Pêche : la Commission européenne interdit le chalutage de fond dans les aires marines protégées

La Commission européenne va interdire d'ici 2030 le chalutage de fond dans les aires marines protégées, 12% des eaux européennes, dans le cadre d'un plan pour « verdir » le secteur de la pêche décrié par les professionnels et jugé trop timide par les ONG écologistes. Dans le même temps, les Etats membres de l'ONU sont réunis pour tenter de protéger la haute mer.
L'Union européenne interdit déjà depuis 2016 le chalutage en-dessous de 800 m, pour aider à restaurer les écosystèmes vulnérables des fonds marins, dotés d'une riche biodiversité.

Verdir la pêche, c'est l'ambition de la Commission européenne qui va interdire d'ici 2030 le chalutage de fond dans les aires marines protégées. Les Etats membres devront adopter des mesures pour « éliminer progressivement » cette pêche controversée dans ces espaces qui représentent 12% des eaux européennes, quelle que soit leur profondeur, selon ce plan d'action présenté ce mardi.

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L'Union européenne interdit déjà depuis 2016 le chalutage en dessous de 800 mètres, pour aider à restaurer les écosystèmes vulnérables des fonds marins dotés d'une riche biodiversité. La pratique est aussi bannie depuis septembre sous 400 mètres dans une petite partie de l'Atlantique Nord-Est.

Mais l'usage d'engins de fond mobiles (chaluts, dragues, filets maillants, palangres, casiers...) « reste très répandu », notamment dans 80% à 90% des zones exploitables de l'Atlantique Nord-Est, « dans de nombreux sites « Natura 2000 » et autres zones protégées », déplore l'exécutif européen. De quoi, selon lui, compromettre les objectifs des Vingt-Sept pour le climat et la biodiversité.

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Une pêche très gourmande en carburant et forte émettrice de CO2

Bruxelles dénonce une pêche très gourmande en carburant et forte émettrice de CO2, qui, en raclant les fonds détruit des écosystèmes constituant eux-mêmes des puits de carbone, fragilise les populations de poissons qui s'y abritent et s'y reproduisent, et favorise des prises accidentelles « disproportionnées » faute de sélectivité.

La Commission demande également aux Etats d'étendre les surfaces des « aires marines protégées » afin d'atteindre l'objectif de 30% de l'espace marin fixé dans le plan biodiversité européen, et d'établir des limites aux prises accidentelles pour préserver certaines espèces vulnérables.

Pour l'Alliance européenne pour la pêche de fonds, 7.000 navires vont être « en danger »

L'Alliance européenne pour la pêche de fonds (EBFA), qui représente 20.000 pêcheurs de 14 pays, juge que l'interdiction du chalutage dans les aires protégées mettra « en danger 7.000 navires » correspondant à « 25% des volumes débarqués dans l'UE et à 38% des revenus totaux de la flotte européenne ».

Cette mesure est « injustifiée » car « certaines aires protégées ont été définies pour préserver des oiseaux et tortues », sans lien avec les fonds marins et « le seul résultat sera de déplacer les efforts de pêche vers d'autres zones, accroissant le carburant consommé et les répercussions indésirables sur les stocks », insiste son président Ivan Lopez.

Pour les ONG, « c'est trop peu, trop lent »

« C'est trop peu, trop lent (...) loin du calendrier urgent qu'il faudrait », s'insurge à l'inverse Rebecca Hubbard, de la coalition d'ONG écologistes Our Fish. L'UE tolérera de facto le chalutage de fond encore sept ans dans les aires protégées et après 2030 en-dehors, abonde l'ONG Oceana, dénonçant « le décalage marqué entre le constat et la faiblesse des actions proposées ».

Les Etats membres de l'ONU travaillent actuellement à protéger la haute mer

Au-delà de l'Europe, les Etats membres de l'ONU ont commencé le 21 février deux semaines de négociations, qui s'achèvent le 3 mars, pour tenter enfin d'accoucher d'un traité pour protéger la haute mer et éviter une nouvelle avarie qui verrait s'éloigner l'objectif de préserver 30% de la planète d'ici 2030. La haute mer commence où s'arrêtent les zones économiques exclusives (ZEE) des Etats, à maximum 200 milles nautiques (370 km) des côtes, et elle n'est donc sous la juridiction d'aucun pays.

Un traité « universel, efficace, applicable et à l'épreuve de l'avenir est à notre portée », a déclaré à l'ouverture la présidente de la conférence Rena Lee. « Il y a beaucoup d'énergie positive (...) et il nous incombe d'accroître cette énergie positive, de ne pas perdre notre objectif de vue et de faire que cette (conférence) soit vraiment la dernière », a-t-elle ensuite commenté à l'issue de la première journée, en recevant des mains de Jane Fonda une pétition de 5,5 millions de signataires réclamant un traité « fort ».

« Nous sommes en train de perdre l'océan, et si nous perdons l'océan, nous nous perdons nous-mêmes », a déclaré l'actrice et militante américaine à l'AFP. « C'est le combat qui déterminera s'il y a un lendemain pour l'humanité ».

Réduire la dépendance aux carburants fossiles

Outre l'impact environnemental, l'objectif est de réduire la dépendance aux carburants fossiles: les prix du gazole marin ont plus que doublé en 2022, avec une facture énergétique équivalant à 35% des revenus du secteur, contre 13% en 2020/

Bruxelles appelle les « Etats à mieux utiliser les fonds européens disponibles » pour compenser « les impacts socio-économiques à court terme, »  moderniser les navires et financer la recherche.

« Une incitation économique et des sanctions financières sont clairement nécessaires pour pousser la décarbonation (...) Surtout il faut éliminer toutes les subventions aux carburants fossiles », encore massives dans le secteur, souligne Rebecca Hubbard, de la coordination d'ONG Our Fish. En 2020, les 56.000 bateaux de pêche actifs dans l'UE (124.600 pêcheurs) avaient brûlé 1,9 milliard de litres de carburant pour ramener à terre 3,94 millions de tonnes de captures.

Après le Brexit, 90 chalutiers français vont partir à la casse

Après une bataille diplomatico-commerciale de plus d'un an entre Paris et Londres, arbitrée par Bruxelles, la France a finalement obtenu 1.054 licences de pêche du Royaume-Uni et des îles anglo-normandes, permettant aux titulaires de continuer à pêcher dans leurs eaux, comme avant le Brexit.

Pour les dizaines de pêcheurs restés sur le carreau ou dont l'activité a été fortement réduite, le gouvernement a lancé un « plan d'accompagnement individuel » (PAI), ou plan de sortie de flotte, assorti d'une enveloppe globale de 65 millions d'euros, financée par la Commission européenne.

Mi-février, sur les 164 demandes déposées, 124 ont été déclarées éligibles et 90 ont été retenues. Ces 90 bateaux, qui iront à la casse contre indemnisation à moins d'un désistement de l'armateur, représentent 3% de la flotte concernée, qui compte 2.860 navires répartis dans les Hauts-de-France, la Normandie, la Bretagne, les Pays de la Loire et la Nouvelle-Aquitaine.

La Bretagne, qui compte le plus de bateaux, est la région qui va en perdre le plus (45, soit 4% de sa flotte), tandis que les Hauts-de-France pourraient perdre 6% de leur flotte en détruisant 7 navires.

(Avec AFP)

Commentaire 1
à écrit le 21/02/2023 à 17:04
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C'est un peu tard, tout ça : on ne trouve pratiquement plus que du poisson d'élevage dans les poissonneries.

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