Conflits d'intérêt : les administrateurs en première ligne

L'AMF vient de recommander aux conseils d'administration d'être très vigilants sur les conventions réglementées, ces accords passés entre la société et ses dirigeants. L 'Institut français des administrateurs s'est emparé du sujet.
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La rémunération des patrons, on l'a vu récemment, préoccupe largement nos politiques mais aussi le législateur. Il n'y a pourtant pas que ce seul sujet. Les pratiques de bonne gouvernance, que l'on retrouve dans le code Afep-Medef ont déjà permis de réaliser de sensibles progrès par rapport aux années 80/90. Mais la perfection n'est pas encore atteinte, loin de là, et plusieurs sujets préoccupent toujours les autorités de régulations. Dans son dernier rapport sur les sur les assemblées générales, l'AMF (Autorité des marchés financiers) a notamment mis le doigt sur un problème saillant : les conventions réglementées (ces accords passés entre la société et l'un de ses dirigeants), celles-ci pouvant parfois être constitutives d'abus de bien social. D'où la recommandation du régulateur de renforcer la responsabilité du conseil d'administration dans le processus d'approbation et de ratification de ces conventions. Projet qui n'est pas sans remettre en question les pratiques et le mode de fonctionnement des administrateurs.
Dans ce cadre, l'IFA, l'Institut français des administrateurs français a créé un groupe de travail dédié aux conventions règlementées. « Ce dispositif a pour objectif de gérer les situations de conflit d'intérêts. Il est donc indispensable d'appliquer cette procédure au sein des entreprises... en bonne et due forme, ce qui n'est pas toujours aisé, compte tenu de la complexité de la procédure ! », explique Bruno Dondero, professeur des Universités en droit et membre de l'IFA Et d'énumérer trois exemples concrets démontrant l'importance de ces contrats. « Premier exemple : un dirigeant de société souhaite acheter un bien immobilier appartenant à sa propre société. Ce contrat réputé « dangereux » pour l'entreprise nécessite la signature d'une convention réglementée. Les protagonistes du dispositif (administrateurs, commissaires aux comptes et même actionnaires) doivent ainsi vérifier qu'il n'existe pas d'inconvénient majeur à la réalisation de l'opération, mais aussi que le prix correspond à l'offre comparable existante sur le marché. Les administrateurs peuvent ainsi, lors d'un conseil, poser des questions et vérifier qu'il n'y a pas de risque d'abus de bien social dans l'opération...
Deuxième exemple : une convention de trésorerie (mise en commun des finances des diverses sociétés dans le but de se procurer des crédits à moindre coût, via des prêts intra-groupe) est conclue entre sociétés d'un même groupe. Dans ce cas de figure, le risque
est que l'une des sociétés soit toujours mise à contribution et que cela représente un frein à son développement (manque de fonds propres pour investir) voire une menace pour sa survie. La convention réglementée bordera les conditions des prêts intra-groupe, en faisant évidemment en sorte que la situation évoquée ci-dessus devienne impossible.
Troisième exemple : une entreprise compte, au sein de son conseil d'administration, un membre siégeant également au sein du conseil d'une autre société avec laquelle, justement, la première entreprise va passer un contrat commercial. Situation relativement courante dans le cercle « fermé » des conseils du CAC 40... Là encore, la signature d'une convention réglementée est en principe indispensable ».
Pour Bruno Dondero, la signature d'une convention réglementée ressemblée parfois à un parcours du combattant. « La mise en place de ces conventions peut être relativement longue (jusqu'à un an) car la loi française qui est l'une des plus exigeantes en ce domaine, fait intervenir de nombreux organes de la société : le conseil d'administration qui doit autoriser la conclusion du contrat avant sa signature, les commissaires aux comptes qui doivent faire un rapport sur ce contrat et même l'assemblée des actionnaires qui doit approuver le contrat... ou refuser de le faire ! Les enjeux sont lourds car la responsabilité personnelle des personnes intéressées et des administrateurs peut être mise en cause.
D'où l'importance de motiver de façon précise et à bon escient ces accords. Rôle que les administrateurs ne veulent pas endosser à la légère. D'où le groupe de travail et les préconisations que l'IFA ne va pas manquer de faire.
« Les conventions réglementées sont indispensables car leur existence même a une grande valeur symbolique. Elle dit à tout le monde : on ne peut pas faire n'importe quoi, en toute discrétion... l'obligation de respecter cette procédure est dissuasive et représente incontestablement un frein aux abus potentiels... La signature d'une convention faite sans respecter cette procédure, lorsqu'elle était applicable, est d'ailleurs souvent un indice d'abus des biens sociaux dans une entreprise», assure Bruno Dondero.
 

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Commentaire 1
à écrit le 27/02/2012 à 9:30
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Bonjour, Après de multiples recours en justice contre un banquier, nous avons mon épouse et moi été laminé et liquidé. Quelque temps après je découvre un certain nombre d'anomalies et notamment la proximité, enfin disons, la participation d'un certa...

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