de l'augmentation des coûts des matières premières à l'interdiction de vente de certains constructeurs, dans les cas les plus extrêmes. « Une situation peu probable », estime toutefois Julien Pillot, économiste et enseignant-chercheur à l'INSEEC, qui souligne l'importance du continent européen sur le marché mondial. « L'Union européenne regroupe 450 millions d'habitants avec un des plus forts pouvoirs d'achat mondiaux et parfois 2 à 3 voitures par foyer. Il ne faut pas sous-estimer notre force non plus ».

Les constructeurs allemands inquiets

Pour autant, les constructeurs allemands, contactés par La Tribune, craignent que les mesures protectionnistes ne comportent plus de risques que d'avantages pour leur industrie et prônent le libre-échange. Une réaction que ne partage pas totalement Julien Pillot qui nuance la situation allemande :

« L'industrie allemande a intérêt à protéger son industrie automobile, car si elle a une position dominante sur le thermique, le futur ne dit pas si elle pourra garder l'avantage sur l'électrique », explique-t-il, avant d'ajouter néanmoins que « si l'Allemagne a beaucoup à gagner avec des mesures protectionnistes, c'est également elle qui a le plus à perdre en cas de représailles. Et tant qu'on ne connaît pas la réaction de la Chine, il est difficile d'évaluer à l'avance si les avantages prendront le pas sur les risques. »

L'Allemagne, une industrie tournée vers la Chine

La première puissance européenne est résolument portée par l'automobile et s'est largement tournée vers la Chine pour vendre ses modèles. La filière est le premier secteur industriel dans le pays et sa part dans le PIB représente environ 13 %. Cette production est en grande partie exportée en dehors de l'Europe, contrairement aux constructeurs français, et particulièrement vers la Chine. À titre d'exemple, le géant automobile Volkswagen y vend presque 40 % de ses véhicules, soit plus que toute l'Europe réunie, malgré une baisse de part de marché récemment. BMW et Mercedes ne sont pas très loin en termes de ventes. En tout, près de 30 % du chiffre d'affaires des constructeurs allemands est réalisé en Chine.

Sans compter que ces derniers sont davantage positionnés sur le premium, rappelle le cabinet Roland Berger, et sont donc, de fait, moins menacés par les importations chinoises, à la qualité plus basse. Les constructeurs français, de leur côté, se sont éloignés du marché chinois, à l'instar de Renault, qui regarde désormais vers l'Inde. Leur positionnement sur la moyenne gamme, en confrontation directe avec les véhicules chinois, a quant à lui tout intérêt à être protégé par les mesures européennes.

Autre variable désormais : l'électrique, qui rebat les cartes. Aucune marque européenne n'est parvenue à se positionner dans le top 10 des voitures les plus vendues en Chine en 2022. Toutes les places ont été occupées par les nouveaux constructeurs chinois spécialistes de l'électrique ainsi que par Tesla. Mais sur l'électrique justement, les Allemands comptent bien imposer leur style en Chine et garder leur part de marché. Par conséquent, les constructions d'usines se multiplient. Récemment, c'est BMW qui a annoncé 1,3 milliard d'euros d'investissements pour sa future gamme de voitures électriques et de batteries associées à partir de 2026. Des efforts qui pourraient donc être mis à mal par les ambitions protectionnistes de l'UE.

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Commentaires 17
à écrit le 22/09/2023 à 13:07
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Croire qu'il suffit de taxer les voitures chinoises pour se protéger des constructeurs étrangers est une abérration francaise!!! LA PROTECTION très chere aux francais est la cause du déclin de l'índustrie francaise. Demandez vous pourquoi il n'y a au...

le 23/09/2023 à 5:16
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Vous devez savoir que la Dacia arrive trois fois moins cher qu'elle est vendu en Europe qu'il y a très peu de taxes et que toute la marge est mise dans la poche par Dacia.... C'est au contraire le libéralisme sauvage du commerce international qui tue...

à écrit le 22/09/2023 à 12:50
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Jusqu'au début des années 2000 les constructeurs japonais et coréens ne pouvaient pas importer dans l'UE plus de 3% du total des immatriculations .Pour contourner cette limite ils n'ont eu qu'une solution ; produire en Europe ce qu'ils ont fait en c...

à écrit le 22/09/2023 à 8:21
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L'Europe de gauche se met la corde autour du cou puis pousse des cris reenchantes d'indignation quand le tabouret chinois commence à vaciller

à écrit le 22/09/2023 à 7:55
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Avec l'Ue à la fin c'est l'Allemane qui gagne!

le 22/09/2023 à 8:50
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he oui deutchland uber alles !

à écrit le 21/09/2023 à 22:46
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Les allemands on les e…. Vu qu on achète plus allemand qu’ eux achètent français .. s’ ils ne sont pas content - alors que ce sont les 1 er à prendre des mesures unilatérales en Europe - on boycotte toutes leurs industries…

le 22/09/2023 à 8:51
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et on achete Chinois ?

à écrit le 21/09/2023 à 21:50
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Un combat ? C'est une blague ? Allez en Chine dans un supermarché géant avec déjà plusieurs concessionnaires et regarder ce que vous avez pour 30k€, par rapport à ce qu'on vend chez nous. Vous allez pleurer ! On a déjà au moins 10 ans de retard sur e...

le 02/11/2023 à 20:29
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Tout fabriqué dans les prisons-usines, ouvriers hébergés comme sardines dans les barracks, aucunes normes ou couts environnementales, filets anti-suicide autour les usines, 16 heures du travail par jour 6/7, pas des congés payes ou de maternité - je ...

à écrit le 21/09/2023 à 20:52
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Les écolos allemands sniffent au charbon , inutile de donner des leçons aux autres.

à écrit le 21/09/2023 à 19:33
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Nous avons déjà connu ce genre de problème avec les véhicules Japonais dès les années 70 !! : véhicules de "bonne tenue," moins chère et d'une fiabilité exemplaire ...... lé marché français reviendra à son équilibre dans le temps .......

à écrit le 21/09/2023 à 19:33
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Nous avons déjà connu ce genre de problème avec les véhicules Japonais dès les années 70 !! : véhicules de "bonne tenue," moins chère et d'une fiabilité exemplaire ...... lé marché français reviendra à son équilibre dans le temps .......

à écrit le 21/09/2023 à 19:32
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Nous avons déjà connu ce genre de problème avec les véhicules Japonais dès les années 70 !! : véhicules de "bonne tenue," moins chère et d'une fiabilité exemplaire ...... lé marché français reviendra à son équilibre dans le temps .......

à écrit le 21/09/2023 à 19:14
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L'Allemagne à toujours joué solo, à profité de l'Europe, torpillé le nucléaire Français, s'est fourvoyé avec la Russie, et désormais en Chine. Torpillé tous les programmes communs en matière d'armement etc...sur le fond, nous avons beaucoup plus ...

à écrit le 21/09/2023 à 17:35
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Cette démarche de protectionnisme est proprement scandaleuse ,elle vise à permettre aux constructeurs français de vendre leurs voitures chers et ainsi de s'enrichir sur le dos des français. L'article de la Tribune cite une enquête sur les subvention...

le 21/09/2023 à 19:10
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Bonjour, malheureusement je suis de votre avis , car tous cela pour favoriser la voiture électrique française , a 40 000 euros de préférence... Ensuite, pour les aides a l'achat octroyé par le gouvernement, s'est avant tous de la dette que les franç...

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