Reportage au Mont de Piété, très fréquenté en ces temps de crise

Depuis un an, le Mont-de-Piété, LE prêteur sur gage de France, a vu sa fréquentation augmenter de 25%. Cet établissement vieux de plus de 200 ans attire de plus en plus de personnes victimes de la crise financière. Ecartées du prêt bancaire classique, elles se présentent au siège de l'institution, dans l'espoir d'obtenir un prêt en échange d'un bien personnel.

"Numéro 219 !", appelle une guichetière. "Le 220 ! C'est au tour du 220 !", annonce un autre comptoir. Les personnes servies partent, mais la salle des prêts sur gage ne désemplit pas pour autant. "Depuis le début de la crise, elle bat des records d'affluence : 500 personnes viennent quotidiennement déposer des objets en espérant en retirer un bon prêt, contre 400 en 2007", explique-t-on au Crédit municipal de Paris (CMP), surnommé le Mont-de-Piété.

Ils sont une soixantaine à attendre leurs convocations aux guichets. Ils devront y patienter trois heures en moyenne avant que leurs objets soient estimés et leurs prêts octroyés. Derrière les comptoirs, les mains expertes des commissaires priseurs s'agitent.

Khayra tient précieusement le ticket 225. C'est bientôt son tour. Cette "Rmiste" de 26 ans fait la queue depuis deux heures. Dans son sac, des bijoux prêtés par la famille dont elle espère obtenir un bon prêt. "Au moins de quoi payer mon loyer", espère-t-elle. C'est la première fois que cette jeune Algérienne se rend au Mont-de-Piété. "Normalement j'arrive à peu près à me débrouiller avec mon RMI et l'aide de la famille. Mais aujourd'hui, je croule sous le poids des dettes et les banques ne veulent plus me prêter d'argent." 

Khayra n'est pas la seule dans ce cas. Fatima, 40 ans, attend l'estimation de plusieurs objets qu'elle a déposés il y a une heure. Elle vit une période difficile : licenciée il y a quelques mois et divorcée avec un enfant à charge, elle n'arrive plus à joindre les deux bouts. Ses allocations de 641 euros mensuels lui permettent tout juste de payer son loyer. "J'ai déjà contracté des crédits à la consommation, mais je peine à les rembourser. L'avantage ici c'est que les intérêts sont de 1% par mois ; c'est quand même plus honnête que des crédits revolving à 20% ! Au pire, si je ne parviens pas à rembourser, je perds la valeur sentimentale de mes bijoux. C'est dur mais quand on n'a plus le choix...", se désole-t-elle.

Des personnes plutôt modestes, d'origine africaine et sri lankaise constituent la majorité des "engagistes". Mais aujourd'hui, viennent des familles aisées voire très fortunées. Ce sont d'ailleurs les habitants du 16ème arrondissement parisien qui viennent gager le plus, suivis de près par le 18ème et le 19ème arrondissement.

Chemise à carreaux, pantalon de flanelle et veste en velours rehaussée d'une pochette en soie, ils dénotent dans cette salle plutôt colorée. Cachés derrière un journal, certains refusent de parler, d'autres y voient une façon agréable de patienter. Roland, 57 ans, est venu mettre en gage une montre de famille. Directeur commercial d'une société d'investissement immobilier, il vient d'être licencié à la suite d'un dépôt de bilan. Il n'est pas inquiet ; il sait qu'il va toucher en mai son chômage et de grosses indemnités. Mais en attendant, le mois d'avril risque d'être un peu difficile. "Quelles que soient les garanties qu'on apporte aux banques, quand on est au chômage, elles refusent de prêter le moindre centime !", explique Roland, désabusé.

Christiane n'essaie même plus de recourir aux banques. Habituée au prêt sur gage, elle est venue "mettre au clou" un vison de la maison Saga. Estimé à 400 euros par les commissaires-priseurs, le CPM ne lui prêtera que 50% de sa valeur, question de garantie. En même temps, elle vient récupérer le manteau de fourrure de sa mère qu'elle avait mis en gage un an plus tôt. Christiane est habituée depuis son enfance aux fastes d'une vie de neuilléenne. Malgré le décès de son mari il y a cinq ans et une petite retraite de 1.500 euros, elle n'est pas prête à quitter son appartement au loyer dispendieux. "J'ai hérité de pas mal d'objets de valeur à la mort de ma mère. Malgré mes déboires financiers, j'ai finalement de la "chance" dans mon malheur", confie-t-elle.

Mais tout le monde n'a pas la même "chance" que Christiane. De solution passagère pour certains, le Mont-de-Piété peut devenir, pour d'autres, le seul moyen de s'en sortir.

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