Les mutuelles santé veulent révolutionner le système des complémentaires

Président de la mutualité française, qui fédère les mutuelles santé, Etienne Caniard dénonce les conditions dans lesquelles la généralisation de la complémentaire santé a eu lieu. Dans un entretien avec la Tribune, il appelle de ses vœux une remise à plat de tous les dispositifs de financement public des complémentaires (CMU...). Et préconise la création d'un dispositif unique: un crédit d'impôt au profit de toute la population.
Etienne Caniard et François Hollande

Les mutuelles santé, regroupées au sein de la Mutualité française, dont le congrès s'ouvre à Nantes ce 11 juin, ont-elles été le dindon de la farce de la généralisation de la complémentaire santé ? Celle-ci, décidée et dessinée par les partenaires sociaux dans le cadre de l'ANI de janvier 2013, et qui entre en vigueur le premier janvier 2016 -tous les employeurs devront alors offrir une « mutuelle » à leurs salariés- ne correspond à l'évidence pas à ce qu'avait espéré le monde mutualiste. Etienne Caniard, président de la Mutualité française, se montre plus critique sur le sujet. Interrogé par la Tribune, il souligne la décalage entre ce que le monde de la mutualité avait imaginé, et la réalité de législation actuelle.

« L'objectif de la généralisation, c'était d'abord de faire accéder à la complémentaire santé ceux qui en étaient dépourvus. Un glissement sémantique a eu lieu, qui a fait prendre la généralisation du financement par l'employeur pour la généralisation de la complémentaire.


De fait, sur les 4 millions de salariés non couverts par leur employeur au titre de la complémentaire santé, seuls 400.000 bénéficieront de ce nouveau droit. Pour les 3,6 millions autres, il s'agira d'un basculement de l'assurance individuelle vers la collective : la seule nouveauté sera un partage du financement avec l'employeur. Avec, éventuellement, une moins bonne couverture. On est loin d'une complémentaire santé généralisée à toute la population.
D'où l'idée, désormais, d'un véritable changement de système, d'une remise à plat globale.

« Il faut que, rapidement, un large débat s'ouvre sur une réforme de ce système » souligne Etienne Caniard. « L'enjeu est assez simple : il existe huit dispositifs différents d'accès à la complémentaire santé (CMU-C, ACS...), assortis de niveaux de contraintes, de financement ou d'aides fiscales tous différents. Ils sont à l'origine d'effets de seuil importants, et de non recours à la complémentaire : une personne partant à la retraite voit ainsi le coût de sa complémentaire passer de 300 à 1000 euros par an en moyenne.
Il faut simplifier tout cela, tout remettre à plat, supprimer les effets de seuil, les ruptures. Comment ? En lieu et place de tous ces dispositifs, on peut imaginer des mécanismes de type crédit d'impôt, modulé selon les revenus, au bénéfice de toute la population. Au total, ce nouveau dispositif serait neutre pour les finances publiques, par rapport à la situation actuelle.
Bien sûr, une telle révolution ne pourra avoir lieu en un jour. Mais il revient aux pouvoirs publics de fixer le cap."

Ce serait effectivement une révolution, avec la fin de la CMU, remplacée par un crédit d'impôt important pour les ménages à bas revenus. Un crédit d'impôt dégressif à mesure que les ressources augmentent, ce qui permettrait d'éviter les effet de seuil. La participation de l'employeur au financement de la complémentaire santé pourrait être déduite de ce crédit d'impôt.

Le problème, c'est qu'en attendant une telle réforme encore très hypothétique, les mutuelles santé vont sans doute perdre du marché, sous l'effet du transfert des complémentaires santé de l'individuel vers le collectif, d'ici le premier janvier. D'autant que la bataille est rude entre mutuelles santé, mutuelles généralistes, bancasssureurs, Institutions de prévoyance.... Nombre d'acteurs proposent aux employeurs des contrats de base, correspondant au nouveau socle de remboursement, dit ANI autour de 20 euros par mois par salarié : un montant qui, de l'avis de tous les experts, ne couvre par les frais.
Etienne Caniard le déplore :

"Sur le marché de la complémentaire santé collective, certains acteurs jouent aujourd'hui un jeu dangereux, en vendant quasiment à perte. La concurrence exacerbée réduit les marges. Le risque c'est d'aboutir à un modèle économique fragilisant les contrats individuels, déjà difficilement accessibles. C'est une raison de plus pour rebâtir un modèle économique cohérent."


Il s'agit notamment des bancassureurs, nouveaux sur le marché de la collective santé, et qui entendent dupliquer leur succès dans d'autres domaines de l'assurance (vie, bien sûr, mais aussi dommages...) et d'assureurs généralistes -y compris certaines mutuelles- qui peuvent vendre à perte des contrats collectif santé et se rattraper par ailleurs. Les mutuelles peuvent-elles se permettre de perdre des parts de marché, en attendant la grande réforme qu'elles appellent de leurs voeux?


"Les choses peuvent aller très vite" répond Etienne Caniard.  "il est possible, dans une prochaine loi de finances, de moduler les taxes sur les contrats d'assurance, en fonction des portefeuilles, ce qui serait un petit pas pouvant s'inscrire dans le projet de réforme. Le contenu réel des portefeuilles serait pris en compte : les organismes couvrant un nombre important de personnes âgées, de bénéficiaires de la CMU, paieraient moins de taxes que les autres. Il s'agirait d'alléger le fardeau pour ceux qui jouent plus le jeu de la solidarité. De faire en sorte que les acteurs soucieux de l'intérêt général ne soient pas pénalisés."

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Commentaires 39
à écrit le 18/09/2015 à 11:33
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Multiples débats , la complémentaire santé obligatoire oui mais comment ? - Mise en place de la taxation de la part salariale depuis 3 ans - Obligation de mettre en place un mutuelle obligatoire en 2016 donc obligation de payer des impôts suppléme...

à écrit le 14/06/2015 à 19:48
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La complémentaire santé : une taxe DE PLUS sur les entreprises... et après, la gauche se gargarisera d'aider les entreprises !! Mais discrètement, les contraintes pleuvent et annulent très largement les mini efforts envers les entreprises... une fois...

à écrit le 14/06/2015 à 10:46
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Haha, un crédit d’impôt. J’ai mieux comme solution : supprimer toutes les mutuelles et rediriger leurs financements vers la CPAM. En échange, tout le monde serait couvert. Et nous ferions des économies. En effet, la CPAM, c’est moins de 2% de...

le 14/06/2015 à 19:53
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Votre chiffrage des frais de gestion inclus les taxes qu'on leur assène !?? Les financements que vous voulez rediriger vers la CNAM inclus les participation des employeurs à hauteur de 50% que le gouvernement impose aux employeurs-créateurs d'emploi...

à écrit le 13/06/2015 à 11:04
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Les complémentaires santé sont le produit qui a subi la plus lourde taxation depuis 10 ans 1.75% en 2004 contre 13.27% en 2015 ! Voir 20.27 pour certains types de contrat. Cette taxe la Tsa et Tsca est collectée et versée par les complémentaires mais...

à écrit le 12/06/2015 à 10:17
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On a vu le résultat à la mutuelle des étudiants (LMDE, héritier de la MNEF) en faillite et Manuel Valls est bien placé pour le savoir car il a fait toute sa carrière politique en recevant un salaire de cette mutuelle... un emploi fictif.

à écrit le 12/06/2015 à 10:02
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La productivité du secteur mutualiste est lamentable, le coût est la qualité de la gestion sont mauvais, le sureffectif patent. Au lieu de se réformer, ils cherchent à obtenir un "monopole" d'état, une sorte de sécu bis (comme la mutuelle des étudian...

le 12/06/2015 à 17:45
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La Mutualité Francaise est une "filiale" du PS; beaucoup d'emplois fictifs.Holland soigne ses copains en confortant leur rente de situation.La gauche se croit tout permis

le 13/06/2015 à 10:48
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Des faits rien que des faits . Le secteur de la complémentaire santé ne fait quasiment pas de bénéfices. 260 millions d'euros sur 33 milliards de chiffre d'affaire. Cf étude Drees 2014.

à écrit le 11/06/2015 à 23:02
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Une base de mutuelle santé pour tous : ça existe déjà : ça s'appelle la Sécurité Sociale !! ET comme elle ne rembourse plus grand chose mais plus à ceux qui ne cotisent pas... le commun des français va devoir financer une deuxième sécu, appelée... mu...

le 12/06/2015 à 9:11
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EXAT?MAIS COMME LA SECU NE RENBOURSE PLUS RIEN QUE FAIRE?. PLUS PERSONNE NE RALE. CAR IL Y A MOINS D OUVRIERS EN FRANCE?AUTREFOIS IL Y AVAIS DES SYNDICAT ?AUJOURDHUI IL Y A QUE DES GENS QUI NEGOSIE AUX RABAIS AUX DETRIMENT DES AVANTAGES AQUIE PARS NO...

à écrit le 11/06/2015 à 20:14
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Tout est une question de gestion. De 18 à 45 ans, on n'a pas besoin de complémentaire si on a une santé de fer. Il faut cependant épargner pour ses vieux jours.

le 12/06/2015 à 22:58
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Ouais, enfin... hors optique et dentaire !!! Comme ce sont deux des principaux postes de dépenses mal remboursés par la sécu...

à écrit le 11/06/2015 à 17:39
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Les Mutuelles sont un scandale, le seul système équitable, c'est la Sécurité Sociale pour tous et pour tout. Avec une seule structure, on ferait des économies. Un léger détail à régler, que celle-ci ne soit pas fonctionnarisée et soumise comme le res...

le 12/06/2015 à 11:26
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Je suis bien de votre avis mais il est juste un peu dommage que tout le monde absolument de tous bords (praticiens, usagés, industrie pharmaceutique) aient trés largement profités du "bon gros pot commun" qu'était la SECU. Oui il faut une bonne Secu...

le 13/06/2015 à 10:50
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Système obligatoire et complémentaires sont complémentaires par définition ! Ne les opposez pas.

à écrit le 11/06/2015 à 13:11
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4 millions de salariés actuellement non couverts ? Vous oubliez tous ceux qui travaillent dans la fonction publique, fonctionnaires comme contractuels, exclus de l'ANI et pour qui aucune prise en charge de l'employeur n'est prévue. Pour eux, comme po...

le 11/06/2015 à 20:10
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C'est bien en raison des tarifs élevés de la MGEN que je l'ai quitté pour me tourner vers une mutuelle privée.

le 12/06/2015 à 23:03
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Que les fonctionnaires demandent à être intégrés dans le régime général : retraites, santé, profond, sécurité de l'emploi ! UN régime général pour tous et je vous soutiendrais sans hésitation !!!

le 13/06/2015 à 1:38
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Contrairement à ce que vous pensez, les fonctionnaires sont loin d'être des nantis. Sécurité de l'emploi, oui, mais n'importe où en France, souvent à plusieurs centaines de kms de sa région natale, des salaires largement inférieurs à ceux du privé à ...

le 13/06/2015 à 10:56
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Les fonctionnaires sont les grands oubliés des aides publiques versées pour l'acquisition de la complémentaire santé. Les fonctionnaires reçoivent en moyenne 15 € par an contre 151 € pour les aides aux contrats d'entreprise et même 260 € pour les lib...

le 13/06/2015 à 19:50
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Arrêtons de nous faire pleurer avec les fonctionnaires ,ce sont avec les professions réglementées les seules à avoir réussi à maintenir leur pouvoir d'achat au dessus de l'inflation depuis 15 ans . Trop c'est trop ... Plus de fonctionnaires et profes...

à écrit le 11/06/2015 à 13:03
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que les mutuelles publient d'abord tous leurs compte : - dépenses de pub (émoluments de chevalier et laspales etc...), sponsoring : Vendée-globe, Matmut Carrera cup, MMA stadium etc - Patrimoine : des hôtels (château de Saint-Pierre-de-Varengevill...

le 11/06/2015 à 23:53
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Vous confondez mutuelle qui est un statut juridique avec assurance complémentaire santé. Et ce dont vous parlez ce sont les compagnies d'assurance commerciale du secteur marchand. Pas de jetons de présence dans les mutuelles.

le 12/06/2015 à 10:07
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Dans les mutuelles (les vraies), pas de salaire faramineux, mais énormes sureffectifs, absence de productivité et de compétence, gouvernance obscure.

le 13/06/2015 à 10:52
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Les mutuelles organisme privée à but non lucratif ne reverse pas de dividendes, n'ont pas capital social . Elles sont contrôlées par l'ACPR de manière très stricte, vérifiez .,,

à écrit le 11/06/2015 à 11:46
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L'ANI a été signé par les partenaires sociaux: syndicats de salariés+medef+cgpme+upa (artisans.) Il existe déjà en dehors de la cmu des aides à la complémentaire santé pour les bas revenus . La complémentaire santé obligatoire pour les salariés va ...

à écrit le 11/06/2015 à 11:23
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C'est du blablablba à fond la caisse , les mutuelles se font font un argent fou avec les déremboursments de la Sécurité Sociale depuis des années, ils ont peur de perdre leurs chers clients et de subir la concurrence car les tarifs et les prestations...

le 13/06/2015 à 10:59
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Les mutuelles santé ne font quasiment pas de bénéfices. Source situation financière des complémentaires santé 2014, publié en mai 2015

à écrit le 11/06/2015 à 10:34
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L IDEE D ENLEVEZ 1000 EUROS D INPOTS AUX RETRAITES PAUVRES AFIN D AVOIR UNE MUTUELLE VAS DANS LE BON SENS???

le 11/06/2015 à 15:17
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Ma mutuelle santé me coûte beaucoup plus par an. D'autant plus qu'a chaque palier, 5 ans, 10 ans, les primes sont révisées ! alors, avec un abattement de 1000 Euros, c'est mieux que rien, mais ça ne fait toujours pas le compte !

à écrit le 11/06/2015 à 10:14
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Et voila comment on est en train de transférer la sécu à des mutuelles. Qui veulent prendre le pouvoir au détriment des professions de santé. D'autre part, la manière d'agir de ce gouvernement, est strictement scandaleuse. Déjà les salariés, ont étés...

le 11/06/2015 à 11:27
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Rien n'empêcherait non plus la Sécurité Sociale d'étendre son offre d'assurances maladie aux assurances complémentaires et d'entrer en concurrence avec les mutuelles, banques, et compagnies d'assurance. On peut facilement faire confiance a l'assure p...

le 11/06/2015 à 22:11
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Mais bien sûr, en rentrant du boulot, on va passer notre temps à comparer les prix de tout et de rien. CONsomme et tais-toi ! Pauvre monde, pauvre France, on amène les gens à l'abattoir (retour en arrière du fonctionnement de nos société avec juste u...

à écrit le 11/06/2015 à 8:42
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Les réformes avances - on ne parle pas de l'effet des complémentaires obligatoires sur les revenus des cabinets d'assurance... C'est une révolution comme pour les taxis etc. Et l' Etat a complètement "oublié" cet impact, parce en tenir compte est d...

à écrit le 11/06/2015 à 8:33
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Ce monsieur ne connaît pas son sujet : les personnes ayant de petits revenus ne paient pas d'impôt sur le revenu et n'ont donc pas possibilité d'obtenir un crédit d'impôt. Ce sont les mutuelles qu'il faudrait supprimer et que le régime bascule sur le...

le 11/06/2015 à 9:21
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Savez-vous qu'un crédit d'impôt est versé au contribuable s'il n'est pas imposable ? Soyez sûr de vous quand vous prétendez donner des leçons !

le 11/06/2015 à 9:25
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Un crédit d'impôt est soit une déduction de l'impôt du, soit , pour les non imposables, un chèque du trésor public .

le 11/06/2015 à 10:56
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qu'ils vont financer comment? Je parle des pauvres, les vrais, ceux qui bossent, ne peuvent pas être malades car les carences sont simplement rédhibitoires (7j ou plus) et doivent avancer les soins non remboursés, les coûts de mutuelle et les soins. ...

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