Le moteur économique de l'Europe a-t-il des risques de caler durablement ? Face à la compétitivité de l'Allemagne se présentent au moins trois nouveaux défis : l'approvisionnement énergétique suite à la guerre en Ukraine, l'accélération de la Chine et le financement de la transition écologique sous la pression des écologistes. C'est dans ce contexte que le fleuron industriel, Siemens, a annoncé jeudi un investissement d'un milliard d'euros outre-Rhin pour moderniser ses capacités de production. Avec un bémol toutefois, son patron a averti que la première économie européenne devenait moins attractive.
Pour rappel, la première économie européenne est entrée en récession au premier trimestre, avec deux trimestres consécutifs de recul du PIB, dont une baisse de 0,3% entre janvier et mars.
Siemens va tout de même consacrer la moitié de l'enveloppe annoncée, soit environ 500 millions d'euros, pour moderniser son usine électronique bavaroise d'Erlangen et en faire d'ici 2029 un centre mondial de recherche et développement pour les concepts de production numérique.
« Dans le même temps, nous renouvelons près des deux tiers de nos produits et augmentons la capacité de 60 % — dans le même périmètre », a déclaré le PDG de Siemens, Roland Busch, lors d'un événement à Erlangen.
La région d'Erlangen et la ville voisine de Nuremberg vont servir à l'avenir de centre de développement pour « le métavers industriel », soit la représentation virtuelle d'un environnement industriel réel qui permet d'améliorer la prise de décision.
Le groupe « investit en Allemagne parce qu'il y a ici des écosystèmes établis et prospères — y compris l'automobile, la chimie, la pharmacie et les entreprises de taille moyenne très solides », a justifié M. Busch.
La perte de l'avantage concurrentiel
Pour autant le patron du géant industriel s'inquiète aussi de la dégradation des conditions économiques en Allemagne. « Nous sommes devenus incroyablement compliqués et lents avec tout » et « à l'échelle internationale, cela devient de plus en plus un désavantage concurrentiel », déclare-t-il jeudi dans une interview au quotidien économique Handelsblatt.
Pour des entreprises gourmandes en énergie — dans la transformation des métaux, le verre et une partie de la chimie — « les investissements en Allemagne ont de moins en moins de sens », ajoute-t-il.
Industriels et experts tirent la sonnette d'alarme depuis plusieurs mois quant à la perte de compétitivité qui menace la première économie européenne, fragilisée par la hausse des prix de l'énergie, l'inflation, les difficultés de la Chine — son premier partenaire commercial — ou le manque de main-d'œuvre.
L'industrie, moteur de l'économie allemande, est plombée par cette chute de la demande intérieure, particulièrement forte en ce qui concerne les biens.
Avant Siemens, le géant de la chimie BASF annonçait revoir à la baisse ses objectifs annuels, après un deuxième trimestre marqué par une forte baisse annuelle de son résultat d'exploitation (EBIT). L'EBIT a atteint 974 millions d'euros d'avril à juin, et 1,0 milliard avant exceptionnels, soit des reculs proches de 60% sur un an, alors que les marges sont sous pression.
En juillet, le moral des investisseurs allemands baisse Le moral des investisseurs a légèrement baissé en juillet outre-Rhin, reflétant les difficultés de l'économie allemande, entrée en récession, sur fond d'inflation toujours élevée et de crise de l'industrie, selon le baromètre mensuel ZEW publié mardi. Cet indicateur très surveillé du climat économique a perdu 6,2 points sur un mois, à -14,7 points, après avoir connu une légère amélioration de 2,2 points en juin, a indiqué l'institut ZEW dans un communiqué. C'est nettement moins bien que ce que prévoyaient les experts de la plateforme financière Factset, qui tablaient sur un ZEW à -10,0 points. La composante du baromètre évaluant la situation actuelle chute du 3,0 points sur un mois à -59,5 points. Selon la plupart des experts, cette dynamique baissière devrait se poursuivre au cours des prochains mois, et conduire à un recul du PIB annuel en 2023. Le pays est plombé par une nette baisse de sa consommation domestique, en raison de l'inflation, qui est même repartie à la hausse en juin, à 6,4%, et par les hausses de taux menés tambour battant par la BCE. Malgré une forte baisse, les prix de l'énergie restent en outre relativement élevés pour le secteur manufacturier, et certaines branches, comme la chimie, peinent à retrouver leur niveau de production d'avant la guerre en Ukraine. Les exportations, essentielles pour le secteur, sont enfin moins dynamiques, sur fond de ralentissement de la demande en produits allemands en Chine et aux Etats-Unis, deux marchés cruciaux pour le secteur.
(Avec AFP)
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