L'inflation au plus bas depuis deux ans dans la zone euro : Christine Lagarde a-t-elle gagné son combat ?

L’inflation a chuté à 4,3% sur un an en zone euro, soit un plus bas depuis octobre 2021. Une bonne nouvelle qui pourrait laisser espérer une fin de la hausse des taux de la Banque centrale européenne, voire un abaissement de ces derniers prochainement. Pour autant, ce scénario reste encore bien fragile. Explications.
Maxime Heuze
Car au-delà d'avoir un effet sur l'accélération des prix, le resserrement monétaire de la BCE a également des effets sur la croissance de la zone eur
Car au-delà d'avoir un effet sur l'accélération des prix, le resserrement monétaire de la BCE a également des effets sur la croissance de la zone eur (Crédits : KAI PFAFFENBACH)

Christine Lagarde aurait-elle vaincu l'inflation ? C'est ce que pourrait laisser penser l'indice des prix à la consommation qui a chuté à 4,3% en septembre sur un an en zone euro, d'après les chiffres d'Eurostat publiés ce vendredi 29 septembre. Ce chiffre est notable puisqu'il est bien meilleur que celui d'août (5,2%), et bien éloigné du sommet de 10,6% atteint en octobre 2022, au cœur de la crise énergétique. Mieux encore, il s'agit d'un plus bas depuis octobre 2021.

De quoi voir le signe d'un effet positif du resserrement monétaire opéré par la Banque centrale européenne (BCE) depuis juillet 2022. Pour tenter d'atteindre son objectif d'une inflation revenue à 2%, l'institution monétaire a, pour la dixième fois consécutive, relevé ses taux directeurs de 0,25 point de pourcentage, les portant dans une fourchette de 4% à 4,75%. C'est leur plus haut niveau depuis la création de la monnaie unique en 1999.

Impact sur la croissance

D'ici à la fin de l'année, « l'inflation devrait continuer à baisser » jusqu'à « environ 3,5% » grâce à la poursuite du ralentissement des hausses de prix dans l'alimentation, l'industrie et les services, avance, ainsi, Jack Allen-Reynolds, expert de Capital Economics.

« Nous commençons à voir les effets de la hausse des taux de la Banque centrale européenne et une activité économique qui ralentit », confirme de son côté Alexandre Baradez, responsable des analyses de marché chez IG France, interrogé par La Tribune.

Car au-delà d'avoir un effet sur l'accélération des prix, le resserrement monétaire de la BCE a également des effets sur la croissance de la zone euro (les vingt pays à avoir adopté la monnaie unique) qui a craint, pendant plusieurs mois, une récession. Le 11 septembre dernier, la Commission européenne a d'ailleurs réduit de 0,3 point ses prévisions de croissance économique en 2023 et 2024, à respectivement 0,8% et 1,3%.

En outre, monter encore davantage les taux pour juguler l'inflation pourrait avoir des conséquences très négatives sur l'activité économique de la zone euro. En effet, les taux directeurs influencent directement le coût de l'endettement des ménages, entreprises et Etats européens. Selon les chiffres de la Banque de France, la production de crédit immobilier en France a ainsi chuté de 40% sur un an en juillet.

Des espoirs de fin de hausse des taux

De quoi convaincre la BCE de stopper sa politique ? « Cela nous conforte dans l'idée que la BCE a fini de relever ses taux d'intérêt », veut croire Jack Allen-Reynolds. Un point de vue partagé par François Villeroy de Galhau, le gouverneur de la Banque de France qui a déclaré, ce vendredi sur LinkedIn que :

« Ces données renforcent notre confiance dans le fait que l'inflation dans la zone euro et en France reviendra vers son objectif de 2% d'ici à 2025, ce qui confirme que le niveau actuel de nos taux d'intérêt directeurs est approprié ».

 A tel point que certains spéculent déjà sur la baisse des taux. Pour Fabio Balboni, économiste chez HSBC, une première baisse des taux pourrait même intervenir aux Etats-Unis « au troisième trimestre 2024 » et, pour le reste du monde, en 2025, a-t-il récemment confié à l'AFP, rappelant que « dans ce contexte de croissance faible, ça va être très compliqué de réduire les taux alors que l'inflation » reste « trop élevée ».

De son côté, Jennifer McKeown, économiste chez Capital Economics, estime que dès « l'approche de 2024, le cycle d'assouplissement s'installera » et prévoit « que 21 des 30 principales banques centrales réduiront leurs taux d'intérêt l'an prochaine ».

Des banquiers centraux prudents

Lundi, la présidente de la BCE, Christine Lagarde, a assuré avoir conscience que les taux d'intérêt élevés provoquent leur lot de « souffrances » pour les ménages emprunteurs et a dit vouloir écourter autant que possible ces effets. Elle a cependant réaffirmé que les taux d'intérêt allaient rester élevés aussi longtemps que nécessaire. Ainsi, la majorité des économistes et analystes ne voient une baisse des taux européens qu'entre le deuxième et le troisième trimestre 2024.

Lire aussiHausse des taux : la BCE refuse de baisser la garde, l'inflation est encore trop forte

D'autres n'excluent toutefois pas de nouvelles hausses. Le 18 septembre, Peter Kazimir, le gouverneur de la Banque de Slovaquie, avait déjà évoqué cette possibilité.

« Seules les prévisions de mars peuvent confirmer que nous nous dirigeons sans équivoque et progressivement vers notre objectif d'inflation », avait-il déclaré dans une tribune, avant d'ajouter « c'est la raison pour laquelle je ne peux pas exclure actuellement la possibilité de nouvelles hausses de taux. »

De même, le 25 septembre, Isabel Schnabel, membre du conseil des gouverneurs, a affirmé que « le problème d'inflation n'est pas encore résolu ».

Effet de base, hausse des prix du pétrole et des salaires

Les avis divergent, donc, sur le futur de la politique monétaire de la BCE, car la bataille des prix est encore loin d'être gagnée, et parce que le flou demeure. Et pour cause, le fort ralentissement s'explique en partie par un effet de base. Autrement dit, une baisse de l'inflation ne signifie pas une baisse des prix, mais bien que ces derniers augmentent moins vite. Or les prix ayant enregistré des sommets à l'été et automne 2022 (par rapport à 2021), la progression apparaît donc moins forte en comparaison avec 2023. Difficile donc de crier victoire pour l'instant. D'autant que le niveau est encore loin de l'objectif de 2% de la BCE.

En outre, « il y a deux enjeux qui font craindre une inflation durablement élevée : le prix du pétrole et les salaires », alerte Alexandre Hezez, Directeur de la Gestion Financière chez la Richelieu gestion, interrogé par La Tribune. Après être tombé à 72 dollars (68 euros) fin juin, le prix du baril de Brent est remonté à 95 dollars en cette fin septembre, grimpant donc de 32% en trois mois et menace aujourd'hui de rester à des niveaux élevés, plusieurs pays producteurs souhaitant maintenir leur production basse.

« Cette hausse des prix de l'énergie pourrait faire baisser les marges des entreprises au moment où les salaires commencent à sérieusement remonter aux Etats-Unis et en Europe, ce qui pourrait provoquer un effet ciseaux », s'inquiète le banquier de Richelieu.

Dans un tel scénario du pire, la stagflation (soit une inflation couplée à une récession) pourrait s'installer et maintiendrait les taux centraux durablement élevés puisque « ce serait le seul moyen de faire repartir l'économie (en les rabaissant une fois l'inflation jugulée, ndlr) », conclut Alexandre Hezez. Espérons, donc, que les producteurs de pétrole acceptent de rouvrir les vannes.

Maxime Heuze
Commentaires 12
à écrit le 20/10/2023 à 18:45
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Revenir à 2% c'est complètement stupide, déjà ça n'a jamais était 2% mais plutôt 2.5 voir 3% et avec l'augmentation des énergies, j'aurai tablé sur une stabilisation sur 3.5% et suivi par une baisse des taux pour éviter une récession, je pourrais êtr...

à écrit le 01/10/2023 à 15:08
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L'inflation réelle en France est de plus de 25 % ... l'inflation propagandée est simplement inventée sortie des officines mafieuses

à écrit le 30/09/2023 à 17:33
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pourtantau debut elle maintenais qu ijl n avais pas d inflation et maintenant elle pavoise en disant que c et elle qui la reduite

à écrit le 30/09/2023 à 16:48
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"Christine Lagarde a-t-elle gagné son combat ?" : Vous voulez dire un combat pour un problème qu'elle a elle même déclenché ?

le 20/10/2023 à 18:44
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C'est clair, avec ces médicaments placebo elle va soigner l'inflation....

à écrit le 30/09/2023 à 11:40
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Le secret bien gardé (lol) des banques au centre est que leur régulation de l'inflation... ne sert à rien ! c'est un phénomène "naturel" à rétroaction négative... quand les gens n'ont plus les moyens, pour peu qu'on n'imprime pas de la monnaie suppl...

le 20/10/2023 à 18:49
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C'est ce que je me suis toujours dit, l'univers a horreur du déséquilibre, donc si c'est cher les gens n'achètent pas, point, donc baisse de prix, pas les effets placebo des augmentations des taux de LaGarde sur l'inflation mais les dégâts réels sur ...

à écrit le 30/09/2023 à 11:28
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nous payons aujourd'hui sa bêtise des taux négatifs comment la croire ?

à écrit le 30/09/2023 à 11:23
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En résumé tous ces analystes pseudo experts ne savent rien. Il est vrai que la prévision économique est un exercice difficile surtout quand elle concerne l'avenir🤣

le 30/09/2023 à 11:46
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La macroéconomie est en grande partie une tartufferie et le nombre incroyable de gens qui s'en occupent et le symptome de son inutilité. Publier des pseudo-analyses sans rendre jamais des comptes sur son travail tout en se donnant un air compétent es...

à écrit le 30/09/2023 à 8:28
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Une baisse de la hausse de la hausse à savoir toujours une hausse des prix.

à écrit le 30/09/2023 à 8:26
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Ces observateurs ont raté leur vocation, ils auraient été mieux vêtu en servant de messe.

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