Ralentissement des crédits au secteur privé : le pic de l'inflation est peut-être passé, selon la BCE

Pour la première fois depuis mars, la croissance des crédits accordés par les banques au secteur privé a légèrement décéléré le mois dernier. De même, la masse monétaire, indicateur utilisé par la Banque centrale européenne pour mesurer l'inflation et adapter sa politique monétaire, a retrouvé son rythme d'avant pandémie du Covid. De quoi laisser présager d'un pic de l'inflation atteint dans la zone euro, selon l'institution, qui n'a de cesse de relever ses taux depuis juillet pour freiner la hausse des prix.
Coline Vazquez
La BCE tente, depuis juillet, de resserrer sa politique monétaire pour ralentir l'inflation dans la zone euro.
La BCE tente, depuis juillet, de resserrer sa politique monétaire pour ralentir l'inflation dans la zone euro. (Crédits : Ralph Orlowski)

Faut-il y voir un signe positif ? La croissance des crédits accordés par les banques au secteur privé a légèrement décéléré en octobre. C'est la première fois qu'on observe un tel phénomène depuis le mois de mars. Les prêts au secteur privé, ajustés de certaines opérations strictement financières, ont progressé de 6,5% sur un an, soit un demi point de moins qu'en septembre, a indiqué la Banque centrale européenne (BCE), ce lundi. Pour l'institution, il pourrait s'agir d'un premier signe que le pic de l'inflation qui frappe l'Europe a été atteint.

Dans le détail, les prêts accordés aux entreprises ont progressé de 8,9%, comme en septembre. La baisse concerne les financements sur moins d'un an, pour parer aux coûts d'exploitation renchéris par la hausse des prix de l'énergie et des matières premières : ils augmentent de près de 17% après un pic proche de 20% le mois précédent. La croissance des crédits accordés aux ménages, en comprenant les prêts pour la consommation et le logement, a ralenti à 4,2%, poursuivant un ralentissement observé depuis mai. Pour rappel, selon l'Observatoire Crédit Logement/CSA, le marché du crédit immobilier s'est littéralement effondré au troisième trimestre, avec un recul de 26,8 % de la production et de 27,7 % du nombre de prêts accordés. Une chute inédite depuis la crise financière de 2008.

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Faire baisser la masse monétaire

Autre élément qui connaît une croissance au ralenti : la masse monétaire M3 aussi appelé agrégat M3. L'Eurosystème, qui regroupe la Banque centrale européenne (BCE) les banques centrales nationales des 19 États membres de l'Union européenne ayant adopté l'euro, possède trois agrégats M1, M2 et M3. Le premier comprend les pièces et les billets en circulation et les dépôts à vue (dépôt fait dans un organisme bancaire et que l'on peut retirer à tout moment). Le second rassemble M1 ainsi que les dépôts à terme (dépôt auprès d'un organisme bancaire bloqué pendant un certain temps) d'une durée inférieure ou égale à 2 ans et les dépôts remboursables avec un préavis.

Enfin, le M3 englobe M2 (et donc M1) ainsi que les instruments négociables sur les marchés comme les pensions, les titres de créances, titres d'organismes de placement collectif en valeurs mobilières... Cette masse monétaire M3 est d'ailleurs utilisée par la BCE comme indicateur avancé de l'inflation. En effet, l'inflation résulte d'une croissance trop importante de la masse monétaire. La BCE peut donc tenter de freiner la hausse des prix en ralentissant la croissance de l'agrégat M3. A noter toutefois que l'inflation qui touche l'Europe - 10,7 % sur un an en octobre - résulte majoritairement d'un facteur extérieur, la guerre en Ukraine, qui a fait, notamment, flamber les prix de l'énergie.

Néanmoins, pour réduire la masse monétaire en circulation, la BCE procède à des hausses de ses taux directeurs. Elle a déjà opéré trois relèvements depuis juillet donc deux de 75 points de base, soit 0,75%.

Et cela pourrait bien porter ses fruits puisque la croissance de la masse monétaire M3 a désormais retrouvé son rythme d'avant pandémie du Covid et l'explosion consécutive de la demande d'aides financières à 5,1%. La BCE a d'ailleurs indiqué, ce lundi, que cela pourrait être le signe que le pic d'inflation pourrait être atteint.

Risque de récession

De quoi l'encourager à poursuivre le durcissement de sa politique monétaire. De nouvelles hausses de taux semblent, en effet, à venir. « Je ne pense pas que décembre sera la dernière hausse des taux », a ainsi déclaré le chef économiste de l'institution le 21 novembre dernier dans une interview à Market News.

Toutefois, le contexte ne permet plus d'« envisager une très grande hausse, comme 75 points de base » à l'instar des annonces « jumbo » de septembre et d'octobre. Dans son élan, la BCE doit tenir compte du fait que la zone euro devrait entrer en récession cet hiver, même si celle-ci sera probablement « légère et de courte durée », a-t-il pointé. C'est là une autre conséquence de la réduction de la masse monétaire, donc du nombre de crédit, entraînant une baisse de la consommation : cela freine la croissance. On parle d'une « récession technique » lorsqu'on enregistre un recul de l'activité économique pendant deux trimestres consécutifs. Or un tel scénario se profile au sein de la zone euro pour 2023, bien que les avis divergent sur sa tenue et sa gravité. Ce lundi, le président de la Banque des Pays-bas, également membre du Conseil des gouverneurs de la BCE, Klaas Knot, a affirmé que, s'il est « certain » que la croissance sera plus faible au quatrième trimestre, « une récession n'est pas une fatalité ».

(Avec AFP)

Coline Vazquez
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